16ème législature

Question N° 275
de Mme Manon Meunier (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Haute-Vienne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère attributaire > Transition écologique et cohésion des territoires

Rubrique > biodiversité

Titre > Liste des ESOD et plan Ecophyto III

Question publiée au JO le : 04/04/2023
Réponse publiée au JO le : 12/04/2023 page : 3701

Texte de la question

Mme Manon Meunier rappelle à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires que le 27 février 2023, alors même que les conclusions du plan Ecophyto II n'étaient pas connues, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé en grande pompe la préparation d'un plan Ecophyto III, ou Ecophyto 2030. L'objectif annoncé est de se passer de produits phytosanitaires dans le traitement des cultures. Pourtant, les déclarations de la Première ministre restent ambiguës. Mme la Première ministre a par exemple annoncé, elle cite « en matière de produits phytosanitaires, nous respecterons désormais le cadre européen et rien que le cadre européen », ce qui, sous couvert d'une avancée, constituerait un recul majeur à l'heure ou la France interdit déjà certaines substances autorisées au sein de l'Union européenne. Pourtant, des solutions naturelles existent et Elisabeth Borne semblait pencher dans cette direction, en déclarant « nous devons mettre au point des alternatives, chimiques et non-chimiques, crédibles et efficaces. J'insiste sur ce point, car nous ne pouvons plus être uniquement dans la simple substitution d'une solution chimique par une autre ». Bonne nouvelle ! Ces alternatives « non-chimiques » sont nombreuses ! L'une d'entre elles et M. le ministre la connaît, réside au cœur de la biodiversité : la chaîne alimentaire. En effet, à l'instar des coccinelles avec les doryphores, de nombreux petits mammifères comme la fouine, la belette, le renard ou encore la martre se nourrissent des rongeurs qui abiment les cultures, comme les campagnols. Ceci M. le ministre le sait bien, puisque le plan Ecophyto II prévoyait par exemple la création de refuges pour ces petits carnivores, pour contrôler la prolifération des campagnols et ainsi se passer du terrible bromadiolone, pesticide très toxique. Mais pendant ce temps-là, « en même temps », comme on dit en macronie, M. le ministre classe une très grande partie de ces animaux sur la liste des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts (ESOD), ce qui autorise, entre autres, leur piégeage et accélère leur déclin. M. le ministre ne voit-il pas la contradiction entre ces deux politiques ? La Première ministre avait annoncé vouloir « mieux protéger les récoltes - tout en préservant notre biodiversité », aussi, revoir la classification des ESOD est une parfaite solution pour protéger les récoltes et non seulement préserver mais également restaurer la biodiversité. (À la suite d'une question écrite en date du 15 novembre 2022, M. le ministre a déjà répondu sur le sujet précis des putois, en expliquant qu'ils ne seraient pas réintégrés à la classification des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts (ESOD), « sauf justification locale particulièrement motivée »). Or cela signifierait qu'un relevé motivé de dégâts, réels ou non, imputés (à tort ou à raison) au putois dans certaines régions pourrait justifier sa réintégration à la liste des ESOD au niveau national et donc réautoriser son piégeage sur tout le territoire. À l'approche du renouvellement de cette liste, il est légitime de s'interroger sur le sort qui pourra être réservé également aux autres petits mammifères, souvent accusés de dégâts dont ils ne sont pas responsables, dans le seul but de les voir considérés comme ESOD afin d'empêcher leur protection, pourtant essentielle à la chaîne alimentaire et donc à la protection des cultures. Cette nuance que M. le ministre a apportée dans sa réponse présente donc de graves conséquences, d'autant plus que l'élaboration des « fiche dégâts » préalables à l'établissement de la liste des ESOD est sujette à de nombreuses contestations. Ces fiches manquent de transparence dans leur processus de rédaction, sont très difficilement consultables et leur contenu est souvent très faible, quand il n'est pas purement fictif. Ainsi, si dans un département, sont rédigées de nombreuses « fiches dégâts » incriminant les putois, ou un autre petit mammifère, alors le Gouvernement n'exclut pas de les réintégrer à la liste des ESOD, quand bien même cette espèce est aujourd'hui en inquiétant déclin.) D'ici à juillet 2023, M. le ministre aura à renouveler par arrêté la liste de ces ESOD. Avant cela, une consultation publique sera menée à travers tout le territoire, pour consulter élus, habitants et acteurs de l'agriculture sur leurs relations avec les petits carnivores. Aussi, Mme la députée invite la population à témoigner massivement lors de cette consultation publique, pour faire transparaître la réalité, loin des caricatures : non, les animaux considérés comme ESOD ne sont pas dangereux, bien au contraire, ils sont très utiles à la biodiversité et aux cultures. Aussi, le renouvellement de la liste des ESOD que M. le ministre aura à prendre par décret n'est pas anodin. Il aura de grandes conséquences, non seulement sur la préservation de la biodiversité, mais également sur la protection des cultures, la réduction des pesticides, ou encore la santé publique. C'est pourquoi elle lui demande, avec de nombreux parlementaires engagés sur ce sujet, de restreindre la liste des ESOD, en développement au contraire des mesures de protection et d'accompagnement des éleveurs et agriculteurs.

Texte de la réponse

PLAN ÉCOPHYTO III


Mme la présidente. La parole est à Mme Manon Meunier, pour exposer sa question, n°  275, relative au plan Écophyto III.

Mme Manon Meunier. Ma question s'adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Savez-vous ce qu'est un nuisible ? C'est le qualificatif qui était donné – qui l'est encore par certains – aux espèces animales que l'on appelle maintenant Esod, une appellation édulcorée signifiant « espèces susceptibles d'occasionner des dégâts ». Ces espèces sont considérées comme nuisibles si, et seulement si, elles sont inscrites sur une liste spécifique. Celle-ci a été élaborée par le ministère de la transition écologique et sera bientôt rendue publique, puisqu'un arrêté ministériel devrait être pris au mois de juillet 2023.

Quelles espèces pourraient mériter ce qualificatif de nuisibles ? Certainement pas la belette, ce tout petit carnivore endémique de moins de 100 grammes, très utile pour réguler les populations de rongeurs ! Certainement pas le geai des chênes, cet oiseau familier de nos campagnes, souvent considéré comme le premier planteur d'arbres en France, car il transporte et dissémine des graines permettant la régénération des forêts ! Et pas davantage le renard, qui cumule un rôle de dispersion de graines, un rôle sanitaire de régulation des agents pathogènes transportés par certains animaux et par des cadavres dont il se nourrit, et un rôle indispensable d'auxiliaire de culture. Le renard, qui mange 3 000 à 6 000 rongeurs par an, est indispensable pour limiter l'impact des campagnols sur les cultures céréalières, par exemple.

Malheureusement, comme beaucoup trop d'autres, ces trois espèces figurent sur la liste en vigueur des nuisibles, qui ouvre le droit de les tirer, de les piéger, voire de les déterrer, toute l'année.

En présentant le plan Écophyto 2030, la Première ministre a annoncé une diminution de l'usage des pesticides. Dans cette perspective, j'espère que le ministre de la transition écologique libérera de leur statut de nuisibles ces espèces qui concourent à la lutte biologique contre les déprédations agricoles. En tant que garant de la protection de l'environnement au Gouvernement, j'espère qu'il supprimera de la liste des indésirables ces espèces qui contribuent à l'équilibre naturel des écosystèmes. Enfin, dans le contexte de la sixième extinction du vivant, j'espère que vous entendrez que la priorité est plutôt à la conservation.

Pouvez-vous nous dire qui sera considéré nuisible en juillet 2023 ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. Réduire l'emploi des pesticides fait partie des objectifs du Gouvernement, en particulier de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique. Les plans Écophyto successifs en sont la traduction. Toutefois, il est indispensable de disposer de solutions alternatives efficaces pour atteindre cet objectif.

La lutte naturelle, par la prédation des ravageurs, constitue une des solutions pour limiter les risques qui pèsent sur les cultures agricoles. Il faut néanmoins trouver un équilibre car certains prédateurs naturels peuvent également être source de nuisances.

Lorsqu'elles portent atteinte aux intérêts énumérés au II de l'article R. 427-6 du code de l'environnement, certaines espèces peuvent faire l'objet d'une régulation complémentaire à celle de la chasse, par leur inscription dans une liste Esod.

Seules les espèces qui peuvent être chassées sont susceptibles de figurer sur la liste Esod. En outre, l'inscription dans une liste Esod n'a – fort heureusement – pas pour but l'éradication des espèces concernées, qui jouent un rôle dans les écosystèmes. Il s'agit de les réguler, spécifiquement et de manière juridiquement encadrée, afin de limiter les perturbations et les dégâts qu'elles peuvent provoquer.

Pour établir le prochain arrêté triennal fixant les listes Esod, qui entrera en vigueur en juillet prochain, le ministère de la transition écologique procède actuellement à l'analyse des propositions départementales de classement, conformément à la procédure prévue par le code de l'environnement. Les dernières études scientifiques et décisions jurisprudentielles disponibles viennent l'éclairer. Ce travail prend en considération les caractéristiques géographiques, économiques et sociales de chaque département. Je ne peux pas vous indiquer quelles seront ses conclusions trois mois avant son terme.

S'agissant du putois, il n'est plus classé Esod dans aucun département depuis 2021.

Au début du mois de juillet, nous pourrons vous communiquer les critères géographiques, sociaux et départementaux qui seront pris en considération pour finaliser le travail, en vertu du code de l'environnement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Manon Meunier.

Mme Manon Meunier. Je demande à M. Béchu, ministre de la transition écologique, d'écouter davantage les scientifiques et les réseaux de naturalistes qui œuvrent bénévolement sur le terrain pour recenser les espèces classées comme susceptibles d'occasionner des dégâts. Cette liste n'a pas lieu d'être : toutes les espèces appartiennent à un écosystème et contribuent à l'équilibre naturel. Il n'y a pas de régulation à apporter dans un écosystème.

Les scientifiques appellent à la modération. Il convient de limiter au maximum cette liste car la sixième extinction de masse du vivant impose avant tout de protéger ces espèces qui participent à l'équilibre du vivant.

Je vous invite vivement à consulter l'avis de la Société française pour l'étude et la protection des mammifères : elle récapitule les raisons qui commandent de retirer les espèces que j'ai mentionnées de la liste Esod.