Rubrique > biodiversité
Titre > Liste des ESOD et plan Ecophyto III
Mme Manon Meunier rappelle à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires que le 27 février 2023, alors même que les conclusions du plan Ecophyto II n'étaient pas connues, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé en grande pompe la préparation d'un plan Ecophyto III, ou Ecophyto 2030. L'objectif annoncé est de se passer de produits phytosanitaires dans le traitement des cultures. Pourtant, les déclarations de la Première ministre restent ambiguës. Mme la Première ministre a par exemple annoncé, elle cite « en matière de produits phytosanitaires, nous respecterons désormais le cadre européen et rien que le cadre européen », ce qui, sous couvert d'une avancée, constituerait un recul majeur à l'heure ou la France interdit déjà certaines substances autorisées au sein de l'Union européenne. Pourtant, des solutions naturelles existent et Elisabeth Borne semblait pencher dans cette direction, en déclarant « nous devons mettre au point des alternatives, chimiques et non-chimiques, crédibles et efficaces. J'insiste sur ce point, car nous ne pouvons plus être uniquement dans la simple substitution d'une solution chimique par une autre ». Bonne nouvelle ! Ces alternatives « non-chimiques » sont nombreuses ! L'une d'entre elles et M. le ministre la connaît, réside au cœur de la biodiversité : la chaîne alimentaire. En effet, à l'instar des coccinelles avec les doryphores, de nombreux petits mammifères comme la fouine, la belette, le renard ou encore la martre se nourrissent des rongeurs qui abiment les cultures, comme les campagnols. Ceci M. le ministre le sait bien, puisque le plan Ecophyto II prévoyait par exemple la création de refuges pour ces petits carnivores, pour contrôler la prolifération des campagnols et ainsi se passer du terrible bromadiolone, pesticide très toxique. Mais pendant ce temps-là, « en même temps », comme on dit en macronie, M. le ministre classe une très grande partie de ces animaux sur la liste des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts (ESOD), ce qui autorise, entre autres, leur piégeage et accélère leur déclin. M. le ministre ne voit-il pas la contradiction entre ces deux politiques ? La Première ministre avait annoncé vouloir « mieux protéger les récoltes - tout en préservant notre biodiversité », aussi, revoir la classification des ESOD est une parfaite solution pour protéger les récoltes et non seulement préserver mais également restaurer la biodiversité. (À la suite d'une question écrite en date du 15 novembre 2022, M. le ministre a déjà répondu sur le sujet précis des putois, en expliquant qu'ils ne seraient pas réintégrés à la classification des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts (ESOD), « sauf justification locale particulièrement motivée »). Or cela signifierait qu'un relevé motivé de dégâts, réels ou non, imputés (à tort ou à raison) au putois dans certaines régions pourrait justifier sa réintégration à la liste des ESOD au niveau national et donc réautoriser son piégeage sur tout le territoire. À l'approche du renouvellement de cette liste, il est légitime de s'interroger sur le sort qui pourra être réservé également aux autres petits mammifères, souvent accusés de dégâts dont ils ne sont pas responsables, dans le seul but de les voir considérés comme ESOD afin d'empêcher leur protection, pourtant essentielle à la chaîne alimentaire et donc à la protection des cultures. Cette nuance que M. le ministre a apportée dans sa réponse présente donc de graves conséquences, d'autant plus que l'élaboration des « fiche dégâts » préalables à l'établissement de la liste des ESOD est sujette à de nombreuses contestations. Ces fiches manquent de transparence dans leur processus de rédaction, sont très difficilement consultables et leur contenu est souvent très faible, quand il n'est pas purement fictif. Ainsi, si dans un département, sont rédigées de nombreuses « fiches dégâts » incriminant les putois, ou un autre petit mammifère, alors le Gouvernement n'exclut pas de les réintégrer à la liste des ESOD, quand bien même cette espèce est aujourd'hui en inquiétant déclin.) D'ici à juillet 2023, M. le ministre aura à renouveler par arrêté la liste de ces ESOD. Avant cela, une consultation publique sera menée à travers tout le territoire, pour consulter élus, habitants et acteurs de l'agriculture sur leurs relations avec les petits carnivores. Aussi, Mme la députée invite la population à témoigner massivement lors de cette consultation publique, pour faire transparaître la réalité, loin des caricatures : non, les animaux considérés comme ESOD ne sont pas dangereux, bien au contraire, ils sont très utiles à la biodiversité et aux cultures. Aussi, le renouvellement de la liste des ESOD que M. le ministre aura à prendre par décret n'est pas anodin. Il aura de grandes conséquences, non seulement sur la préservation de la biodiversité, mais également sur la protection des cultures, la réduction des pesticides, ou encore la santé publique. C'est pourquoi elle lui demande, avec de nombreux parlementaires engagés sur ce sujet, de restreindre la liste des ESOD, en développement au contraire des mesures de protection et d'accompagnement des éleveurs et agriculteurs.