16ème législature

Question N° 218
de M. Éric Girardin (Renaissance - Marne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail, plein emploi et insertion
Ministère attributaire > Travail, plein emploi et insertion

Rubrique > travail

Titre > Encadrement de la suspension du repos hebdomadaire des travailleurs saisonniers

Question publiée au JO le : 28/02/2023
Réponse publiée au JO le : 08/03/2023 page : 2209

Texte de la question

M. Éric Girardin attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur l'encadrement de la suspension du repos hebdomadaire des travailleurs saisonniers des secteurs agricoles et viticoles. Ces filières sont confrontées à de fortes contraintes qualitatives et techniques, couplées à un besoin massif de main d'œuvre, qui imposent une récolte dans un laps de temps très court, nécessitant de recourir à certains aménagements dans l'organisation du travail. Chaque année, les agriculteurs et viticulteurs sollicitent l'administration pour bénéficier d'une mesure d'exception prévue par l'article 714-1 du code rural. Celle-ci permet « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de travaux dont l'exécution ne peut être différée » de suspendre pour une durée limitée, le repos hebdomadaire de leurs salariés affectés aux travaux saisonniers. Néanmoins, voilà plusieurs années que l'administration régionale conteste la légitimité des opérateurs à recourir à ce dispositif pendant la période des vendanges, de la moisson et des cueillettes. L'administration estime que puisqu'elles se répètent chaque année, elles ne constituent pas une « circonstance exceptionnelle » susceptible de justifier légalement le recours à la suspension du repos hebdomadaire. Elle entend ainsi réserver cette possibilité aux seules situations dans lesquelles des évènements ponctuels et imprévisibles (aléas météorologiques par exemple) viendraient impacter le déroulement des vendanges, de la moisson ou des cueillettes. Cette analyse vient mettre gravement en péril le bon déroulement de ce moment clé de l'activité présente et future des entreprises de la filière. Le Président de la République, alerté sur ce sujet en 2019, avait donné instruction à ses services de revenir sur leur interprétation. Aucune inflexion positive n'a malheureusement à ce jour été constatée. L'administration ayant même depuis dressé des procès-verbaux et infligé d'importantes sanctions financières à certains opérateurs ayant suspendu le repos hebdomadaire de leurs salariés affectés aux travaux de vendanges. Dans ce contexte et pour préserver les exploitations agricoles et viticoles, il semble indispensable de sécuriser juridiquement la possibilité à recourir à la suspension du repos hebdomadaire. M. le député sait l'engagement de M. le ministre pour soutenir ces filières et leurs salariés, y compris saisonniers. Il lui demande quelles mesures il souhaite prendre pour éviter à l'avenir cette problématique d'un blocage administratif au détriment du bon sens économique.

Texte de la réponse

SUSPENSION DU REPOS HEBDOMADAIRE DES TRAVAILLEURS SAISONNIERS


M. le président. La parole est à M. Éric Girardin, pour exposer sa question, n°  218, relative à l'encadrement de la suspension du repos hebdomadaire des travailleurs saisonniers.

M. Éric Girardin. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’encadrement de la suspension du repos hebdomadaire des travailleurs saisonniers des filières agricoles et viticoles. Celles-ci sont confrontées à de fortes contraintes qualitatives et techniques qui, couplées à un besoin massif de main-d’œuvre, imposent un temps très bref pour la récolte et certains aménagements dans l’organisation du travail. Chaque année, les agriculteurs et viticulteurs sollicitent l’administration pour bénéficier de la mesure d’exception prévue par l’article L. 714-1 du code rural et de la pêche maritime. Celle-ci permet, « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de travaux dont l’exécution ne peut être différée », de suspendre pour une durée limitée le repos hebdomadaire des salariés affectés aux travaux saisonniers.

Depuis plusieurs années, l’administration conteste néanmoins la légitimité des opérateurs à recourir à ce dispositif pendant les vendanges, la moisson ou les cueillettes. Elle estime que dans la mesure où elles se répètent chaque année, ces périodes ne constituent pas une circonstance exceptionnelle justifiant légalement la suspension du repos hebdomadaire. Elle entend réserver cette possibilité aux seules situations dans lesquelles des événements ponctuels et imprévisibles – comme des aléas météorologiques – affecteraient le déroulement des vendanges, de la moisson ou des cueillettes. Cette analyse met gravement en péril le bon déroulement de ce moment clé de l’activité des entreprises de ces filières. Le Président de la République, alerté sur le sujet en 2019, avait donné instruction à ces services de revenir sur leur interprétation du cadre légal.

Or aucune inflexion positive n’a été constatée depuis. L’administration a même infligé d’importantes sanctions financières à certains opérateurs qui avaient suspendu le repos hebdomadaire de leurs vendangeurs. Je rappelle que cette position fait fi de la volonté des partenaires sociaux, puisqu'elle ignore un accord conclu à l’unanimité des organisations syndicales entérinant la possibilité de suspendre le repos hebdomadaire. Quelles mesures le Gouvernement souhaite-t-il prendre pour éviter à l'avenir ce blocage administratif, qui se fait au détriment du bon sens économique ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la mer.

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer. Je tiens d'abord à vous remercier, monsieur le député, pour votre implication de longue date sur ce sujet. Comme vous le savez, tout salarié bénéficie d'un repos hebdomadaire d'au moins vingt-quatre heures consécutives, auquel s'ajoute le repos quotidien de onze heures – soit un repos hebdomadaire d'une durée minimale de trente-cinq heures. Ces dispositions sont également applicables à l'agriculture. La réglementation vise avant tout à préserver la santé et la sécurité des salariés.

Des dérogations de droit existent pour le repos dominical – notamment pour les vendanges, comme vous l'avez souligné. Cependant, la dérogation au repos dominical ne vaut pas dérogation au repos hebdomadaire. Les professionnels font parfois une confusion entre travail du dimanche et suspension du repos hebdomadaire – ce dernier s'inscrivant dans le cadre de la semaine civile. La dérogation au repos dominical permet de faire travailler les salariés douze jours consécutifs dans le respect du repos hebdomadaire. Cette possibilité répond aux attentes des professionnels, puisque la récolte s'étend le plus souvent sur une période de neuf à douze jours.

Un point de tension demeure concernant les dates des vendanges, choisies en fonction des éléments climatiques. Il nous faut trouver une voie entre la préservation des droits sociaux des salariés employés et les contraintes de l'activité. Vous savez que le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, Olivier Dussopt, et le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, suivent de très près ce dossier. Parallèlement, le service public de l'emploi soutient et accompagne les professionnels viticoles dans le cadre de leurs besoins de main-d'œuvre.

M. le président. La parole est à M. Éric Girardin.

M. Éric Girardin. Vos propos constituent une ouverture et une avancée, monsieur le secrétaire d'État. Je répète que l'administration a durci sa position, en particulier en Champagne – d'où ma question – et qu'en matière de récolte des cultures, c'est la politique du « juste-à-temps » qui s'applique : avant l'heure, ce n'est pas l'heure, après l'heure, ce n'est plus l'heure. Il y va de la qualité sanitaire des produits récoltés. Une nouvelle fois, j'attire donc l'attention du Gouvernement : la prise en compte du bien-être et du repos des travailleurs – certes nécessaire – ne doit pas conduire à anéantir des récoltes. Celles-ci doivent se faire au moment où il faut cueillir.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Berville, secrétaire d'État. Vous avez parfaitement raison. Le Gouvernement vous propose de faire preuve de bon sens en traitant ce sujet avec le service public de l'emploi et avec les préfectures et les services de l'État. Comme vous l'avez très bien dit, la situation dépend vraiment des zones et des éléments climatiques. Je vous propose donc que nous travaillions ensemble dans le but d'accompagner les professionnels au plus près des attentes du terrain.