Rubrique > transports routiers
Titre > Liaison autoroutière A133-A134
M. Philippe Brun interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, au sujet du projet de liaison autoroutière A133-A134 dit « contournement Est de Rouen ». Ce projet daté de 1971, repoussé sans cesse en raison des oppositions des populations locales, a fait l'objet de l'ouverture d'un appel à concession en février 2022. Le projet A133-A134 est ainsi le seul contournement de France qui ne recueille pas l'approbation de la métropole contournée elle-même, la Métropole Rouen Normandie (qui comprend 60 % du tracé). La communauté d'agglomération Seine-Eure (30 % du tracé) et la communauté de communes Inter-Caux-Vexin (10 % du tracé) ont elles aussi fait savoir leur opposition. Même le conseil départemental de l'Eure, alors présidé par le ministre des armées Sébastien Lecornu, ne souhaite plus financer cette infrastructure. La région Normandie et le département de la Seine-Maritime, qui ont absorbé financièrement le désistement des autres collectivités, ont donc fait le choix de porter seuls le projet de contournement Est de Rouen, nonobstant l'avis des élus locaux directement concernés. Ce projet contredit ainsi le discours de politique générale du 16 septembre 2022 prononcé par la Première ministre Élisabeth Borne, dans lequel elle s'est engagée à ce que « État et territoires bâtissent ensemble » pour « la réussite de notre Nation ». Le contournement Est de Rouen n'aurait pas pour effet de diminuer les embouteillages au sein de la métropole rouennaise, car ceux-ci sont constitués à 85 % du trafic interne. Au demeurant, le projet A133-A134 ne respecte pas la logique d'usage de l'agglomération rouennaise, 89 % du trafic de transit et d'échange étant situés à l'Ouest de Rouen. A contrario, le flux de transit à l'Est représente 6 % du trafic de l'agglomération. Le coût financier important du projet A133-A134, qui s'élève à près d'1 milliard d'euros, semble donc excessif au regard du faible bénéfice que celui-ci pourrait apporter au territoire s'agissant de la réduction de la congestion. Par ailleurs, le projet A133-A134 soumettrait l'accès à la métropole rouennaise, où vont travailler quotidiennement des milliers d'Eurois, à un péage, accentuant la fracture entre la métropole et le département de l'Eure. Estimé à 10 centimes d'euros par kilomètre pour les véhicules légers par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), ce transfert de revenu des ménages à un concessionnaire privé est d'autant plus inacceptable que l'Eure est déjà traversée par de nombreuses autoroutes à péage. En outre, la hausse du prix des carburants depuis un an rend particulièrement inopportune la poursuite de ce projet dans un département où une large majorité des habitants - 85 % dans la circonscription de Louviers - utilise la voiture pour se rendre sur son lieu de travail situé dans une autre commune que celle de sa résidence. La construction de 41,5 kilomètres d'autoroute supplémentaires aurait pour effet d'augmenter la pollution atmosphérique. La hausse induite du trafic des poids lourds, les vitesses élevées et l'allongement des distances entraîneraient en effet jusqu'à 50 000 tonnes de CO2 supplémentaires émises par an, s'ajoutant à la pollution atmosphérique déjà excessive dans l'agglomération rouennaise. Le contournement Est de Rouen n'est donc pas en phase avec l'objectif de transition écologique. Comme l'a rappelé le Président de la République Emmanuel Macron dans un tweet le 23 septembre 2019, « on ne peut pas prétendre lutter contre le réchauffement climatique et continuer à financer des infrastructures qui augmentent les émissions de CO2 ». Le projet A133-A134 conduirait également à l'artificialisation de 540 hectares de terres naturelles, agricoles et forestières. Des zones humides seraient détruites et la viabilité de plusieurs captages d'eau serait aussi remise en question, selon les analyses de l'Agence de l'eau. En outre, ce projet d'étalement urbain aurait un effet néfaste sur la qualité de vie des habitants de l'agglomération rouennaise et de l'Eure. Par exemple, Val-de-Reuil serait longée par une autoroute à la place de la forêt et la base naturelle et de loisirs de Léry-Poses subirait d'importantes nuisances sonores. Il est encore temps que l'État retire l'appel à concession pour ce projet et privilégie des alternatives crédibles et soutenables, comme la réouverture de la ligne de train Evreux-Rouen, le développement du fret ferroviaire et fluvial et la création de nouveaux RER métropolitains comme l'a annoncé le Président de la République. Il souhaiterait connaître ses intentions à la suite du dernier rapport du conseil d'orientation des infrastructures, qui souligne l'importante empreinte écologique et le déficit financier du projet.
LIAISON AUTOROUTIÈRE A133-A134