Problèmes de l'enseignement de l'allemand
Question de :
M. Charles Sitzenstuhl
Bas-Rhin (5e circonscription) - Renaissance
M. Charles Sitzenstuhl alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les difficultés de recrutement des professeurs d'allemand en France. Plus de 70 % des postes ouverts à concours ne seraient pas pourvus. La France comptait plus de 10 000 enseignants d'allemand en 2006, contre 6 500 aujourd'hui. Le nombre d'élèves pratiquant cette langue est également en chute dans les collèges et lycées français. Cette situation dramatique met en péril l'apprentissage de cette langue dans le pays, y compris en Alsace. La France est pourtant frontalière avec quatre pays comptant l'allemand comme langue officielle, qui sont autant de débouchés professionnels et personnels potentiels. M. le député interroge M. le ministre sur les mesures que l'État compte prendre pour pallier le déficit de recrutement de professeurs d'allemand. Il souhaite également savoir si une évolution de la pédagogie de l'allemand est envisagée, notamment pour renforcer la pratique orale de cette matière.
Réponse en séance, et publiée le 29 mars 2023
ENSEIGNEMENT DE L'ALLEMAND
M. le président. La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour exposer sa question, n° 250, relative à l'enseignement de l'allemand.
M. Charles Sitzenstuhl. Ma question, qui s'adressait à M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, ministre de tutelle de Mme la secrétaire d'État Sarah El Haïry ici présente, porte sur l'enseignement de la langue allemande dans notre pays.
Avec le français et l'anglais, l'allemand est, nous le savons tous, une des principales langues de notre continent. Elle est pratiquée dans plusieurs États voisins de la France – l'Allemagne, bien sûr, mais aussi la Suisse, la Belgique, le Luxembourg ainsi que le nord de l'Italie – et, un peu plus loin, en Autriche. La connaissance et la pratique de l'allemand sont donc indispensables à nos relations extérieures et au bon voisinage avec nombre de pays proches.
Or l'enseignement de l'allemand est en souffrance dans notre système éducatif. En tant qu'élu local alsacien, je suis régulièrement sollicité à propos des difficultés de recrutement des professeurs d'allemand en France. Voici à présent quelques chiffres que j'ai trouvés : plus de 70 % des postes ouverts en allemand au concours du Capes, le certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré, ne seraient plus pourvus, et la France ne compterait plus aujourd'hui que 6 500 enseignants d'allemand contre 10 000 il y a une quinzaine d'années – vous pourrez confirmer, ou non, ces chiffres. La pratique de l'allemand chuterait également dans nos collèges et lycées.
Cette situation me semble dramatique pour notre pays, d'abord du point de vue politique puisque la relation franco-allemande est le socle de notre politique européenne, ensuite du point de vue culturel parce que la culture germanique fait partie de celles qui ont influencé et construit la culture occidentale – à laquelle la culture française a aussi beaucoup contribué. À cet égard, il est indispensable que nous conservions un stock important de traducteurs. Enfin, cette situation est dramatique sur le plan économique car nous savons que l'Allemagne et la Suisse, notamment, constituent des gisements d'emplois pour nombre de nos régions frontalières – je pense bien sûr en priorité à l'Alsace, à la Lorraine et à la Franche-Comté.
Il est temps de tirer la sonnette d'alarme. Qu'entend faire le ministère de l'éducation nationale pour pallier le déficit de recrutement des professeurs d'allemand ? Un plan a-t-il été élaboré ? Pour renforcer le goût de la pratique de cette langue – dont la grammaire et le vocabulaire sont complexes, je le concède –, est-il également envisagé de faire évoluer les pratiques pédagogiques, autrement dit l'enseignement de l'allemand dans nos établissements, en donnant par exemple l'image d'une langue un peu plus souple et moins tatillonne et en accordant davantage de place à l'oral qu'à l'écrit ? Je vous remercie pour les précisions que vous me donnerez.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel. Il se trouve que j'ai moi-même été confrontée à la nécessité de construire un lien fort avec cette langue que je n'avais pas apprise. J'ai en effet eu le grand honneur, en tant que secrétaire d'État, de participer au soixantième anniversaire du discours du général de Gaulle à la jeunesse allemande. Or j'avais choisi l'espagnol comme deuxième langue vivante au collège. Je peux donc témoigner de ma difficulté à prononcer quelques mots dans la langue de Goethe. J'ai alors compris qu'en raison des liens historiques et culturels que nous entretenons avec nos voisins allemands, notre rapport à cette langue, qu'on l'ait apprise ou non, avait une dimension particulière.
Le ministère de l’éducation nationale est pleinement mobilisé pour favoriser l’enseignement de l’allemand, en particulier dans les régions frontalières. Le 24 novembre 2022, nous avons pris avec la République fédérale d’Allemagne l'engagement, fort, de développer l'apprentissage de l'allemand en France mais aussi du français en Allemagne.
Différentes mesures seront mises en œuvre afin de promouvoir le métier d'enseignant de ces deux langues. La journée franco-allemande du 22 janvier 2023 ayant coïncidé avec la célébration des soixante ans du traité de l’Élysée, le Conseil des ministres franco-allemand, qui s'est tenu ce jour-là, s'est penché sur cette question. Un « nouvel arrangement administratif sur les sections internationales menant au baccalauréat français international, section allemande » a alors été signé par les deux gouvernements. Les ministres ont par ailleurs entamé des échanges fournis pour renforcer l’attractivité du métier d’enseignant. C'est nécessaire et nous rejoignons votre préoccupation à ce sujet.
Ces initiatives devraient permettre d’enrayer la baisse du nombre d’heures enseignées constatée depuis 2010. Notons toutefois que la ressource enseignante en allemand représente aujourd'hui 5 620 ETP (équivalent temps plein), ce qui excède en réalité l’ensemble des besoins identifiés. Il n'en reste pas moins que l'on observe une baisse importante du nombre d’inscrits au Capes d’allemand en 2022. Pour étayer vos propos, je précise qu'elle est de 26 % par rapport à 2021, ce qui s'est traduit par une dégradation très importante du rendement du concours. On peut cependant espérer : il apparaît que le nombre de candidats a augmenté pour la session de 2023 – on en compte 821, soit une hausse de 4 %. Ce vivier plus important de candidats devrait permettre une amélioration dès la session 2023, puis bien supérieure dans les années à venir.
Je suis convaincue que l'apprentissage de l'allemand doit se faire non seulement dans l'institution scolaire mais aussi grâce au renforcement d'engagements en faveur du bilinguisme. Il existe, outre le service civique franco-allemand, d'autres formes d'entrée dans le bilinguisme, qu'elles concernent les colonies des vacances, le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur ou d'autres pratiques culturelles favorisées par l'Ofaj – l'Office franco-allemand pour la jeunesse. Elles permettront d'assurer une continuité éducative favorisant une pratique plus fluide et plus régulière, ainsi qu'un apprentissage plus démocratique de la langue.
M. le président. La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl. Je vous remercie pour ces précisions. N'oubliez pas l'importance de la pédagogie. Pour avoir choisi l'allemand comme seconde langue vivante, j'ai pu constater que la pédagogie est nécessaire pour surmonter ce qui est souvent une barrière mentale très forte pour nos jeunes concitoyens. Il faut que l'éducation nationale française améliore l'enseignement concret des langues étrangères, notamment de l'allemand.
Auteur : M. Charles Sitzenstuhl
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement secondaire
Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse
Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mars 2023