16ème législature

Question N° 265
de Mme Florence Lasserre (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Pyrénées-Atlantiques )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transports
Ministère attributaire > Transports

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Mesures en faveur de l'émergence d'une filière de production de CAD

Question publiée au JO le : 21/03/2023
Réponse publiée au JO le : 29/03/2023 page : 3133

Texte de la question

Mme Florence Lasserre interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, sur les moyens que le Gouvernement entend mettre en œuvre afin de faire émerger une filière de production de CAD qui permettrait au transport aérien de participer pleinement à la décarbonation du secteur des transports. La crise énergétique que l'on connaît impose à l'ensemble des acteurs économiques de prendre des mesures visant à réduire leur consommation d'énergie afin, d'une part, d'éviter les risques de coupures de courant et les pénuries de carburants et, d'autre part, afin de contenir la hausse de leurs coûts fixes. Cette crise aura eu bien des effets délétères, mais elle aura au moins obligé tous les secteurs d'activités à accélérer leurs efforts de décarbonation. Il est un secteur en particulier dont je voudrais parler ce matin car, bien que fermement engagé dans un vaste mouvement de décarbonation, l'aérien se trouve aujourd'hui dans l'incapacité de continuer ses efforts pour réduire, à court terme, son emprunte environnementale. Ce secteur est responsable de 2 à 3 % des émissions mondiale de gaz à effet de serre et environ 5 à 6 % des émissions françaises, selon les chiffres de la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Pour assurer la transition énergétique de ses transports, la France a fait le choix d'une taxe incitative relative à l'utilisation d'énergies renouvelables dans les transports : la TIRUERT, qui élève chaque année les obligations d'incorporation de renouvelable dans le mix des carburants. Malheureusement, cette mesure qui devait favoriser l'incorporation de biocarburants d'aviation dans les carburéacteurs, ne joue pas son rôle incitatif à l'égard de l'aérien puisque les filières de production de carburants aéronautiques durables (CAD) ne sont pas suffisamment matures et ne peuvent donc répondre à la forte demande des compagnies aériennes. La TIRUERT n'est donc, à l'heure actuelle, pas vertueuse pour le secteur aérien dès lors que les compagnies aériennes, en l'absence d'une offre structurée de carburants aéronautiques durables (CAD), en sont automatiquement redevables. Cela a pour conséquence de grever les finances des entreprises du secteur qui diminuent d'autant leurs investissements en R et D pour développer « l'avion vert ». Alors que les technologies de propulsion électrique et à hydrogène n'apparaîtront qu'à l'horizon de 2030-2035 et ne seront viables qu'au-delà de 2050, les carburants aéronautiques durables (CAD) sont la seule option, à court terme, qui permettrait d'assurer une décarbonation efficace et durable du secteur aérien. En effet, l'émergence d'une filière de production à grande échelle de carburants aéronautiques durables (CAD) permettrait de réduire de près de 80 % les émissions de CO2 par rapport au kérosène. Aujourd'hui, seules 6 filières de production de carburants aéronautiques durables (CAD), au niveau mondial, garantissent un niveau de sécurité des vols optimal, mais la production est extrêmement réduite. À l'occasion de l'examen du volet transport aérien de la dernière loi de finances, les auditions que nous avons conduites ont mises en avant que seule Easyjet « utilise d'ores et déjà un mélange de carburants contenant 0,5 % de SAF pour ses vols nationaux et internationaux ». Si cette entreprise se dit être en mesure de se procurer les volumes de biocarburants nécessaires pour tenir sa feuille de route décarbonation, elle fait figure d'exception. Les autres compagnies estiment, quant à elles, que les volumes de carburants aéronautiques durables (CAD) disponibles sont très insuffisants pour assurer la transition énergétique et écologique du secteur. Aussi, Mme la députée souhaiterait connaître les actions engagées par le Gouvernement pour faire émerger une filière de production de CAD qui permettrait au transport aérien de participer pleinement à la décarbonation du secteur des transports. Parallèlement à l'engagement de ces actions, elle lui demande s'il compte mettre en place des mesures, fiscales notamment, pour éviter toute distorsion de concurrence entre les compagnies françaises soumises à l'obligation d'incorporation de renouvelable et les compagnies internationales non soumises aux mêmes obligations, ou à des obligations équivalentes et qui pourraient donc, sans ces mesures, continuer à faire voler leurs appareils grâce à des carburéacteurs d'origine fossile, dont le prix est 4 fois moins élevé que celui des carburants aéronautiques durables (CAD).

Texte de la réponse

FILIÈRE DE PRODUCTION DE CARBURANTS AÉRONAUTIQUES DURABLES


M. le président. La parole est à Mme Florence Lasserre, pour exposer sa question, n°  265, relative à la filière de production de carburants aéronautiques durables. Le tour de France se poursuit puisque nous sommes dans les Pyrénées-Atlantiques.

Mme Florence Lasserre. S'il y a tour de France, monsieur le président, en tout cas, ce n'est pas à vélo. Je reviens à ma question. La crise énergétique que nous connaissons a bien des effets délétères, mais elle aura au moins obligé tous les secteurs d'activité à accélérer leurs efforts de décarbonation.

Je souhaite évoquer le secteur aérien qui, malgré sa volonté, se trouve aujourd'hui dans l'incapacité de continuer ses efforts pour réduire, à court terme, son empreinte environnementale.

Pour assurer la transition énergétique de ses transports, la France a fait le choix d'une taxe incitative relative à l'utilisation d'énergies renouvelables dans les transports. Elle élève chaque année les obligations d'incorporation de carburants relevant des énergies renouvelables dans le mix des carburants.

Malheureusement, cette mesure, qui devait favoriser l'incorporation de biocarburants d'aviation dans les carburéacteurs, ne joue pas son rôle incitatif puisque les filières de production de carburants aéronautiques durables (CAD) ne sont pas suffisamment matures et ne peuvent donc répondre à la forte demande des compagnies aériennes.

La taxe n'est donc pas actuellement vertueuse, dès lors que les compagnies aériennes, en l'absence d'une offre structurée de CAD, en sont automatiquement redevables. Cela affecte les finances des entreprises du secteur qui diminuent d'autant leurs investissements en recherche et développement pour développer l'avion vert.

Alors que les technologies de propulsion électrique et à hydrogène n'apparaîtront qu'à l'horizon 2030-2035 et ne seront viables qu'au-delà de 2050, les CAD sont la seule option, à court terme, qui permettrait d'assurer une décarbonation efficace et durable du secteur aérien.

Actuellement, seules six filières de production au niveau mondial garantissent un niveau de sécurité des vols optimal, mais la production est extrêmement réduite.

Je souhaiterais donc connaître les actions engagées par le Gouvernement pour faire émerger une filière de production de CAD qui permettrait au transport aérien de participer pleinement à la décarbonation du secteur des transports. D'autre part, comptez-vous prendre des mesures pour éviter toute distorsion de concurrence entre les compagnies françaises soumises à l'obligation d'incorporation des énergies renouvelables et les compagnies internationales qui ne sont pas soumises aux mêmes obligations ou à des obligations équivalentes, et qui pourraient donc, sans ces mesures, continuer à faire voler leurs appareils grâce à des carburants d'origine fossile dont le prix est quatre fois moins élevé que celui des carburants aéronautiques durables ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement. L'objectif réaffirmé par les ministres délégués chargés des transports et de l'industrie et par la ministre de la transition énergétique devant l'ensemble des acteurs industriels le 14 février dernier est de favoriser la création en France d'une filière de carburants durables permettant au secteur aérien d'atteindre ses objectifs de décarbonation en 2050, tout en assurant l'indépendance énergétique de la France et la création d'emplois dans les territoires, en lien avec nos filières agricoles et de traitement des déchets.

L'État a d'ores et déjà apporté une aide financière à travers une enveloppe de 200 millions d'euros pour soutenir des études de recherche et développement et l'installation des premiers démonstrateurs.

Cette mesure est en outre accompagnée des dispositions réglementaires nécessaires. Son application aux carburants d'aviation permet de soutenir le développement de la production nationale de carburants durables, en encourageant les acteurs à adapter leur outil industriel – l'annonce de la transformation de la raffinerie de TotalEnergies de Grandpuits en bioraffinerie en témoigne.

Certes, vous le souligniez, le marché des carburants durables est encore peu mature, et il n'est pas aisé pour les transporteurs aériens d'en acquérir. Les compagnies aériennes annoncent toutefois des premiers contrats d'achat à moyen terme de carburant d'aviation durable.

Enfin, une réflexion est engagée, dans le cadre du groupe de travail de haut niveau lancé par le Gouvernement en février, sur la levée des freins à la massification de la production et à l'utilisation de carburants durables.

Au niveau européen, les premières mesures de soutien à l'achat de carburant d'aviation durable, prises à l'occasion de la révision de la directive dite ETS aviation – cette directive vise à intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre –, porteront leurs fruits : quelque 20 millions de quotas gratuits seront conservés jusqu'en 2030, afin de compenser tout ou partie de la différence de prix entre les carburants durables et le carburant fossile.