16ème législature

Question N° 245
de M. Pierre Cordier (Les Républicains - Ardennes )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition énergétique
Ministère attributaire > Transition énergétique

Rubrique > automobiles

Titre > Avenir des moteurs thermiques en Europe.

Question publiée au JO le : 21/03/2023
Réponse publiée au JO le : 29/03/2023 page : 3136

Texte de la question

M. Pierre Cordier appelle l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur l'avenir des moteurs thermiques en Europe. Le vote des ambassadeurs de l'Union européenne, qui devait être une simple formalité le mardi 7 mars 2023, a été reporté sine die. Il fallait en effet un vote qualifié, c'est-à-dire le vote des pays représentant tous ensemble 65 % de la population européenne. Or trois pays étaient déjà défavorables au tout électrique en 2035 : l'Italie, la Bulgarie et la Pologne. Ce veto donne de l'espoir aux entreprises ardennaises des filières forge, estampage et fonderie, ainsi qu'aux entreprises d'usinage, car la fin des moteurs thermiques entraînerait de nombreuses suppressions d'emploi dans les Ardennes. En effet, les moteurs électriques comptent une vingtaine de pièces alors que les moteurs à combustion peuvent en compter environ 2 000 ! Plus de 13 000 emplois directs sont menacés sur le territoire français par le passage au « tout électrique » à horizon 2035. Par ailleurs, depuis le vote de la loi d'orientation des mobilités fin 2019, les entreprises rencontrent des difficultés pour recruter car l'annonce de l'interdiction des moteurs des thermiques en 2040, puis en 2035, a dissuadé les candidats de s'inscrire dans les formations initiales ou continues pour les métiers de la forge et de la fonderie. En novembre 2022, M. le ministre des transports Clément Beaune évoquait l'idée d'une clause de revoyure en 2026 afin de « ne pas tuer notre industrie européenne, parce qu'il y a des continents qui vont un peu moins vite que nous ». Il souhaite par conséquent connaître la position du Gouvernement sur cette question car les entreprises françaises ne peuvent pas rester dans une situation aussi floue.

Texte de la réponse

AVENIR DES MOTEURS THERMIQUES EN EUROPE


M. le président. La parole est à M. Pierre Cordier, député des Ardennes, pour exposer sa question, n°  245, relative à l'avenir des moteurs thermiques en Europe.

M. Pierre Cordier. C'est effectivement en tant que député des Ardennes que je me ferai le porte-parole des nombreux chefs d'entreprise, ingénieurs et employés du secteur de l'automobile de ce département, qu'ils aient pour activité la fonderie, la forge, l'estampage ou l'usinage. La rapidité de la transition des moteurs thermiques, dont la fabrication doit être interdite dès 2035, vers les moteurs électriques les inquiète. Certes, la France, dans ce domaine, se situe à l'avant-garde ; certes, nous sommes tous des écologistes en puissance et nous nous soucions de l'avenir de la planète, mais celui de notre industrie nous préoccupe également. Je le répète, dans les Ardennes, en particulier dans la vallée de la Meuse, les entreprises sont inquiètes.

Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre délégué chargé de la ville et du logement, s'il faut que notre pays, afin de paraître toujours plus vertueux, sacrifie des emplois dans un territoire aussi fragilisé que celui des Ardennes, alors que l'Inde, la Chine ou encore les États-Unis n'ont cure des questions écologiques. Vous me répondrez que ce n'est pas une raison pour nous en désintéresser nous-mêmes. J'en conviens ; reste la nécessité de préserver nos emplois. Quatre États membres de l'Union européenne ont obtenu hier la possibilité de continuer à fabriquer des moteurs thermiques après 2035, à condition que ceux-ci utilisent des carburants de synthèse. Cette ouverture pourrait-elle faire jurisprudence pour la France dans les prochaines années ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement. Alors qu'elle présidait le Conseil de l'Union européenne, la France a en effet promu un agenda ambitieux en matière de transition écologique et énergétique, afin de lutter contre le dérèglement du climat. Le Gouvernement soutient donc le projet européen de mettre fin, d'ici à 2035, à la vente de véhicules légers neufs équipés d'un moteur thermique, ainsi que le prévoient l'accord provisoire obtenu en trilogue le 27 octobre 2022 et le texte adopté le 14 février 2023 par le Parlement européen. Ce projet, indispensable en vue de respecter nos engagements climatiques et d'atteindre la neutralité carbone des transports d'ici à 2050, détermine un objectif clair, donnant à la filière automobile française la visibilité nécessaire à la planification de son développement et de ses investissements.

S'agissant de batteries et de véhicules électriques, certains acteurs non européens ont pris une avance qu'il convient de rattraper en fixant un cap stratégique, ne laissant planer aucune ambiguïté concernant les décisions industrielles à prendre : rien ne serait pire que de maintenir notre filière dans une incertitude technologique qui lui ferait disperser ses efforts en matière de recherche, de formation et d'investissement. Afin d'accompagner la reconversion des sites fortement affectés par la fin de la production de moteurs thermiques, et d'encourager la production nationale de véhicules électriques, le Gouvernement, dans le cadre du plan France 2030, soutient massivement l'investissement : 1 milliard d'euros est ainsi destiné à la filière automobile et à ses projets innovants, touchant par exemple les batteries électriques.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. Bien qu'ayant beaucoup de respect pour vous, monsieur le ministre délégué, j'aurais souhaité que puisse me répondre le ministre de l'économie ou le ministre délégué chargé de l'industrie, qui maîtrisent le sujet. Savez-vous qu'un moteur thermique nécessite la fabrication de 200 pièces, contre 100 pour un moteur électrique ? Compte tenu d'une part des perspectives européennes, d'autre part de ce qui se passe ailleurs dans le monde, la petite industrie de la forge, de l'usinage, de l'estampage va énormément souffrir au cours des prochaines années. S'y ajoutent des difficultés en matière de recrutement, car les ingénieurs, les employés désireux de travailler dans ce secteur se grattent la tête, pardonnez-moi l'expression, et s'interrogent sur l'opportunité de rejoindre une filière qui bientôt n'existera plus.

Je souhaitais donc vous faire part de l'inquiétude de ces petites et moyennes industries implantées dans nos territoires et qui, je le répète, feront les frais d'une transition à laquelle d'autres États viennent d'obtenir de déroger.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Klein, ministre délégué. Sans doute ignorez-vous, monsieur le député, que j'ai longtemps enseigné les sciences : je sais parfaitement comment fonctionnent un moteur thermique à explosion et un moteur électrique. Je suis également au fait de l'inquiétude des petites entreprises ; c'est pourquoi, encore une fois, le Gouvernement, par l'intermédiaire de France 2030, accompagne leur reconversion, nécessaire pour l'avenir de notre planète. Les problèmes rencontrés lors de cette adaptation ne doivent pas nous empêcher de la mener à bien, et la fin du moteur thermique, grand émetteur de gaz à effet de serre, constitue, je le répète, une nécessité.