Question écrite n° 2395 :
Prévention de la récidive des criminels et délinquants sexuels

16e Législature

Question de : M. François Gernigon (Pays de la Loire - Horizons et apparentés)

M. François Gernigon attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la prévention de la récidive des criminels et délinquants sexuels. Début octobre 2022, à Angers, un homme est accusé de s'être introduit au domicile d'une jeune femme et d'avoir tenté de l'agresser sexuellement sous la menace d'une arme blanche. Cet homme a été condamné en 2017 à 10 ans de réclusion criminelle pour des viols et agressions sexuelles commis dans cette même ville d'Angers. Sorti après 7 ans de prison en juillet 2022, il semble donc avoir récidivé deux mois plus tard malgré un suivi socio-judiciaire. Au-delà de ce cas particulier, il apparaît selon des chiffres ministériels de 2017 que le taux de récidive national est de 5 % pour les condamnés pour des crimes sexuels et autour de 23 % pour les délits sexuels. Alors que la lutte contre les violences sexuelles est une priorité du Gouvernement, ce sujet de la prévention de la récidive est incontestablement un axe de travail. Il l'interroge sur l'efficacité des mesures de prévention actuellement mises en œuvre, ainsi que sur les mesures complémentaires envisagées pour accentuer la prévention de la récidive chez les criminels et délinquants sexuels, tels que les traitements médicamenteux visant à réduire les pulsions sexuelles.

Réponse publiée le 9 mai 2023

La lutte contre les violences sexuelles et sexistes est une priorité du ministère de la Justice. S'agissant des taux de récidive évoqués, il convient de préciser qu'en 2021, comme en 2017, 5,5 % des condamnés pour viol étaient en récidive légale. Ce taux s'élevait pour les condamnés pour un délit sexuel à 6,2 % en 2021 (6,0 en 2017). En matière délictuelle, un taux de récidivistes au sens large du terme (récidivistes légaux et réitérants) est également proposé : il s'élève à 17,2 % en matière de délit sexuel en 2021 (18,2 % en 2017). Or, les taux de récidivistes légaux pour viol et le taux de récidivistes au sens large pour délit sexuel doivent être rapprochés avec prudence, dès lors qu'ils sont construits de manières très distinctes. Le taux de récidivistes légaux pour viol prend en compte les personnes condamnées pour un viol commis après une précédente condamnation pour un crime ou un délit encourant 10 ans d'emprisonnement (art.132-8 du code pénal, récidive générale et perpétuelle). Le taux de récidivistes au sens large en matière de délit sexuel prend, quant à lui, en compte : - toute personne condamnée pour un délit sexuel encourant 10 ans commis moins de 10 ans après l'expiration ou la prescription de la peine prononcée par une condamnation pour un crime ou un délit puni de 10 ans (art 132-9 du code pénal, récidive générale et temporaire) ; - toute personne condamnée pour un délit sexuel puni de moins de 10 ans et commis moins de 5 ans après l'expiration ou la prescription de la peine prononcée par une condamnation pour un délit assimilé (Art. 132-10 du code pénal, récidive spéciale temporaire) ; - toute personne condamnée pour un délit sexuel commis moins de 5 ans après une condamnation prononcée pour tout autre délit ou crime (réitérant au sens statistique). Il est donc plus prudent de comparer le taux de récidivistes légaux pour viol (5,5 %) avec le taux de récidivistes légaux pour délit sexuel (6,2 %), deux taux finalement relativement proches. Prévenir la commission de nouvelles infractions, protéger les intérêts de la société, préserver les intérêts des victimes et préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin prévenir la réitération des faits sont des principes directeurs des décisions judiciaires, du prononcé à l'exécution des peines, conformément aux articles 130-1 du code pénal et 707 du code de procédure pénale. Mesure de prévention de la récidive, le suivi socio-judiciaire permet par le biais de l'injonction de soins qui peut être prononcée, la mise en place d'une action coordonnée entre le médecin coordonnateur, le médecin traitant et la personne condamnée. Il vise à renforcer les soins de la personne condamnée et son suivi, ainsi qu'à s'assurer de l'information du juge de l'application des peines dans l'exécution du traitement par la personne condamnée. Si la personne condamnée refuse le traitement ou l'interrompt, contre l'avis du médecin traitant, celui-ci doit en aviser le médecin coordonnateur qui en informe le juge de l'application des peines (art. L.3711-3 al. 3, CSP). Par ailleurs, le médecin coordonnateur doit transmettre au juge de l'application des peines, au moins une fois par an, un rapport comportant tous les éléments nécessaires au contrôle du respect de l'injonction de soin. L'article 706-47-1 alinéa 2 du code de procédure pénale, modifié par la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle prévoit que « lorsqu'une injonction de soins est ordonnée, le médecin traitant peut prescrire un traitement inhibiteur de libido conformément à l'article L. 3711-3 du code de la santé publique ». Toutefois, les traitements inhibiteurs de libido ne peuvent être prescrits de manière systématique par les médecins aux personnes condamnées pour des infractions de nature sexuelle au regard des conséquences de ce traitement sur ces personnes. En cas d'inobservation des mesures de surveillance, des obligations, des interdictions, des mesures d'assistance ou de l'injonction de soins (dont le refus ou l'arrêt du traitement), le juge de l'application des peines peut, d'office ou sur réquisitions du procureur de la République : - délivrer un mandat d'amener ou un mandat d'arrêt selon les cas (art. 712-17et 763-5, alinéa 2, CPP) ou demander son placement en retenue (art. 709-1-1 CPP) ; - ordonner, après avis du procureur de la République, l'incarcération du condamné en rendant une ordonnance d'incarcération provisoire (art. 712-19CPP). ; -ordonner, par décision motivée, la mise à exécution partielle ou totale de l'emprisonnement prononcé par la juridiction de jugement (art. 763-5du CPP). La juridiction de jugement et le juge de l'application des peines peuvent également prononcer le placement sous surveillance électronique mobile comme obligation du suivi socio-judiciaire. Sous certaines conditions, lorsque le suivi socio-judiciaire est arrivé à son terme, il peut être décidé par la juridiction régionale de la rétention de sûreté du placement de la personne condamnée sous surveillance de sûreté (art. 763-8du CPP), pour une durée de deux ans, ce qui permet de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles la personne condamnée était astreinte au-delà de la durée fixée par la juridiction de jugement. L'inscription de plein droit au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes des personnes condamnées pour des crimes et délits punis de plus de cinq ans d'emprisonnement et visés par l'article 706-47 du code de procédure pénale participe à la prévention de la récidive des infractions de viol et d'agression sexuelle sur mineur. Ainsi l'arsenal législatif mis en œuvre en la matière est complet et permet d'offrir aux magistrats un large panel de mesures visant à lutter contre la récidive.

Données clés

Auteur : M. François Gernigon (Pays de la Loire - Horizons et apparentés)

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité des biens et des personnes

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 18 octobre 2022
Réponse publiée le 9 mai 2023

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