Restriction d'usage des produits phytosanitaires en zone Natura 2000
Question de :
M. Emmanuel Taché de la Pagerie
Bouches-du-Rhône (16e circonscription) - Rassemblement National
M. Emmanuel Taché de la Pagerie alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la restriction d'usage des produits phytosanitaires pour les cultures agricoles dans les zones Natura 2000, notamment en Camargue. L'arrêt du Conseil d'État du 15 novembre 2021 a enjoint au Gouvernement de prendre sous six mois les mesures réglementaires nécessaires pour encadrer ou interdire l'usage des pesticides dans les zones Natura 2000, afin de se conformer aux articles L. 253-7 du code rural et L. 414-1 du code de l'environnement. Depuis cet arrêt, une pression maximale est faite pour que les mesures soient prises dans le sens d'une interdiction totale de tout produit phytosanitaires, limitant l'usage seulement aux produits naturels. Cette distinction est très dommageable, en ce que certains produits naturels, comme le cuivre et le pyrèthre, sont très néfastes, tandis que des produits de synthèse n'ont aucun impact sur l'environnement. Cette interdiction totale porterait un coup définitif à de nombreux secteurs agricoles, dont la culture rizicole en Camargue, menaçant l'existence même de la Camargue, et serait extrêmement dommageable pour la souveraineté alimentaire de la France. Ainsi, il souhaite interroger le Gouvernement sur les garanties que celui-ci peut apporter pour assurer que les mesures réglementaires prises ne soient pas trop restrictives et ne remettent en cause la pérennité de l'agriculture dans les zones Natura 2000.
Réponse en séance, et publiée le 23 novembre 2022
USAGE DE PRODUITS PHYTOSANITAIRES EN ZONE NATURA 2000
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Taché de la Pagerie, pour exposer sa question, n° 27, relative à l'usage de produits phytosanitaires en zone Natura 2000.
M. Emmanuel Taché de la Pagerie. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, je souhaite vous alerter sur la restriction de l'usage des produits phytosanitaires pour les cultures agricoles dans les zones Natura 2000, notamment en Camargue. La décision du Conseil d'État du 15 novembre 2021 enjoint le Gouvernement à prendre sous six mois les mesures réglementaires nécessaires pour encadrer ou interdire l'usage des pesticides dans les zones Natura 2000, afin de se conformer à la directive européenne du 21 octobre 2009. Depuis cette décision, une pression maximale est exercée par des associations dites écologistes pour que ces mesures, relevant des préfets, soient prises dans le sens d'une interdiction totale de tout produit phytosanitaire.
Bien sûr, une protection stricte des zones Natura 2000, notamment en Camargue, est bienvenue, mais cette interprétation de la directive, en plus d'être erronée, risque d'être contre-productive voire dangereuse pour nos agriculteurs. La distinction entre les terres agricoles situées en zone Natura 2000 et les autres est très dommageable, car certains produits naturels, comme le cuivre et le pyrèthre, sont très néfastes, tandis que des produits de synthèse ont un impact quasiment nul sur l'environnement. Une interdiction totale porterait un coup définitif à de nombreux secteurs agricoles, dont la culture rizicole en Camargue, menaçant l'existence même de la filière indication géographique protégée (IGP).
Je souhaite donc savoir quelles sont les garanties que le Gouvernement compte apporter pour assurer que les mesures réglementaires prises par les préfets ne soient en rien restrictives et ne remettent pas en cause la pérennité de l'agriculture dans les zones Natura 2000.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Je vous remercie de votre question qui me permet de faire le point sur les zones Natura 2000, définies il y a quelques années déjà et qui se fondent – il est important de le rappeler – sur des mesures de protection de la faune et de la flore, prises essentiellement dans le cadre de contrats et de chartes sur la base du volontariat et de l'accès des agriculteurs à ces questions.
Le Conseil d'État a en effet enjoint au Gouvernement de prendre des mesures restreignant ou interdisant l'utilisation des pesticides dans les zones Natura 2000. Aussi l'exécutif va-t-il achever prochainement – c'est assez complexe, reconnaissons-le – le dispositif qu'il a décidé de déployer pour répondre à l'injonction du Conseil d'État. Je plaide pour une approche pragmatique, fondée sur la science, qui permette de conjuguer les activités agricoles et la protection de la biodiversité. Car c'est bien la conjugaison, vous l'avez dit, monsieur le député, de ces deux activités qui caractérise ces zones. Le fait même que les activités agricoles préexistaient à la définition des zones Natura 2000 prouve leur rôle de préservation de certains écosystèmes. Il est ainsi prévu que les préfets n'encadrent l'utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les sites terrestres Natura 2000 qu'en l'absence de mesures appropriées prises dans le cadre des contrats ou des chartes. Il s'agit de se référer à ceux-ci et de régler ainsi la question de l'usage et de l'encadrement des produits phytosanitaires, le préfet n'intervenant que si de tels dispositifs n'étaient pas mis en œuvre.
Le Gouvernement souhaite en effet préserver la vitalité du réseau Natura 2000 sans que ne se dégrade la relation de confiance qui s'était instaurée entre les agriculteurs et ceux qui gèrent ces sites. Il ne s'agit, ni en Camargue ni en France, d'interdire l'usage des produits phytosanitaires dans toutes les zones Natura 2000 ni de limiter l'usage d'intrants aux seuls produits naturels, mais de trouver une combinaison permettant d'aboutir à un équilibre. Voilà bien l'enjeu complexe dont nous devons tenir compte.
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Taché de la Pagerie.
M. Emmanuel Taché de la Pagerie. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse et pour le soin que vous avez mis à m'éclairer. Je suis bien sûr prêt à travailler avec tous les services de l'État pour une protection rationnelle et efficace de notre trésor commun qu'est la Camargue. Elle a été façonnée par l'homme, et nous devons empêcher qu'elle ne disparaisse. Je vois ici et là la volonté de figer stérilement ce territoire exceptionnel sous prétexte d'écologie, alors que celle que nous vivons depuis des siècles dans ce territoire est faite, entre autres, d'élevage équestre et taurin, de culture du riz et d'un pâturage non agressif des sols. Il serait résolument dommageable, voire suicidaire, d'encourager, pour des raisons idéologiques, d'autres formes d'agriculture qui ne correspondent en rien à la réalité d'un territoire unique au monde. Je sais l'importance, monsieur le ministre, que vous portez au respect du schéma qui est le nôtre, à travers notamment la mission d'information menée en Camargue par les services de votre ministère et de celui de la transition écologique, et je souhaitais vous en remercier.
Auteur : M. Emmanuel Taché de la Pagerie
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 novembre 2022