Rubrique > outre-mer
Titre > Gestion de l'eau à Mayotte
Mme Estelle Youssouffa alerte M. le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer, sur la gestion de l'eau à Mayotte. Depuis la crise de l'eau en fin d'année 2016 et début d'année 2017, due au retard de la saison des pluies et l'absence d'investissements d'envergure pour le stockage et la production en eau sur le territoire couplé à un réseau vieillissant et sous-dimensionné, les foyers mahorais sont privés d'eau régulièrement. Les coupures d'eau sont dorénavant institutionnalisées sur le territoire, tantôt appelées pudiquement coupures techniques tantôt appelées tours d'eau, sans compter les coupures intempestives pour casse ou manque de niveau suffisant dans les réservoirs. Actuellement, les Mahoraises et Mahorais subissent l'injustice avec deux coupures d'eau par semaine sur le département de 17h à 7h du matin. Cette situation aurait-elle été tolérée sur le territoire hexagonal ? Six années se sont écoulées depuis la mise en œuvre du plan d'urgence « Eau Mayotte » en 2017 censé répondre à la crise, mais surtout apporter des solutions pérennes pour éviter d'autres situations de pénurie à l'avenir. Ce plan annonçait un certain nombre d'actions comme la rehausse d'un mètre du déversoir de la retenue de Combani avec un gain de 250 000 m3 de stockage d'eau brute en plus qui devait être livrée en douze mois mais qui finalement a été réceptionnée quatre ans plus tard en mars 2021. Ces 250 000 m3 correspondent à sept jours de consommation. Soit une attente de quatre ans pour sept jours de consommation ! Que dire des deniers publics jetés par la fenêtre, investis dans l'extension de l'usine de dessalement de Petite-Terre, marché attribué à la filiale de Vinci, la Mahoraise des eaux, qui est la société de production et distribution d'eau potable à Mayotte. Cette extension estimée à 7,5M d'euros et livrée en 2018 devait fournir 4 800 m3 par jour et permettre à l'usine de produire au total 5 300 m3 par jour. Or depuis sa livraison, pour un défaut de calibrage de la zone de pompage en mer (eau trop turbide), elle n'a jamais fourni la production escomptée. Aujourd'hui l'usine de dessalement fournit péniblement 2 000 m3 par jour. En 2022, l'État investit en plus 4,1M d'euros dans des travaux d'amélioration de l'usine de dessalement, conduit par la Mahoraise des eaux qui revoit à la baisse la production attendue à 4 700 m3 par jour par rapport à la prévision de départ de 5 300 m3 par jour. Mais surtout, il est annoncé 3 700 m3 par jour en fin d'année 2023 pour la réception du chantier : le bilan est très éloigné des attentes et pour combien de millions d'euros dépensés au total ! D'autres actions ne sont toujours pas mises en œuvre, notamment la sixième campagne de prospection de forage annoncée dans ce plan et qui ne sera mise en route que sur la période 2024-2026. Ce plan fut un échec lourd de conséquences avec la situation catastrophique dans laquelle se trouve le territoire aujourd'hui. Le renvoi permanent du Gouvernement à la signature du tout nouveau contrat de progrès 2022-2026 entre l'État et les Eaux de Mayotte, syndicat unique de l'eau et de l'assainissement, qui dispose de la compétence eau et les 416 millions d'euros prévus dans ce contrat pour répondre aux besoins en eau et assainissement, n'est pas audible. Le sujet de l'eau est vital et urgent pour Mayotte. Il n'y a toujours pas d'eau au robinet et cette situation n'a que trop duré ! Les citoyens français du 101e département ne peuvent se satisfaire de cette réponse. En effet, l'État a contractualisé le premier contrat de progrès avec le syndicat en 2018 alors que celui-ci était en difficultés notoires (voir rapport de la Cour des comptes) et que tout changement supposait une restructuration en profondeur et un accompagnement avec l'ingénierie des services de l'État, qui a bien eu lieu. Ce fut également un échec puisqu'en 2020 le territoire a connu sa deuxième crise de l'eau avec le recours aux tours d'eau. Aujourd'hui encore le même schéma est reproduit avec ce nouveau contrat de progrès qui ramène les investissements vitaux pour le territoire à 2026 pour la deuxième usine de dessalement et quid des investissements pour la troisième retenue collinaire aux vues des blocages et des retards pris sur la question du foncier. Le contrat de progrès vise à définir la bonne trajectoire de développement du syndicat dans l'exercice de ses missions, dans ce même document, il est précisé que jusqu'en 2024, les équilibres seront tendus et le territoire sera soumis à des tours d'eau saisonniers ! De tels propos interrogent sur l'ambition du contrat de progrès. L'urgence et la gestion de crise ne sont pas traitées. La population ne peut pas se permettre d'attendre que le syndicat se mette en ordre de marche et éponge ses dettes. Néanmoins, Mme la députée salue le fait que la démarche de restructuration soit bénéfique pour l'institution. Elle rappelle à M. le ministre que la crise de l'eau à Mayotte concerne également les niveaux des retenus d'eau. Sujet éminemment important dans l'équation, mais qui n'est, de manière troublante, jamais abordé par les services de l'État. En effet, les niveaux des retenus sont extrêmement bas. Les eaux souterraines et les cours d'eau sont également dans le rouge. Selon les prévisionnistes, la situation ne tend pas à s'améliorer au niveau de la pluviométrie. Il faudrait qu'un cyclone ou une forte dépression amène des pluies intenses. D'après les simulations, sans pluies importantes d'ici la fin de la saison des pluies, c'est-à-dire en avril 2023, les réserves actuelles permettent une résilience jusqu'à avril, pire jusqu'à mi-mars 2023 pour les plus pessimistes. Mayotte est à sa troisième crise de l'eau avec plan ORSEC sur le volet eau datant de 2014 : si une catastrophe frappait l'île demain, les Mahoraises et Mahorais seraient totalement démunis ! Elle l'interroge sur les actions que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour répondre à l'urgence de la crise de l'eau qui court actuellement à Mayotte, ainsi que les dispositions durant les trois années à venir en attendant les grandes infrastructures annoncées pour 2026.