Droits de pêche en Normandie
Question de :
M. Bertrand Sorre
Manche (2e circonscription) - Renaissance
M. Bertrand Sorre attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer, sur les effets du Brexit sur les droits de pêche en Normandie et en Bretagne. Suite à la décision du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne à compter du 31 janvier 2020, les pêcheurs normands et bretons ont vu disparaître leurs droits de pêche. Ce lourd préjudice a notamment fortement impacté ceux attribués dans les eaux des îles anglo-normandes de Jersey et de Guernesey, alors que le traité dit de « la baie de Granville » régissait les accords entre la France et ces îles anglo-normandes et satisfaisait les différents protagonistes. Avec le Brexit, ce dernier est aujourd'hui caduc. Depuis, et après avoir fourni de nombreuses preuves d'antériorité de pêche dans ces eaux, un certain nombre de bateaux français ont retrouvé des droits de pêche, identiques à 2020 pour certains et bien inférieurs pour beaucoup d'autres. Dans le port de Granville, situé dans la circonscription de M. le député dans la Manche, d'ailleurs premier port coquillier de France, près d'une dizaine de bateaux n'ont retrouvé aucun droit, soit parce qu'ils ont été construits pendant la période 2017-2020, soit parce que les preuves d'antériorité de pêche fournies n'ont pas été validées par les autorités britanniques ou anglo-normandes. La prédécesseure de M. le ministre, Mme Annick Girardin, avait émis la volonté de mettre en œuvre un plan d'accompagnement de la flotte avec en amont des rencontres individuelles avec chaque armement de pêche n'ayant pas retrouvé de droits à l'identique de la période pré-Brexit. Aussi, il souhaiterait connaître la position de la France face à cette situation qui met en danger un nombre important d'équipages et quelles mesures sont encore en cours pour permettre à chaque équipage de retrouver ses droits tels qu'ils existaient avant le Brexit.
Réponse en séance, et publiée le 23 novembre 2022
DROITS DE PÊCHE EN NORMANDIE
Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Sorre, pour exposer sa question, n° 22, relative aux droits de pêche en Normandie.
M. Bertrand Sorre. J'associe Stéphane Travert, lui aussi élu dans la Manche, à cette question. À la suite de la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne à compter du 31 janvier 2020, un grand nombre de pêcheurs normands et bretons ont vu disparaître leurs droits de pêche.
Ce lourd préjudice a notamment affecté les droits de pêche attribués dans les eaux des îles anglo-normandes de Jersey et de Guernesey, alors que l'accord relatif à la pêche dans la baie de Granville régissait depuis de nombreuses années les relations entre la France et les îles anglo-normandes dans ce domaine et satisfaisait pleinement les différents protagonistes.
Avec le Brexit, cet accord est devenu caduc. Depuis février 2020 et après avoir fourni de nombreuses preuves d'antériorité de pêche dans ces eaux, des bateaux français ont retrouvé des droits de pêche, identiques à ceux de 2020 pour certains et malheureusement bien inférieurs pour beaucoup d'autres.
Dans le port de Granville, situé dans ma circonscription de la Manche, qui est le premier port coquillier de France, près d'une dizaine de bateaux n'ont retrouvé aucun droit de pêche dans ces eaux très proches, soit parce qu'ils ont été construits entre 2017 et 2020, soit parce que les preuves d'antériorité de pêche fournies n'ont pas été validées par les autorités britanniques ou anglo-normandes. Dans mon département de la Manche, près de quarante bateaux souffrent ainsi de cette situation.
Votre prédécesseure, Mme Annick Girardin, avait émis la volonté d'instaurer un plan d'accompagnement de la flotte précédé par des rencontres individuelles avec chaque armement de pêche n'ayant pas retrouvé des droits identiques à ceux de la période précédant le Brexit. Ces rencontres ont bien eu lieu et des propositions ont récemment été faites à chacun des armateurs concernés, notamment de sortie de flotte pour certains. Cependant, vous le savez, un marin pêcheur âgé de quarante ans, qui fait ce métier depuis toujours et qui n'a aucune autre perspective professionnelle, ne peut se satisfaire de voir son bateau détruit.
Aussi souhaiterais-je connaître la position de la France sur cette situation qui met en danger un nombre élevé d'armements de pêche, notamment dans le département de la Manche et en particulier dans le port de Granville, avec des conséquences importantes sur l'emploi et l'économie locale.
Quelles mesures sont envisagées et quel est l'état des discussions en cours pour que chaque armateur retrouve ses droits tels qu'ils existaient avant le Brexit ?
Des échanges bilatéraux existent-ils avec les gouvernements des îles anglo-normandes pour envisager – pourquoi pas ? – la signature de nouveaux accords spécifiques attribuant des droits de pêche aux bateaux français, qui – je le rappelle, car c'est important – sont profondément respectueux des ressources comme des réglementations actuelles ou futures.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la mer.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer. Je souhaite d'abord vous remercier pour votre implication, dans votre beau département, auprès de la communauté des pêcheurs que vous représentez.
Pour le Gouvernement, la situation de chaque pêcheur qui n'a pas pu retrouver ses droits de pêche est inacceptable, si cette demande est légitime et s'il peut prouver qu'il pêchait bien antérieurement dans les eaux que vous avez mentionnées.
C'est la raison pour laquelle, comme vous l'avez évoqué, un agent du ministère a fait le tour de tous les armements de pêche pour écouter les pêcheurs, analyser la situation avec eux et se mettre en mesure de démontrer aux gouvernements des îles anglo-normandes et au gouvernement britannique la légitimité de leurs demandes. Ce travail a été bien fait et il a permis à la France d'obtenir 97 % des licences demandées. Nous le poursuivrons car chaque demande légitime qui n'a pas abouti est une licence qui nous manque.
En parallèle, nous avons institué un plan d'accompagnement individuel – je préfère parler de plan d'accompagnement individuel plutôt que de sortie de flotte, car il s'agit pour moi de gérer les conséquences négatives et parfois désastreuses du Brexit plutôt que de sortir des navires.
Ce plan, élaboré depuis un an avec les professionnels de la pêche, en particulier les comités régionaux de pêche, aboutira à des décisions dans les prochaines semaines.
Mon ambition est double : d'abord, offrir une solution individuelle à chaque pêcheur qui ne peut pas continuer de travailler parce que les droits lui sont refusés ; ensuite, faire en sorte que le plan d'accompagnement individuel se fasse dans le cadre de la transmission. Il faut absolument que les armements redistribuent ces droits de pêche pour que la France maintienne sa capacité de production et de pêche. En outre, comme vous l'avez dit, il est important de ne pas déstabiliser les territoires. Il ne faut pas que la sortie de quelques bateaux déstabilise la criée d'un port. En effet, les mareyeurs et toute la chaîne en aval des pêcheurs ont besoin d'être approvisionnés en poisson.
Ainsi, notre ambition pour la souveraineté alimentaire, l'accompagnement de la pêche hauturière, de la pêche côtière et de la pêche artisanale, est élevée. La preuve en est que depuis juillet dernier, face à la crise du carburant, l'État a débloqué plus de 50 millions d'euros d'aide pour accompagner les pêcheurs, avec, notamment, une augmentation du plafond de 65 000 à 330 000 euros.
Pour répondre à votre question sur les suites que nous donnerons aux discussions, notamment dans le cadre de la coopération bilatérale et multilatérale,…
Mme la présidente. Merci, monsieur le secrétaire d'État.
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. …soyez rassuré : le Gouvernement travaillera avec les Britanniques pour soutenir notre filière de pêche, car elle constitue un élément important de notre souveraineté économique.
Auteur : M. Bertrand Sorre
Type de question : Question orale
Rubrique : Mer et littoral
Ministère interrogé : Mer
Ministère répondant : Mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 novembre 2022