Question écrite n° 2430 :
Projet d'arrêté ministériel fixant les plafonds départementaux

16e Législature

Question de : M. Damien Abad (Auvergne-Rhône-Alpes - Renaissance)

M. Damien Abad attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les problèmes que peuvent générer le projet d'arrêté ministériel fixant les plafonds départementaux concernant les grands cormorans pour la période 2022-2025. En effet, ce projet d'arrêté fixe des plafonds départementaux pour les grands cormorans uniquement pour les piscicultures. Sur la période concernée, il ne serait donc en l'état pas possible de réguler les populations de grands cormorans en milieu naturel (cours d'eau et plans d'eau), au risque qu'une forte pression s'exerce sur les espèces de poissons protégés ou menacés. En effet, le grand cormoran est un oiseau piscivore dont l'impact sur les populations piscicoles à grande échelle est prouvé par de nombreuses études. Cette problématique est particulièrement sensible dans l'Ain, qui est à la fois un département où l'activité piscicole est très développée, importante économiquement et dont le territoire est densément couvert en cours d'eau et plans d'eau. Ainsi, il lui demande si le Gouvernement envisage de modifier le projet d'arrêté pour y indiquer des plafonds départementaux hors pisciculture ; ceci permettrait de préserver les populations de poissons protégés ou menacés dans les cours d'eau et plans d'eau, notamment dans certains départements comme celui de l'Ain.

Réponse publiée le 27 décembre 2022

Le grand cormoran figure sur la liste des oiseaux protégés au niveau national et bénéficie également d'une protection européenne au titre de la Directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 relative à la conservation des oiseaux sauvages. Il s'agit d'un oiseau piscivore autochtone en Europe, dont la sous-espèce autorisée à la destruction est inféodée aux eaux douces, et dont l'aire de répartition s'était progressivement réduite en raison des tirs importants dont il faisait l'objet, jusqu'à ce qu'il soit protégé dans les années 1970. Depuis les années 1990, afin de contrôler l'impact qu'il occasionne, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de destruction si les conditions de la dérogation sont réunies. Il convient à la fois de ne pas nuire à l'état de conservation de l'espèce, mais également de démontrer qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que le motif est justifié (en l'occurrence jusqu'alors pour prévenir les dommages aux piscicultures et dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels). L'arrêté ministériel cadre du 26 novembre 2010 fixe ainsi les conditions et limites dans lesquelles les dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées. Il est complété par un arrêté pris tous les 3 ans, qui fixe les quotas départementaux dans les limites desquelles les dérogations peuvent être accordées. L'arrêté triennal 2019/2022 étant arrivé à échéance, un nouvel arrêté, couvrant la période 2022/2025, a été publié le 1er octobre 2022. Il permet que les dérogations soient accordées pour protéger les piscicultures, dans 58 départements métropolitains, avec un plafond annuel de 27 892 individus autorisés à la destruction, soit un nombre total d'individus autorisés à la destruction correspondant à plus de 24 % de la population hivernante recensée en janvier 2021. Les plafonds attribués par département y sont fondés sur une méthodologie croisant les données d'évolution de la population, les bilans des tirs et les demandes formulées et justifiées par les services. Ils sont par ailleurs en plein accord avec le plan aquaculture et notamment son volet 4.5 qui traite de la prédation en pisciculture. S'agissant des tirs sur les eaux libres, plusieurs arrêtés préfectoraux ont fait l'objet d'annulations suite à diverses requêtes déposées ces dernières années. À ce jour, une quinzaine d'arrêtés ont été annulés et quelques contentieux sont en attente de jugement. Les décisions des différents tribunaux administratifs font état de motivations insuffisantes : les arrêtés ne justifient pas de la présence dans les cours d'eau d'espèces de poissons menacées, de l'impact du grand cormoran sur ces espèces protégées, ni de la mise en œuvre de solutions alternatives. Dès le début de l'année 2022, des travaux préparatoires à l'élaboration de l'arrêté triennal définissant les plafonds départementaux pour la période 2022-2025 ont été conduits. Dans ce cadre, des réflexions ont été engagées avec l'ensemble des partenaires afin de permettre la sécurisation des actes juridiques et d'éviter que les futurs arrêtés préfectoraux ne soient à nouveau annulés. Ainsi, le Groupe National Cormoran, composé de l'ensemble des acteurs concernés (représentants des pisciculteurs et pêcheurs, associations de protection de la nature, experts, administration), a été réuni à 2 reprises les 20 mai et 15 juin 2022. Dans le même temps, l'ensemble des DDT (M) (directions départementales des territoires et de la mer) ont été consultées et ont elles-mêmes souvent procédé à des concertations avec les partenaires locaux. Aussi, au regard de la difficulté à justifier l'octroi de dérogations sur les cours d'eau et plans d'eau, il a été décidé de proposer un arrêté triennal ne comprenant que des plafonds pour la prévention des dommages aux piscicultures, sans qu'il prévoie de dérogations hors piscicultures. Dans l'Ain comme dans les autres départements, aucune dérogation à l'interdiction de destruction n'est possible, en l'état des connaissances documentées sur les cours d'eau et plans d'eau, hors piscicultures. Toutefois, l'arrêté du 19 septembre 2022 fixe dans ce département le plafond le plus élevé au titre de la protection des piscicultures, soit 4 500 grands cormorans dont la destruction peut être autorisée. Ce chiffre est en outre en augmentation de 12,5 % par rapport au précédent quota attribué en piscicultures dans l'Ain. Les craintes des pêcheurs et de leurs fédérations de ne plus bénéficier de dérogations, notamment lorsque certaines rivières présentent des enjeux particuliers en raison de la présence de certaines espèces piscicoles patrimoniales et sensibles ont été signalées. Si des études robustes sont produites localement et démontrent l'impact du grand cormoran sur l'état de conservation des espèces de poissons menacées, l'arrêté 2022/2025 pourra être complété, dans la période triennale, afin de mettre en place des plafonds sur les cours d'eau et plans d'eau concernés dans les départements. Des discussions sont ainsi en cours entre les services du ministère et la Fédération nationale de la pêche (FNPF) afin de construire un protocole solide et de définir des sites pilotes pour le mettre en œuvre. Les travaux ont notamment identifié quatre départements dans lesquels des travaux doivent être engagés pour documenter les impacts sur la faune aquatique protégée.

Données clés

Auteur : M. Damien Abad (Auvergne-Rhône-Alpes - Renaissance)

Type de question : Question écrite

Rubrique : Animaux

Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires

Ministère répondant : Écologie

Dates :
Question publiée le 25 octobre 2022
Réponse publiée le 27 décembre 2022

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