Rubrique > travail
Titre > Plafonnement des indemnités de licenciement
M. Mickaël Bouloux interroge M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur le plafonnement des indemnités de licenciement à la charge de l'employeur en cas de licenciement « pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse ». Prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail, le principe de ce plafonnement a été vertement critiqué le 26 septembre 2022 par le Comité européen des droits européen (CEDS). L'avis du CEDS est sans équivoque : « Les plafonds prévus par l'article L. 1235-3 du code du travail ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l'employeur. En outre le juge ne dispose que d'une marge de manœuvre étroite dans l'examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés. Pour cette raison, le préjudice réel subi par le salarié en question lié aux circonstances individuelles de l'affaire peut être négligé et, par conséquent, ne pas être réparé. En outre, les autres voies de droit sont limitées à certains cas. Le Comité considère donc, à la lumière de tous les éléments ci-dessus, que le droit à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée au sens de l'article 24.b de la Charte [Sociale Européenne] n'est pas garanti. Par conséquent, le Comité dit qu'il y a violation de l'article 24.b de la Charte ». Ratifiée par la France en 1999, la charte pose le principe d'un droit à la protection des salariés en cas de licenciement. De fait, lorsque les juges constatent un licenciement abusif, ils ont l'interdiction d'allouer des dommages et intérêts supérieurs à une grille fixée en fonction de l'ancienneté du salarié et ce quelles que soient les circonstances. Ainsi, jusqu'à dix ans d'ancienneté, les salariés peuvent prétendre à environ un mois de salaire par année d'ancienneté, puis à un-demi mois par année au-delà de dix ans, avec un plafond de 20 mois pour les salariés totalisant plus de trente années d'ancienneté. À l'heure où les carrières sont de plus en plus hachées, en particulier pour les femmes, les carrières longues auprès d'un même employeur sont moins nombreuses. Les grands perdants de ce plafonnement des indemnités de licenciement sont les salariés les plus fragiles. Il s'agit en particulier des femmes, mais aussi des salariés qui ont moins de deux ans d'ancienneté et qui ne percevront que des indemnités dérisoires, et enfin des salariés de plus de 50 ans qui ont changé d'emploi aux alentours de la cinquantaine et qui, statistiquement, sont particulièrement touchés par la précarisation de l'emploi. Avec ce barème plafonné des indemnités de licenciement, la saisine des prud'hommes par les salariés licenciés abusivement ne revêt plus de caractère dissuasif pour les employeurs. Les salariés sont par conséquent incités de facto à accepter une rupture conventionnelle proposée par leur employeur. Au vu de l'avis du CEDS qui souligne en substance que la France ne remplit plus, à l'égard des travailleurs, le « modèle social » qu'elle revendique à l'échelle internationale, il lui demande si le Gouvernement envisage de revoir le barème plafonné des indemnités pour licenciement abusif, voire s'il lui paraît opportun d'abandonner un système injuste pour les salariés et qui consacre de fait une impunité financière aux employeurs indélicats.