16ème législature

Question N° 274
de Mme Danielle Simonnet (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Paris )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > professions de santé

Titre > Suspension d'un médecin de l'hôpital Tenon mis en examen pour violences

Question publiée au JO le : 04/04/2023
Réponse publiée au JO le : 12/04/2023 page : 3711

Texte de la question

Mme Danielle Simonnet interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur la situation à l'hôpital Tenon situé dans le 20e arrondissement de Paris. En effet, un des médecins de cet hôpital, gynécologue spécialisé dans le traitement de l'endométriose, fait l'objet de démarches en justice avec 32 plaintes pour violence et de très nombreux témoignages. Ce médecin a été mis en examen le 24 novembre 2022 pour « violences volontaires aggravées » contre des patientes. Il a dans ce cadre été placé sous contrôle judiciaire avec « interdiction de contact avec les victimes » et « interdiction de tenir des consultations privées de gynécologie ». Suite à son appel de cette décision, la chambre de l'instruction l'a autorisé de nouveau à exercer dans le privé comme dans le public depuis le 18 janvier 2023. Cette décision aurait été justifiée par le fait que dans le privé comme dans le public, la présence d'un tiers lors des consultations serait possible. Le collectif StopVOG a pourtant reçu, depuis septembre 2021, 190 témoignages de violences le concernant, autant dans le public que dans le privé, dont plusieurs font état de la présence de tiers. Les premiers témoignages collectés sont d'ailleurs ceux d'étudiantes en médecine ayant effectué leur stage auprès de ce médecin. Leurs présences n'avaient nullement empêché les violences. Un vœu a été adopté au conseil du 20e arrondissement et au Conseil de Paris, demandant l'arrêt immédiat de ses consultations. Cette demande, pourtant soutenue par la présidente du conseil de surveillance et par la vice-présidente du conseil de surveillance de l'AP-HP, a été refusée par le conseil de surveillance, sans qu'un vote soit organisé. Cette situation met les patientes susceptibles d'être reçues en consultation par ce médecin au sein de l'hôpital Tenon en danger. Tout en respectant la présomption d'innocence, il est impératif de respecter le principe de précaution pour les victimes et se rappeler le serment d'Hippocrate : « primum non nocere » (d'abord ne pas nuire). Les hautes instances de santé et les politiques autorisées à le suspendre ne doivent plus fuir leurs responsabilités dans cette affaire : la direction de l'hôpital Tenon, l'Ordre des médecins, l'agence régionale de santé, le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et bien sûr l'APHP. C'est pourquoi elle souhaite l'interpeller pour lui demander s'il va intervenir auprès de l'AP-HP afin d'exiger la suspension de ce médecin tant dans le public que le privé, dans l'attente de la fin des poursuites judiciaires et qu'il ne soit plus autorisé à enseigner et cesse ainsi ses interventions à la Sorbonne.

Texte de la réponse

SUSPENSION D'UN MÉDECIN À L'HÔPITAL TENON


Mme la présidente. La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour exposer sa question, n°  274, relative à la suspension d'un médecin à l'hôpital Tenon.

Mme Danielle Simonnet. Ma question porte sur la situation à l’hôpital Tenon, situé dans le 20e arrondissement de Paris. Un des médecins de cet hôpital, gynécologue spécialisé dans le traitement de l’endométriose, fait l’objet de démarches en justice avec trente-deux plaintes pour violence et de très nombreux témoignages.

Ce médecin a été mis en examen le 24 novembre pour violences volontaires aggravées contre des patientes. Il a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de contact avec les victimes et interdiction de tenir des consultations privées de gynécologie. Suite à son appel de cette décision, la chambre de l’instruction l’a autorisé de nouveau à exercer, dans le privé comme dans le public, depuis le 18 janvier.

Cette décision aurait été justifiée par le fait que, dans le privé comme dans le public, la présence d’un tiers lors des consultations serait possible. Le collectif StopVOG a pourtant reçu, depuis septembre 2021, 190 témoignages de violences le concernant, autant dans le public que dans le privé, dont plusieurs font état de la présence de tiers. Les premiers témoignages recueillis sont d’ailleurs ceux d’étudiantes en médecine ayant effectué leur stage auprès de ce professeur. Leur présence n’avait nullement empêché les violences.

Le conseil du 20e arrondissement et le Conseil de Paris ont formulé des vœux demandant l’arrêt immédiat de ses consultations. Cette demande, pourtant soutenue par la présidente et par la vice-présidente du conseil de surveillance de l’AP-HP, a été refusée par le conseil de surveillance, sans qu’un vote soit organisé.

Cette situation met en danger les patientes susceptibles d’être reçues en consultation par ce médecin au sein de l’hôpital Tenon. Il faut respecter la présomption d’innocence mais aussi le principe de précaution pour les victimes et rappeler le serment d’Hippocrate : primum non nocere – d’abord, ne pas nuire.

Les hautes instances de santé et les politiques autorisés à suspendre ce médecin ne doivent plus fuir leurs responsabilités : la direction de l'hôpital Tenon, l’Ordre des médecins, l’agence régionale de santé, le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et, bien sûr, l’AP-HP.

Je demande donc à M. le ministre de la santé et de la prévention d'intervenir, dans l’attente de la fin des poursuites judiciaires, pour que ce médecin ne puisse plus consulter, tant dans le public que dans le privé, et qu’il ne soit plus autorisé à enseigner à la Sorbonne.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Vous m'interrogez sur la suspension d'un médecin de l'hôpital de Tenon mis en examen pour violences. Je tiens tout d'abord à exprimer ma solidarité avec toutes les victimes de violences obstétricales et gynécologiques.

La réglementation prévoit qu'une mesure de suspension à titre conservatoire peut être prononcée par le directeur d'un établissement de santé, en cas de mise en péril de la continuité du service et de la sécurité des patients. Toutefois, celle-ci ne s'applique que dans les limites de son établissement. Ainsi, elle n'interdit pas au praticien d'exercer dans un autre établissement ou en cabinet libéral. Seul l'Ordre des médecins est en mesure de prononcer une interdiction d'exercice à l'égard d'un médecin.

De même, la suspension des activités universitaires d'un professeur des universités-praticien hospitalier ne relève pas du directeur de l'établissement de santé. Dans des circonstances où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients et des étudiants, le directeur du centre hospitalier universitaire et le président de l'université concernés peuvent décider de suspendre conjointement les activités d'un enseignant hospitalier. Dans ce cas, ils en réfèrent sans délai aux ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé, qui confirment cette suspension à titre conservatoire ou y mettent fin. Ainsi, le ministère de la santé et le ministère de l'enseignement supérieur ont saisi la juridiction disciplinaire compétente de la situation de ce praticien. Une procédure judiciaire est également en cours.

Plus généralement, afin de renforcer et d'accélérer les procédures, nous avons diffusé, à l'attention des établissements, un guide de constitution des dossiers disciplinaires des personnels hospitalo-universitaires transmis aux ministères en vue d'une saisine de la juridiction disciplinaire compétente à l'égard des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires (JDHU) ainsi qu'un guide actualisé sur le fonctionnement de celle-ci. Les deux ministères se sont fixé un délai de deux mois pour saisir la JDHU, dès la réception d'un dossier complet. Depuis un décret modificatif de 2020, la présidente de la juridiction nomme des rapporteurs parmi les conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, pour professionnaliser ce rôle.

Le ministère est particulièrement mobilisé dans la lutte contre les violences gynécologiques et obstétricales, en lien notamment avec l'avis rendu le 29 mars par le Comité consultatif national d’éthique, sur le consentement lors des examens gynécologiques.

Mme la présidente. La parole est à Mme Danielle Simonnet.

Mme Danielle Simonnet. Votre réponse ne me satisfait pas. En effet, ce professeur peut continuer à consulter. Il est temps que la loi reconnaisse les violences obstétricales et gynécologiques. Cette absence de reconnaissance participe du déni de la réalité de ces violences, qui constituent pourtant un problème systémique de grande ampleur.

L'apparition de l'expression « violences obstétricales et gynécologiques » dans le débat public est récente et ces violences sont encore méconnues, mais le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes les avait définies dès 2018. Il faut changer la situation par la loi, car la gynécologie et l'obstétrique, qui touchent à l'intimité des femmes et des personnes transgenres, ne sont pas des spécialités comme les autres. Il est urgent de reconnaître les violences obstétricales et gynécologiques dans notre code pénal, ainsi que de préciser la notion de consentement du patient dans le code de la santé publique. Il faut également agir pour développer la formation continue des professionnels de santé aux violences faites aux femmes.

L'urgence demande que, par précaution, ce médecin, qui fait l'objet de nombreuses poursuites, soit suspendu.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Seul l'Ordre des médecins peut le faire !