Nécessité d'agir pour établir une paix durable dans le Caucase
Question de :
M. Pierre Dharréville
Bouches-du-Rhône (13e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine - NUPES
M. Pierre Dharréville appelle l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation dans le Caucase. Il y a bientôt deux ans, l'Azerbaïdjan mettait un terme aux négociations de paix et envahissait, avec le soutien de la Turquie, le Haut-Karabakh. Depuis, les agressions contre l'Arménie n'ont jamais cessé. Les 13 et 14 septembre 2022, les forces militaires azerbaïdjanaises ont agressé une nouvelle fois plusieurs dizaines de villes et villages arméniens, dont Goris, Jermuk, Kapan, Vardenis et Sotk. La violence contre les populations arméniennes est insoutenable : viols, exécutions, tortures, documentée par de nombreuses ONG. À l'ombre de la guerre en Ukraine, le Président Ilham Aliev entend poursuivre sa sourde besogne. Au total, en septembre 2022, au moins 286 personnes ont été tuées de part et d'autre dans ces nouveaux affrontements à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, faisant craindre une nouvelle guerre d'ampleur. L'Azerbaïdjan occupe désormais 50 kilomètres carrés du territoire arménien, qu'il entend annexer, dans une indifférence quasi générale. Cet épisode intervient peu après que l'Union européenne (UE) et l'Azerbaïdjan aient conclu un accord pour augmenter les livraisons de gaz à l'Europe à l'issue duquel le Président Aliev s'est senti renforcé. Il intervient aussi alors que la Russie qui assurait jusqu'à présent un fragile statu quo dans la région est toute occupée à livrer la guerre à l'Ukraine. L'Arménie a sollicité la plus haute juridiction de l'ONU après ces attaques de septembre 2022 et lui a demandé d'enjoindre « expressément » à l'Azerbaïdjan de protéger les personnes arrêtées après la guerre de 2020. Pour le moment, la médiation est essentiellement menée sous l'égide de l'UE et des États-Unis d'Amérique. Les chefs des diplomaties arménienne et azerbaïdjanaise se sont retrouvés à Genève le 2 octobre 2022 pour commencer à travailler sur un projet de traité de paix. Le 6 octobre 2022, à Prague, des négociations ont eu lieu entre Nikol Pachinian, Ilham Aliev, Emmanuel Macron et le président du Conseil européen, Charles Michel. Le secrétaire du Conseil de sécurité arménien, Armen Grigoryan, a déclaré il y a peu que les deux parties sont convenues de signer ce traité « d'ici la fin de l'année », mais que ces « mécanismes » et le tracé des frontières sont encore en discussion. L'UE doit déployer ces jours-ci une mission civile en Arménie, dans la zone frontalière. Composée de 40 observateurs et envoyée pour une durée de deux mois, elle devrait permettre de « renforcer la confiance » entre les deux pays ennemis et de contribuer à délimiter la frontière. On ne peut que saluer cette avancée. Mais on peut s'inquiéter en se demander si cela sera suffisant d'autant que l'Azerbaïdjan a déjà failli à ses engagements par le passé. L'Europe, en tant que désormais partenaire commercial avec l'Azerbaïdjan, saura-t-elle tenir ce rôle ? Que pourra par ailleurs une mission civile en cas de nouvelle escalade militaire d'ici la signature du traité ? Quid d'une enquête indépendante internationale sur les crimes de guerre ? Face à ces incertitudes, il est nécessaire que les instances internationales se positionnent et agissent. Il faut également rappeler qu'une paix durable dans cette région suppose un règlement définitif de la question du statut de la république d'Artsakh, qui a proclamé par référendum libre et démocratique son indépendance et qui cristallise les tensions entre Arménie et Azerbaïdjan. Aussi il lui demande que la France fasse entendre sa voix pour que l'ONU intervienne par l'envoi de forces d'interposition pour garantir un cessez-le-feu, le respect de l'intégrité territoriale de l'Arménie et de la république d'Artsakh, préalable nécessaire à une résolution diplomatique pérenne des tensions dans le Caucase.
Réponse publiée le 6 décembre 2022
Un an et demi après la signature par l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Russie de la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020 qui a permis de mettre un terme aux combats meurtriers au Haut-Karabagh, la France reste convaincue de l'importance d'une relance du dialogue entre les parties afin d'aboutir à un règlement pacifique et pérenne du conflit. C'est en sa qualité de coprésidente du Groupe de Minsk de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), aux côtés de la Russie et des Etats-Unis, que la France s'est efforcée de créer les conditions favorables à une reprise du dialogue entre les parties. Le premier contact entre les ministres des affaires étrangères arménien et azerbaïdjanais, depuis la fin de la guerre de 44 jours, s'est tenu sous l'égide de la coprésidence le 23 septembre 2021, en marge de la 76e session de l'Assemblée générale des Nations unies. Afin de consolider cette dynamique encourageante, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères avait reçu ses homologues arménien et azerbaïdjanais à Paris, le 10 novembre 2021, afin d'échanger sur les mesures nécessaires à la désescalade et à la création d'un environnement propice au traitement de toutes les problématiques humanitaires en suspens, à commencer par la libération des prisonniers de guerre et le déminage. Pendant la présidence du Conseil de l'Union européenne, la France a soutenu et contribué aux efforts de l'Union européenne, comme l'a montré le Sommet en ligne organisé par le Président de la République le 4 février dernier, avec la participation du président du Conseil européen, du Président azerbaïdjanais et du Premier ministre arménien. L'engagement de la France a conduit à des résultats concrets, puisque 8 prisonniers arméniens ont été relâchés par Bakou le 7 février 2022, avant d'être rapatriés en Arménie par un avion militaire français. 17 prisonniers supplémentaires ont été libérés le 4 octobre 2022 grâce aux efforts combinés de la France et des Etats-Unis. Les affrontements survenus à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan le 13 septembre 2022 confirment l'urgence d'un règlement négocié de l'ensemble des dimensions du conflit entre les deux pays. Le Président de la République et la ministre de l'Europe et des affaires étrangères se sont immédiatement mobilisés pour demander un arrêt des combats et un retrait des troupes azerbaïdjanaises des parties occupées du territoire internationalement reconnu de l'Arménie. La ministre a également rappelé l'attachement de la France à l'intégrité territoriale de l'Arménie et appelé à ce que les crimes de guerre soient jugés. Elle a enfin demandé que la question soit soumise au Conseil de sécurité des Nations unies, sous présidence française, les 15 et 16 septembre 2022. A la suite de ces initiatives, la réunion organisée par le Président de la République à Prague le 6 octobre 2022, en présence du président du Conseil européen, du Président azerbaïdjanais et du Premier ministre arménien a permis d'obtenir un accord pour l'envoi d'une mission de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) civile qui est actuellement déployée sur le territoire arménien et la reprise des négociations pour délimiter la frontière entre les deux pays. Que ce soit à titre bilatéral ou dans le cadre de la coprésidence du Groupe de Minsk, les efforts de la France s'inscrivent en complémentarité et en appui à ceux de l'Union européenne. Nous restons pleinement engagés dans notre rôle de médiation pour construire un Caucase du Sud stable, sûr et prospère, au bénéfice des peuples de la région, conformément au mandat qui nous a été confié par l'OSCE et ses Etats participants.
Auteur : M. Pierre Dharréville
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 25 octobre 2022
Réponse publiée le 6 décembre 2022