Question orale n° 258 :
Lutte contre l'immigration clandestine dans les Alpes-Maritimes

16e Législature

Question de : Mme Alexandra Masson
Alpes-Maritimes (4e circonscription) - Rassemblement National

Mme Alexandra Masson appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le dispositif de « Lutte contre l'immigration clandestine » (LIC) dans les Alpes-Maritimes. 40 000 migrants clandestins ont été interpelés sur toute l'année 2022 à la frontière italienne des Alpes-Maritimes selon les chiffres du préfet du département. 33 000 ont été reconduits à la frontière. Avec près de 250 interpellations par jour, dépourvus de moyens humains et de matériels nécessaires tels que des drones, les effectifs de la LIC (PAF, Gendarmerie, CRS, force Sentinelle) font beaucoup avec trop peu. Elle lui demande s'il va enfin renforcer les effectifs humains et matériels de la lutte contre l'immigration clandestine dans les Alpes-Maritimes, dans quelles proportions et sous quels délais.

Réponse en séance, et publiée le 29 mars 2023

IMMIGRATION CLANDESTINE DANS LES ALPES-MARITIMES
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Masson, pour exposer sa question, n°  258, relative à l'immigration clandestine dans les Alpes-Maritimes.

Mme Alexandra Masson. Ma circonscription est concernée au premier chef par le dispositif du ministère de l'intérieur visant à lutter contre l'immigration clandestine. Elle compte en effet une centaine de kilomètres de frontières avec la Ligurie et le Piémont, points de passage des migrants arrivant en flux continu depuis la Sicile et Lampedusa où ils parviennent à accoster grâce à des réseaux mafieux de passeurs et la complicité d'ONG telle que SOS Méditerranée et son Ocean Viking.

Entre le 1er et le 20 janvier 2023, l'immigration illégale a battu des records dans ma circonscription, avec l'interpellation de 3 500 migrants contre 350 à la même période en 2022, soit un rapport de un à dix ! Ces chiffres s'ajoutent à ceux des 40 000 migrants interpellés à la frontière italienne au cours de l'année 2022, selon les propres données du préfet des Alpes-Maritimes. Avec une hausse de 106 % depuis 2019, les interpellations explosent !

À Menton, le poste-frontière de Saint-Ludovic, sur le bord de mer, et le poste historique de Saint-Louis sur l'ex-nationale 7 sont les deux principaux points de passage de la frontière où des effectifs de la police aux frontières (PAF), des gendarmes mobiles et des CRS sont constamment présents, depuis 2015, pour contrôler les véhicules. Ces forces de l'ordre doivent également surveiller la ligne de chemin de fer transfrontalière sur laquelle, chaque jour, des migrants sont arrêtés, lorsqu'ils ne sont pas tués en voulant se cacher dans les armoires électriques ou sur le toit des transports express régionaux (TER) qui partent de Vintimille, de l'autre côté de la frontière italienne. Ces gendarmes mobiles ont également la responsabilité des deux sorties de l'autoroute A8 entre la frontière et le péage de La Turbie, où chaque jour des automobilistes ou des routiers sont payés quelques centaines d'euros par les réseaux de passeurs pour faire traverser des migrants.

Pour éviter les contrôles autour de Menton et sur les péages autoroutiers, des milliers de migrants tentent aussi un passage clandestin par l'arrière-pays. Depuis plusieurs années, on a vu apparaître des milieux associatifs d'aide aux migrants et à leur passage, dont la figure la plus tristement célèbre est celle de Cédric Herrou.

Les effectifs de la force Sentinelle doivent, en complément de ceux de la gendarmerie, venir en renfort pour patrouiller sur les chemins de montagne et contrôler ces passages illégaux, malgré un manque de moyens techniques dignes de ce nom. Avec plus de 250 interpellations par jour, les effectifs de la LIC – lutte contre l'immigration clandestine –, hélas dépourvus de moyens humains et matériels – tels que des drones –, font donc beaucoup avec peu.

L'urgence, monsieur le ministre délégué, est implacable. Quand renforcerez-vous enfin les effectifs humains et matériels de la lutte contre l'immigration clandestine à la frontière italienne avec les Alpes-Maritimes ? (Mme Sophie Blanc applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer. Je suis originaire de Nice, madame la députée : je connais bien le département dont vous parlez. J'entends votre question, mais permettez-moi de rappeler que la forte immigration vers la France – contre laquelle il faut lutter – est aussi un signe du succès de notre République : davantage d'immigrés souhaitent venir en France que de Français ne souhaitent partir à Mogadiscio ou au Panama par exemple. Là est aussi le sujet. Vous avez raison, il faut lutter contre l'immigration clandestine, mais reconnaissons qu'elle s'explique par le fait qu'il est préférable de vivre en France qu'ailleurs : c'est l'une des raisons de l'immigration.

Cela n'empêche pas que le Gouvernement doive agir contre l'immigration clandestine – il s'agit d'une vérité à deux faces. Citons, à titre d'exemple, notre action visant à organiser l'éloignement forcé de tous ceux qui n'ont pas vocation à s'installer sur le territoire, notamment les sortants de prison pour lesquels la doctrine a complètement changé, ou ceux qui présentent une menace pour l'ordre public ; ce n'est pas exactement votre question, mais c'est une partie de la réponse.

Au cours de la précédente législature, nous avons ainsi augmenté les capacités des centres de rétention administrative (CRA), avec 715 places supplémentaires créées. Les crédits de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, dite Lopmi, du 24 janvier dernier, nous permettront de les accroître encore, avec 795 places supplémentaires d'ici à la fin de la législature. Cette même loi fixe une feuille de route claire et ambitieuse en matière de sécurisation des frontières. La montée en puissance ne peut être que progressive, en fonction des moyens accordés par le Parlement.

Nous menons depuis 2017 une politique de renforcement exceptionnel des effectifs des forces de l'ordre alloués à la lutte contre l'immigration clandestine. Cet effort doit se poursuivre : 7 000 postes de policiers et de gendarmes seront ainsi créés au cours du quinquennat. Je tiens également à souligner, cela me paraît très important, la récente création de l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim), office central spécialisé, piloté par la PAF, qui renforcera nos capacités de lutte contre les réseaux – puisque ces passages clandestins sont évidemment organisés par les réseaux que chacun connaît.

Dans les Alpes-Maritimes, c'est votre question,…

Mme Alexandra Masson. Oui, c'est bien la question.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué . …les moyens sont au rendez-vous : alors que la PAF disposait à la fin de l'année 2016 d'un effectif de 417 agents, elle dispose au 31 janvier 2023 de 454 agents – vous allez me dire que ce n'est pas énorme. Le nombre de gradés et de gardiens de la paix est passé de 313 à 361, soit 20 % d'augmentation. Si chaque poste devait connaître une telle augmentation, nous n'y parviendrions pas : félicitons-nous donc de ce chiffre. Je peux vous assurer de l'engagement du préfet, que je connais personnellement, des forces de l'ordre et des douanes contre l'immigration clandestine dans le département des Alpes-Maritimes, qui est l'une des voies en provenance de l'Italie, et qui subit les conséquences de la très forte hausse des débarquements de migrants en Italie.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre délégué !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué . En conclusion, permettez-moi de citer quelques chiffres témoignant de la mobilisation de nos forces dans votre département : les placements en CRA ont progressé de 20 %, les éloignements forcés de 16 % et les mises en cause de trafiquants de migrants de 22 % ; quatorze filières ont également été démantelées. Pour les seuls deux premiers mois de 2023, plus de 375 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés, soit 30 % de plus qu'au cours de la même période de 2021. En tout cas, nous augmentons bien les effectifs.

M. le président. Merci, monsieur le ministre délégué. J'invite les orateurs à rester dans le cadre des six minutes imparties.

Données clés

Auteur : Mme Alexandra Masson

Type de question : Question orale

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Intérieur et outre-mer

Ministère répondant : Intérieur et outre-mer

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mars 2023

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