La cerise face à la drosophila suzukii
Question de :
M. Jean-François Lovisolo
Vaucluse (5e circonscription) - Renaissance
M. Jean-François Lovisolo interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la situation des exploitants agricoles de la filière Cerises face au manque d'alternatives crédibles concernant la lutte contre la drosophila suzukii. Comme le Gouvernement le sait, la drosophila suzukii a drastiquement fait chuter la production de cerises en France, surtout depuis 2016. En effet, à cette date, la Commission européenne a demandé à ses États membres de retirer du marché le diméthoate, seul insecticide efficace contre ce ravageur. Pour protéger les récoltes, un autre produit pouvait être utilisé, le phosmet, mais a également été retiré du marché par l'Union européenne. Le dernier recours pour les agriculteurs réside dans le Cyanzypyr ou Cyantraniprole qui a pu être utilisé sous dérogation. Cette dérogation en application de l'article 53 au règlement CE 1107/2019 répond aux situations d'urgence. Sa demande doit être renouvelée chaque année, la dérogation étant limitée à une période de 120 jours. Malheureusement, selon les informations issues d'une récente réunion entre la chambre d'agriculture du 84 et l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), aucune autorisation technique ne sera donnée pour l'utilisation du Cyanzypyr pour la campagne agricole 2023. La filière est plus qu'inquiète quant à son avenir du fait de l'impossibilité pour elle de ne pouvoir utiliser aucun produit capable de protéger ses fruits. Mis à part les produits phytosanitaires, il n'existe que trop peu d'alternatives à la disposition des agriculteurs. Le développement des filets de protection pourrait être une solution technique pertinente. Mais elle reste encore trop onéreuse et souvent mal adaptée à la configuration des vergers implantés en zones pentues ou disséminées comme sur les reliefs du Mont Ventoux. Toutefois, si cette solution devait être l'unique issue proposée aux producteurs de cerises, il est important de comprendre que la filière est déjà fragilisée économiquement par une suite de récoltes fortement affectées par l'action du ravageur ou du climat et demeure mobilisée pour adapter au mieux ses exploitations en réponse aux exigences environnementales. Aussi, il lui demande quelles mesures sont envisagées par le Gouvernement pour épauler les producteurs de cerises françaises face à la situation difficile à laquelle elle est confrontée.
Réponse publiée le 28 mars 2023
La filière française de la cerise est confrontée aux retraits successifs des molécules actives contre drosophila suzukii, principal ravageur de cette culture. Les représentants professionnels de la filière ont pu exprimer leurs difficultés au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, lors d'une rencontre le 16 décembre 2022. Les difficultés rencontrées par les producteurs pour assurer la protection phytosanitaire des vergers contre cet insecte découlent notamment de l'interdiction de plusieurs substances actives de la famille des organophosphorés, qui présentaient un bon niveau d'efficacité compte tenu de leur effet larvicide et de leur rémanence. Compte tenu de la forte toxicité pour les êtres humains en cas d'exposition au diméthoate par la voie alimentaire, les limites maximales de résidus ont été abaissées au minimum analytique et ne sont plus compatibles avec une utilisation avant récolte. Cela justifie de manière continue les décisions européennes et françaises depuis près de 10 ans. Le phosmet quant à lui présente des niveaux de toxicité comparables à ceux du diméthoate selon les avis scientifiques qui ont justifié de mettre fin à son utilisation, au niveau européen. La réautorisation d'un produit à base de ces substances n'est donc pas possible. Pour ne pas laisser la filière sans solution, le ministre chargé de l'agriculture a demandé à M. Hervé Durand, délégué ministériel chargé des alternatives aux produits phytopharmaceutiques dans les filières végétales, de coordonner un groupe de travail associant les principaux acteurs de la filière cerises et de la recherche agronomique. Le travail entamé en son sein doit se poursuivre, l'objectif étant de bâtir un plan d'action cohérent et adapté au défi à relever ensemble, pour cette filière comme pour les autres, et garantir la souveraineté alimentaire. La première priorité, est d'ajuster la stratégie de lutte contre la drosophila suzukii sur cerises pour la prochaine campagne avec la palette de solutions disponibles, y compris par voie dérogatoire dès lors qu'elle ne comporte pas de risques avérés pour la santé humaine. C'est l'urgence, pour donner rapidement les éléments de visibilité nécessaires, notamment concernant l'utilisation de produits à base de cyantraniliprole, voire de benzoate d'emamectine si elle s'avérait nécessaire. S'agissant de l'accompagnement des producteurs, le groupe de travail pourra s'appuyer sur les références techniques et la collaboration du centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) pour définir dès à présent des préconisations d'itinéraires techniques tenant compte de ce cadre. Ce travail s'accompagne d'une ambition continue de réciprocité des normes qui permet de s'assurer que les produits végétaux mis sur le marché en France répondent au même niveau d'exigence. Ainsi, la France va demander à la Commission européenne d'abaisser sans délai la limite maximale de résidus en phosmet sur les cerises, afin de s'assurer que les cerises importées en 2023 ne peuvent pas être traitées avec cette substance. Le Gouvernement va mobiliser une clause de sauvegarde pour s'assurer du respect de la législation française vis-à-vis des produits importés. En outre, le ministre chargé de l'agriculture est prêt à examiner la faisabilité d'un accompagnement financier pour les pertes que pourraient subir les producteurs en cas d'attaques sévères de drosophila suzukii, comme cela a été fait précédemment. Il est prêt à réactiver un tel dispositif de manière exceptionnelle pour la prochaine campagne 2023. Une mobilisation collective permettra de mettre au point des alternatives, crédibles agronomiquement et viables économiquement, pour lutter contre ce ravageur. L‘institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement et le CTIFL sont mobilisés pour accélérer et amplifier le travail en cours. Sur le plus long terme, le plan de résilience annoncé par le Gouvernement en mars 2022 prévoit la mise en œuvre d'un plan de souveraineté spécifique aux fruits et légumes qui a vocation à traiter les problématiques spécifiques rencontrées par les filières telles que celles de la filière cerise. Ce plan présenté le 1er mars 2023 lors du salon international de l'agriculture vise à donner un cadre stratégique et identifier les leviers d'actions opérationnels dans l'objectif d'inverser la tendance baissière des courbes de production de fruits et légumes à horizon 2030. Afin d'élaborer ce plan, des discussions associant professionnels et services de l'État concernés sur les grands axes stratégiques suivants : protection des cultures ; compétitivité, investissements (serres, filets, …) innovation ; recherche, expérimentation, formation et renouvellement des générations ; dynamisation de la consommation de fruits et légumes dans le modèle alimentaire. L'objectif est de regagner 5 points de nouveauté en fruits et légumes dès 2030 et d'enclencher une hausse tendancielle de 10 points à l'horizon 2033.
Auteur : M. Jean-François Lovisolo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 18 octobre 2022
Réponse publiée le 28 mars 2023