16ème législature

Question N° 239
de Mme Farida Amrani (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Essonne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Intérieur et outre-mer

Rubrique > étrangers

Titre > OQTF et manque de moyens dans les préfectures

Question publiée au JO le : 21/03/2023
Réponse publiée au JO le : 29/03/2023 page : 3128

Texte de la question

Mme Farida Amrani appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le traitement préfectoral des migrations, à quelques semaines de l'examen du nouveau projet de loi immigration qu'il présentera devant le Parlement. Elle a 19 ans. Une intégration réussie, une curiosité sans faille, un avenir brillant, mais se trouve sous le coup d'une expulsion ! Dans sa circonscription, une jeune étudiante congolaise, prénommée Merveille, a reçu le 6 février 2023 une obligation de quitter le territoire français (OQTF), sous prétexte d'être entrée en France sans visa de long séjour. Mais, comment prétendre à l'obtention d'un tel visa dans des conditions difficiles et sans aucun soutien ? Injustes et absurdes, « certaines OQTF mènent une politique de contre-intégration, contraire à la doctrine officielle ». Ces mots ne sont pas les siens, ce sont ceux de François Héran, professeur au collège de France et grand spécialiste des migrations. Pour comprendre une telle absurdité, il faut appréhender la réalité du terrain : en 10 ans, les préfectures ont perdu 14 % d'effectifs. Comment effectuer un travail digne de ce nom dans ces conditions ? Que ce soit pour les admissions exceptionnelles de séjour, les demandes de « plein droit » ou pour les renouvellements, les exigences et nombre de pièces demandées pour l'instruction ont considérablement augmentées. À l'heure actuelle, il arrive même que l'on doive imprimer une ramette entière de papier blanc pour un seul dossier ! Les conséquences sont lourdes pour les agents et les demandeurs pour lesquels les délais se rallongent. 7 243 demandes en attente au 31 janvier 2023, 40 dossiers traités par semaine : la préfecture de l'Essonne ne peut certainement pas répondre aux demandeurs sans les faire attendre des mois, voire des années. Elle lui demande ce qu'il compte faire pour résoudre le manque de moyens accordés aux préfectures et les importants problèmes qui en découlent et ce qu'il compte faire pour supprimer les OQTF menant à « une politique de contre-intégration » à l'encontre de certains étrangers en France.

Texte de la réponse

OQTF ET MANQUE DE MOYENS DES PRÉFECTURES


M. le président. La parole est à Mme Farida Amrani, députée de l'Essonne, pour exposer sa question, n°  239, relative aux OQTF et manque de moyens des préfectures.

Mme Farida Amrani. Dans la première circonscription de l'Essonne, une jeune étudiante congolaise, Merveille, a reçu le 6 février une obligation de quitter le territoire français (OQTF), au prétexte qu'elle est entrée en France sans visa de long séjour. Elle est donc sujette à expulsion, alors même qu'elle est bien intégrée en France, qu'elle fait preuve d'une curiosité sans faille et qu'elle aura, à n'en pas douter, un avenir brillant.

Nous savons que certaines OQTF produisent des effets délétères sur l'intégration des étrangers en France. Pour comprendre une telle absurdité, il faut appréhender la réalité du terrain : en dix ans, les effectifs des préfectures ont diminué de 14 %. Les conséquences de ce manque de moyens sont désastreuses, et les agents préfectoraux ne sont plus en mesure d'absorber une charge de travail aussi importante.

Il semblerait que les politiques menées depuis des années – en particulier depuis 2017 – organisent la casse des services publics et du traitement préfectoral des migrations. Que ce soit pour une admission exceptionnelle au séjour, une demande de plein droit ou un renouvellement du titre de séjour, les exigences ont été renforcées et le nombre de pièces demandées pour l'instruction du dossier sensiblement accru en 2022, complexifiant les démarches : aujourd'hui, il peut arriver de devoir fournir l'équivalent d'une ramette entière de papier pour un seul dossier. Les conséquences sont lourdes, autant pour les agents que pour les demandeurs, pour lesquels les délais s'allongent.

Au 31 janvier, pas moins de 7 243 demandes étaient en attente de traitement à la préfecture de l'Essonne : au rythme de 40 dossiers instruits par semaine, elle ne peut que faire attendre les demandeurs pendant des mois, voire des années. Et à cette jeune étudiante, Merveille, qui souhaite s'intégrer durablement en France et étudie pour s'en sortir, la seule réponse de l'État est une OQTF.

Monsieur le ministre délégué, quelles mesures entendez-vous prendre pour résorber le manque de moyens accordés aux préfectures ? Allez-vous enfin supprimer les OQTF, qui aliment une politique de « contre-intégration » de certains étrangers vivant en France ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer. Je crois que je ne vais pas faire plaisir à certains d'entre vous qui m'ont interrogé tout à l'heure, ceux qui siègent tout à droite de l'hémicycle : les difficultés que vous soulignez sont d'abord dues à une montée de la demande d'immigration. Les chiffres que je vais vous donner en la matière sont impressionnants.

Néanmoins, j'ai la conviction que, comme souvent s'agissant des demandes de régularisation, la situation individuelle que vous avez présentée est plus complexe que les apparences le laissent supposer, et ne se résume pas uniquement à la détention d'un visa, document nécessaire pour obtenir un titre de séjour pour motif d'études depuis l'ouverture d'une procédure permettant aux étrangers séjournant irrégulièrement en France de déposer une demande d'admission exceptionnelle au séjour. En France, en 2021, pas moins de 28 836 titres de séjour ont ainsi été délivrés à des étrangers en situation irrégulière au titre de cette voie d'admission, preuve de son efficacité. Dans le même temps, les préfectures ont délivré 322 000 premiers titres de séjour, tous motifs confondus. La pression qui s'exerce sur l'administration préfectorale est donc exceptionnelle.

Mais, contrairement à ce que vous avez affirmé, les moyens humains affectés aux préfectures ont été stabilisés depuis 2017, rompant avec la pratique antérieure d'application mécanique des baisses d'emplois qui, depuis 2013, conduisait à supprimer chaque année l'équivalent d'une préfecture de taille moyenne. Dès 2023, les effectifs augmenteront à nouveau.

Par ailleurs, le déploiement de l'administration numérique des étrangers en France (Anef) permet, pour les titres déjà concernés, de réduire les délais d'instruction et d'améliorer les conditions de travail des agents des préfectures, qui nous importent également. Je rappelle que la modernisation en profondeur de leurs conditions d'exercice, commencée dès février 2019, se poursuit au rythme programmé. Particulièrement économe en papier, le dispositif permet aujourd'hui la délivrance de la moitié des titres de séjour dans notre pays – même s'il est vrai qu'il ne permet pas encore la prise en charge des procédures d'admission exceptionnelle au séjour.

Soyez assurée que l'activité « Séjour » des préfectures fait l'objet de toute l'attention du ministre de l'intérieur et des outre-mer, et de mon attention personnelle. Le Gouvernement continuera à la soutenir et à la moderniser.