16ème législature

Question N° 2187
de Mme Christine Engrand (Rassemblement National - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Agriculture et souveraineté alimentaire

Rubrique > agriculture

Titre > Avenir de l'élevage et la souveraineté alimentaire française

Question publiée au JO le : 18/10/2022 page : 4620
Réponse publiée au JO le : 18/04/2023 page : 3579
Date de renouvellement: 31/01/2023

Texte de la question

Mme Christine Engrand appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire concernant le budget du poste agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales. Derrière le vernis d'une hausse budgétaire, plusieurs failles structurelles sont occultées. Le soutien aux agriculteurs dans la transition écologique, pour n'évoquer que l'une de ces failles, ne prend bien souvent en compte que les infrastructures. Ainsi, deux dispositifs sur trois du plan de relance servent à financer des équipements, le dernier sert l'agenda de l'UE en matière de développement des protéines végétales. Mais à côté du développement des infrastructures, il y a le soutien de ce qui structure l'activité même de l'éleveur : les animaux. Or depuis des mois, les intérêts réels des éleveurs sont éclipsés par des investissements en faveur de mesures Potemkine, alors que dans le monde réel les éleveurs n'arrivent même plus à nourrir leur cheptel depuis le mois de septembre 2022. On a minimisé ce problème en soulignant la sécheresse inédite et l'inflation du prix des intrants. Pourtant la décapitalisation ne date pas d'aujourd'hui, elle est chronique. Dans la filière ovine alors qu'on dénombrait en 1995, 6.32 millions d'agnelles et brebis saillies allaitantes, on n'en compte plus que 3.78 millions aujourd'hui. Tandis que les cheptels ont été divisés par deux en 30 ans, la moitié de la consommation française actuelle de viande ovine est quant à elle importée. Elle demande donc comment le Gouvernement prévoit de préserver notre souveraineté alimentaire sans soutenir l'élevage français. Nourrir les bêtes françaises, pour nourrir les français ; voilà ce que le Gouvernement devrait revendiquer, voilà ce qu'elle réclame.

Texte de la réponse

Le Gouvernement n'ignore rien des difficultés rencontrées par les éleveurs français qu'elles soient de long terme ou conjoncturelles. Pour répondre aux conséquences de la guerre en Ukraine qui a entraîné des perturbations fortes dans l'approvisionnement de l'économie française, tant en termes de flux qu'en termes de prix, le Gouvernement a mis en place, en 2022, une aide aux éleveurs fortement impactés par l'augmentation du coût de l'alimentation animale et qui visait à compenser une partie des surcoûts d'alimentation animale qu'ils supportaient. Dotée d'une enveloppe s'élevant jusqu'à 489 millions d'euros (M€), y compris crédits européens, cette mesure était ciblée sur les élevages fortement dépendants d'achats d'aliments, qui connaissent des pertes liées à cette hausse. Cette aide visait à couvrir une période de quatre mois (15 mars au 15 juillet 2022). Les éleveurs qui ont déposé une demande auprès de FranceAgriMer ont pu bénéficier d'une aide dont le montant variait entre 1 000 et 35 000 euros (€) par exploitation, calculée en fonction de leur taux de dépendance aux achats d'alimentation animale. Les paiements sont intervenus entre juillet et décembre 2022. Les éleveurs ovins-caprins étaient éligibles à cette aide pour leurs achats d'alimentation animale. D'ailleurs, selon un premier bilan réalisé par FranceAgriMer, une part significative de ces éleveurs ovins-caprins a bénéficié de ce dispositif avec près de 6 500 dossiers déposés. Au total, toutes filières confondues, ce sont plus de 70 000 élevages qui ont bénéficié de cette aide. L'enveloppe des prises en charge des cotisations sociales dues par les exploitants à la mutualité sociale agricole a également été abondée à hauteur de 150 M€ supplémentaires en 2022 (en plus de l'enveloppe de droit commun) pour venir en aide aux exploitations confrontées à des hausses de charges qui dégradent leur compte d'exploitation de manière significative. Par ailleurs, la loi de finances pour 2023 a simplifié les règles de taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicables dans le secteur de l'agroalimentaire et de la production agricole et a prévu un élargissement du champ d'application du taux réduit de 5,5 %. Concrètement, depuis le 1er janvier 2023, le taux réduit de TVA s'applique, notamment, aux livraisons de denrées alimentaires destinées à la consommation des animaux producteurs de denrées alimentaires elles-mêmes destinées à la consommation humaine et, afin de rationaliser l'application du taux réduit dans le secteur agroalimentaire, aux produits d'origine agricole, de la pêche, de la pisciculture ou de l'aviculture lorsqu'ils sont d'un type normalement destiné à être utilisé dans la production agricole. Ces produits se voient ainsi appliquer le même taux que les produits destinés à l'alimentation humaine ; en outre, le bénéfice du taux réduit n'est plus conditionné à une absence de transformation de ces produits. Concernant la sécheresse de l'été 2022, le Gouvernement s'est pleinement mobilisé dans un contexte de baisse des rendements et face à des situations individuelles difficiles et hétérogènes. Dans ce contexte, plusieurs mesures destinées à soutenir les agriculteurs ont été mises en œuvre. Les avances de la politique agricole commune (PAC) payées au 16 octobre 2022 ont été portées à 70 % pour les aides découplées et 85 % pour l'indemnité compensatoire de handicaps naturels, afin de faire face aux problèmes de trésorerie des exploitations, et notamment des élevages, ce qui représentait 1,6 milliard d'euros d'avance de trésorerie. Par ailleurs, les dispositifs de droit commun, à savoir les exonérations de taxe sur le foncier non bâti et de cotisations sociales, ont été activées. Enfin, le régime des calamités agricoles a été mobilisé pour les cultures éligibles avec un assouplissement des conditions d'accès, au travers de l'abaissement du seuil d'éligibilité de 13 % à 11 % de pertes de produit brut et d'une accélération exceptionnelle de la procédure au profit des éleveurs les plus affectés par les effets de la sécheresse afin d'éviter une décapitalisation non contrôlée. C'est ainsi que les zones recouvrant tout ou partie des douze départements les plus touchés ont pu faire l'objet d'une reconnaissance partielle du comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) du 28 octobre 2022, de manière à initier des versements d'acomptes dès le mois de novembre pour les agriculteurs concernés, au fur et à mesure de l'instruction des dossiers par les directions départementales des territoires et de la mer. Cette accélération importante du calendrier a permis un premier apport de trésorerie au bénéfice prioritairement des éleveurs les plus affectés. Par la suite, le CNGRA du 9 décembre 2022 a permis d'arrêter les zones et les taux de pertes définitifs pour les douze départements susmentionnés, et d'initier le versement des soldes et a reconnu cinq autres départements. Enfin, le CNGRA s'est à nouveau réuni le 18 janvier 2023 pour statuer sur les autres demandes de reconnaissance des départements touchés par la sécheresse, déposées au 1er décembre 2022. C'est ainsi que les zones de vingt-sept départements supplémentaires ont été reconnus. L'accélération inédite de la procédure a ainsi permis de gagner jusqu'à plus de quatre mois sur le calendrier habituel de versement des calamités sécheresse. Par ailleurs, face à l'intensité de l'épisode de sécheresse et des difficultés auxquelles ont fait face les éleveurs, le Gouvernement a pris la décision exceptionnelle de relever le taux d'indemnisation de 28 % à 35 %. Au-delà de cette réponse d'urgence, et pour l'avenir, la réforme structurelle des outils de gestion des risques climatiques en agriculture a été pensée et conçue pour les agriculteurs, afin qu'ils soient mieux protégés face au changement climatique. Cette réforme permettra d'améliorer l'accompagnement des exploitants face à ces événements climatiques toujours plus intenses et fréquents. Ainsi, la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 instituant le nouveau dispositif de gestion des risques climatiques en agriculture, unique, partenarial et universel, est entrée en vigueur en 2023. Le nouveau dispositif repose sur la solidarité nationale et le partage équitable du risque entre l'État, les agriculteurs et les entreprises d'assurance. De plus, pour relever le défi du renouvellement des générations, comme annoncé par le Président de la République le 9 septembre 2022, un pacte et une loi d'orientation et d'avenir agricoles seront mis en place autour de quatre axes : l'orientation et la formation ; la transmission ; l'installation des jeunes agriculteurs ; la transition et l'adaptation face au climat. Les filières élevage ont toute leur place dans ces réflexions qui font l'objet d'une concertation nationale et territoriale devant s'achever d'ici la fin du premier semestre 2023. Enfin, assurer la pérennité de l'élevage c'est également lui donner une vision de long terme. C'est pour cette raison que la nouvelle PAC pour la période 2023-2027 prévoit des aides pour les éleveurs de ruminants, en particulier les éleveurs d'ovins. L'aide couplée ovine existante sur la programmation antérieure a été reconduite selon les mêmes modalités. Cette aide vise notamment à soutenir les producteurs des filières ovines (lait ou viande) par le biais d'une prime à la brebis (23 € par brebis montant indicatif de l'aide de base). Une aide complémentaire pour les nouveaux producteurs est prévue dans le but d'accompagner ces éleveurs pendant les trois premières années de leur activité (6 € par animal environ). Le Gouvernement met tout en œuvre pour garantir la souveraineté alimentaire de la France. Les filières d'élevage ont un rôle central à jouer pour offrir aux consommateur un accès à une viande de qualité produite en France.