APPLICATION PRÉMATURÉE DU GUICHET UNIQUE DES ENTREPRISES EN OUTRE-MER
Mme la présidente. La parole est à M. Jiovanny William, pour exposer sa question, n° 270, relative à l'application prématurée du guichet unique des entreprises en outre-mer.
M. Jiovanny William. À compter du 1er janvier dernier, les entrepreneurs de la Martinique et des autres départements et régions d'outre-mer (Drom) se sont vu imposer par loi d'accomplir l'ensemble des formalités entourant les conditions de vie de leurs sociétés en passant par un guichet unique entièrement dématérialisé. Nos entrepreneurs ultramarins dirigent pour la plupart de très petites entreprises (TPE) et sont, à la différence des autres entrepreneurs, affectés dans leur vie quotidienne par une fracture numérique persistante, liée à l'illectronisme. Rappelons que, selon les chiffres de l'Insee, ce dernier concernerait 17 % de la population résidant en outre-mer et porterait tant sur le manque d'équipements que sur le manque de compétences numériques.
Vous avez également pris acte du dernier rapport de la Défenseure des droits sur la dématérialisation des services publics dans l'Hexagone et sur nos territoires. Ses conclusions n'ont rien de bien réjouissant et le Gouvernement est invité à revoir sa copie en la matière. Dans ces conditions, imposer à nos sociétés locales le passage au tout-numérique est une source de nouvelles inquiétudes. Ne serait-ce pas ajouter des réticences aux réticences et des difficultés aux difficultés structurelles que nous connaissons, à l'heure où vous dites vouloir lutter contre les économies informelles ?
Le Gouvernement peut-il nous indiquer les mesures qu'il compte prendre à court, moyen et long terme pour contrebalancer les effets de l’application prématurée de cette loi en outre-mer ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Avec la création en janvier 2023 du guichet unique et du registre national des entreprises, prévue par la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, la loi Pacte, le Gouvernement a souhaité simplifier la vie des entreprises. Et nous savons, quelles que soient nos appartenances politiques, comme il est compliqué de simplifier. Pour ce qui est des années 2012 à 2015, on peut toujours rationaliser
a posteriori, mais à l'époque il n'était pas si facile pour les entrepreneurs de choisir le statut ou le régime adéquat, entre celui de travailleur non salarié et celui de salarié de sa propre entreprise. C'est forts de ce constat que nous avons adopté en 2019 l'article 1er de la loi Pacte relatif à la création d'un guichet unique électronique, processus qui a pris quelques années et dont les débuts, je l'ai déjà dit aux parlementaires, ne sont pas satisfaisants. C'est pourquoi l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi), chargé de son déploiement, est l'objet d'une certaine pression exercée par Bruno Le Maire et moi-même afin que cette dématérialisation soit opérationnelle au mois de juin. C'est une façon de vous dire, monsieur le député, que je souscris à une partie de votre diagnostic.
Toutefois, je tiens à vous apporter des précisions concernant les territoires ultramarins. Le Gouvernement a tenu compte de leurs spécificités et a considéré que les nouvelles mesures ne pouvaient s'appliquer à tous : la Polynésie française, les îles Wallis-et-Futuna, les Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) et la Nouvelle-Calédonie en sont exclues par la loi. De plus, des mesures d'adaptation ont été prévues pour l'ensemble des autres territoires ultramarins concernés – Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon –, compte tenu notamment de l'existence d'organismes sociaux spécialement compétents dans ces territoires pour les travailleurs non salariés.
L'objectif du guichet unique est de dématérialiser les formalités de création, de modification et de cessation d'activité pour les entreprises, jusque-là très majoritairement réalisées par voie papier. Elles réclamaient, rappelons-le, de remplir pas moins de cinquante-six formulaires Cerfa distincts : ce n'était donc pas si facile, même si je ne prétends pas que le guichet unique fonctionne parfaitement. Nous avons voulu simplifier le parcours des entreprises déclarantes, en regroupant les procédures qui étaient traitées par six réseaux de centres de formalités des entreprises et quatre sites internet différents.
Comme pour tout projet numérique de cette envergure, le nombre des parties prenantes est élevé et le défi technique est de taille. Le déploiement du dispositif est donc progressif. Il n'a pas été satisfaisant en janvier. La partie concernant les modifications et les cessations a rencontré des dysfonctionnements au début de l'année 2023 et nous avons pris des mesures ciblées pour y remédier. Jusqu'à fin juin, les formalités les plus urgentes s'y rapportant pourront être réalisées par d'autres voies numériques ou par voie papier.
Les difficultés rapportées par les réseaux consulaires locaux – chambre économique multiprofessionnelle de Saint-Barthélemy, chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin ou chambre d’agriculture, de commerce, d'industrie, de métiers et de l'artisanat de Saint-Pierre-et-Miquelon – ont également été prises en compte par l'Inpi pour améliorer le dispositif.
Mon temps de parole est presque écoulé et je veux vous dire que je suis preneuse de toute information concernant les difficultés auxquelles le territoire que vous représentez est confronté, monsieur le député. Je me tiens à votre disposition avec mon équipe et celle de Bruno Le Maire pour les communiquer à l'Inpi. Notre objectif est que le guichet unique fonctionne bien et même très bien au mois de juin.