16ème législature

Question N° 283
de M. Adrien Quatennens (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > pouvoir d'achat

Titre > Inflation : des mesures sociales urgentes face à la boucle prix-profits

Question publiée au JO le : 04/04/2023
Réponse publiée au JO le : 12/04/2023 page : 3721

Texte de la question

M. Adrien Quatennens alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur l'inflation. À plus de 6 % sur un an, l'inflation a déjà atteint un nouveau record et devrait continuer à augmenter pendant plusieurs mois. Elle est tirée principalement par l'augmentation des prix de l'énergie et des produits alimentaires. Huile d'olive : +20 %. Beurre : +22 %. Riz : +25 %. Farine : +37 %. Sucre : +54 %. Depuis 2017, la hausse des prix de l'énergie atteint même 110 % pour le gaz naturel et 140 % pour le fioul. Que l'on soit riches ou pauvres, que l'on vive de son travail ou de la rente du capital, l'inflation impacte différemment les Français. L'alimentation, le logement et le transport représentent 77 % du revenu disponible des 10 % les plus pauvres et moins de 20 % de celui des 10 % les plus riches. Ainsi, pour les plus pauvres, la hausse des prix représente 13 % de leurs ressources. En moyenne, en 2022, les revalorisations des salaires, des pensions et des prestations n'ont pas compensé l'inflation. Les revenus réels du travail baisseraient en 2023 en raison de la baisse des salaires réels et de la contraction des revenus des indépendants. Plutôt que de soutenir le pouvoir d'achat, le Gouvernement organise la « modération salariale ». Il prétend que l'inflation se nourrit d'un boucle « prix-salaires » alors même qu'une analyse historique du FMI contredit cette hypothèse. En conséquence, le pouvoir d'achat par unité de consommation pourrait diminuer de 2 % entre fin 2021 et fin 2023, alors qu'il augmentait depuis le début des années 1990 de 1 % en moyenne, même malgré la crise covid (1,1 %). Hausse des prix de l'énergie, goulets d'étranglement dans l'acheminement, désorganisation des chaînes logistiques, pénuries de certaines matières premières, opportunisme de grandes entreprises... L'inflation est en réalité bel et bien nourrie par une boucle « prix-profits ». Le taux de marge a explosé dans les secteurs de l'énergie et des transports, dont la hausse des prix se répercute en cascade. Pourtant, une dose maîtrisée d'inflation pourrait avoir des effets limités sur le niveau de vie et avoir au contraire certains effets bénéfiques : l'inflation grignote la dette publique. À condition que l'effort soit supporté par les profiteurs de crise et les rentiers du capital. En misant sur la casse de la demande pour endiguer l'inflation, le Gouvernement prévoit d'en faire payer le prix à celles et ceux qui n'ont que le revenu de leur travail pour vivre. Face aux difficultés du plus grand nombre et compte tenu des enseignements récents, la stratégie du Gouvernement est vouée à l'échec. Qu'attend-il pour en changer ? Blocage des prix sur les produits de première nécessité, retour des tarifs réglementés sur le gaz et l'électricité et gel des loyers. Hausse du SMIC à 1 600 euros nets et création d'une caisse de péréquation inter-entreprises pour garantir la soutenabilité financière. Dégel et rattrapage du point d'indice des fonctionnaires. Garantie dignité et allocation d'autonomie au niveau du seuil de pauvreté. Voilà autant de mesures à prendre pour répondre à l'inflation. Il lui demande ses inetnetions à ce sujet.

Texte de la réponse

MESURES SOCIALES CONTRE LA BOUCLE « PRIX-PROFITS »


Mme la présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour exposer sa question, n°  283, relative aux mesures sociales contre la boucle « prix-profits ».

M. Adrien Quatennens. À plus de 6 % sur un an, l'inflation a déjà atteint un nouveau record et devrait continuer à augmenter pendant plusieurs mois. Elle est tirée principalement par l'augmentation des prix de l'énergie et des produits alimentaires. Huile d'olive : + 20 %. Beurre : + 22 %. Riz : + 25 %. Farine : + 37 %. Sucre : + 54 %. Depuis 2017, la hausse des prix de l'énergie atteint même 110 % pour le gaz naturel et 140 % pour le fioul.

La hausse des profits a bien été la première raison de la forte augmentation des prix de la production alimentaire au cours du second semestre 2022. L'augmentation des profits des entreprises est responsable de 60 % de l'inflation par rapport au trimestre précédent. Entre le quatrième trimestre 2021 et le quatrième trimestre 2022, les profits du secteur alimentaire ont doublé, passant de 3 à 6 milliards, tandis que la rémunération des salariés du secteur a augmenté de 3 % seulement.

Que l'on soit riche ou pauvre, que l'on vive de son travail ou de la rente du capital, l'inflation nous affecte différemment. L'alimentation, le logement et le transport représentent 77 % du revenu disponible des 10 % les plus pauvres et moins de 20 % de celui des 10 % les plus riches. Ainsi, pour les plus pauvres, la hausse des prix absorbe 13 % de leurs ressources. En moyenne, en 2022, les revalorisations des salaires, des pensions et des prestations n'ont pas compensé l'inflation. Les revenus réels du travail baisseraient en 2023 en raison de la baisse des salaires réels et de la contraction des revenus des indépendants.

Plutôt que soutenir le pouvoir d'achat, le Gouvernement organise quant à lui la « modération salariale ». Il prétend que l'inflation se nourrit d'une boucle « prix-salaires » alors même qu'une analyse historique du Fonds monétaire international – FMI – contredit cette hypothèse. En conséquence, le pouvoir d'achat par unité de consommation pourrait diminuer de 2 % entre la fin 2021 et la fin 2023, alors qu'il augmentait depuis le début des années 1990 de 1 % en moyenne, même malgré la crise du covid.

Pourtant, une dose maîtrisée d'inflation pourrait avoir des répercussions limitées sur le niveau de vie et, au contraire, produire certains effets bénéfiques : en effet, l'inflation grignote la dette publique – à condition que l'effort soit supporté par les profiteurs de crise et les rentiers du capital. Face aux difficultés du plus grand nombre et compte tenu des enseignements récents, la stratégie du Gouvernement est vouée à l'échec. Qu'attend-il pour en changer ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Je suis heureuse de vous entendre dire que le pouvoir d'achat a augmenté ces dernières années ; vous auriez même pu préciser que cette augmentation fut encore plus forte sous le précédent quinquennat. Je suis aussi heureuse de noter qu'une fois n'est pas coutume, vous faites grand cas des études du FMI. Je suppose donc que, comme le FMI et comme ce gouvernement, vous préconisez le sérieux budgétaire.

Quant à l'étude à laquelle vous faites référence, elle ne conclut pas qu'il n'existe pas de boucle « prix-salaires », mais simplement que les salaires nominaux finissent toujours par s'ajuster à l'inflation – ce sur quoi nous sommes bien d'accord. En réalité, l'enjeu est le rythme auquel se fait cet ajustement. Soit il se fait brutalement, par une indexation : dans votre idée, c'est même plus qu'une indexation, puisque vous proposez une hausse de près de 20 % du Smic couplée à un blocage des prix. Si l'on bloque le prix de la baguette, comment le boulanger assumera-t-il la hausse du Smic ? Question sempiternelle, que je me pose et que je pose souvent aux Insoumis. Vous renvoyez à un obscur – permettez-moi ce qualificatif – fonds de péréquation. J'en entends parler depuis des années, mais personne n'a jamais pu m'expliquer son fonctionnement, et il s'apparente davantage à une usine à gaz qu'à une bonne idée. Je le répète : si vous bloquez le prix de la baguette, comment le boulanger assumera-t-il l'augmentation du Smic ?

Deuxième option : cet ajustement se fait de façon graduée, en protégeant d'abord les plus modestes. Vous l'avez bien dit et nous sommes d'accord : l'inflation n'affecte pas tous les foyers de la même manière. Le Gouvernement a donc suivi votre inspiration en proposant la revalorisation, à hauteur de l'inflation, du Smic, des bourses étudiantes, du point d'indice des fonctionnaires, des aides personnelles au logement, des minima sociaux et des retraites. En un mot, nous avons bien indexé les salaires sur les prix ! Pourquoi n'avez-vous pas voté cette mesure ?

Vous regrettez que les salaires n'augmentent pas assez vite ; je le regrette aussi, mais je sais – comme vous, puisque vous distinguez entre les petites, les moyennes et les grandes entreprises – que les réalités sont différentes d'une entreprise à l'autre : toutes ne peuvent pas augmenter les salaires dans les mêmes proportions.

C'est pourquoi le Gouvernement a mis en place de nouveaux outils comme la prime de partage de la valeur (PPV). En moins de six mois, 5,5 millions de nos salariés ont gagné en moyenne 789 euros de plus. L'an dernier, plus de 4 milliards d'euros ont été ainsi distribués à plus de 5 millions de salariés, ce qui correspond à un doublement de la prime.

Vous le savez, cette prime n'est pas comprise dans le salaire réel. Je vous invite donc à vous référer plutôt au revenu réel, point de désaccord entre nous qui renvoie à un débat technique : il a été stable en 2022 après avoir connu en 2021 une forte hausse, de plus de 2 %. Parmi les facteurs d'explication, il faudra indiscutablement mettre en avant le bouclier tarifaire sur les prix de l'énergie, dispositif que vous n'avez pas non plus voté !

Avec Bruno Le Maire, nous restons vigilants, notamment s'agissant de l'inflation alimentaire contre laquelle nous avons mis en place le trimestre anti-inflation. Nous avons lancé, pas plus tard que la semaine dernière, un appel à l'ensemble des industriels de l'agroalimentaire en les engageant à réenclencher des négociations commerciales fin mai-début juin : lorsque les prix des matières premières baissent, ce qui est le cas désormais, il faut diminuer les prix.