Expérimentation et bien-être animal
Question de : M. Vincent Ledoux (Hauts-de-France - Renaissance)
M. Vincent Ledoux appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'expérimentation animale en France. 1,8 millions, c'est le nombre d'animaux sacrifiés en 2021 dont 360 000 d'entre eux s'en sont au mieux réchappés vivants mais avec des séquelles graves et au pire en ont perdu la vie. Le devoir moral, c'est de tout faire pour en réduire le nombre et au bout du bout le supprimer totalement. En attendant, on se donne bonne conscience en se disant que c'est pour la bonne cause, celle impérieuse et irréfragable de la science et qu'on ne peut pas mieux assurer la santé des humains et faire progresser la science sans sacrifice d'animaux vivants. La conscience et les opinions publiques ont heureusement évolué depuis le XIXe siècle quand Claude Bernard enseignait qu’ « il est essentiellement moral de faire sur un animal des expériences quoique douloureuses et dangereuses pour lui, dès qu'elles peuvent être utiles pour l'homme. Le physiologiste n'est pas un homme du monde, c'est un savant [ ] il n'entend plus les cris des animaux [ ] il ne voit que son idée [ ] et n'aperçoit que des organismes qui lui cachent des problèmes qu'il veut découvrir ». Aujourd'hui, on n'est heureusement plus insensibles à la souffrance en général et à celle des animaux en particulier, on entend les cris des animaux en souffrance dans les laboratoires. À l'utilitarisme des pionniers de l'expérimentation, la fameuse philosophie des 3R s'est heureusement imposée dans les communautés scientifiques : 3R pour Raffinement Réduction Remplacement. À travers une impulsion européenne, les chercheurs travaillent à mettre en place des expérimentations moins invasives, à réduire le nombre d'animaux utilisés et surtout à les remplacer pour des résultats tout aussi fiables, souffrance et mise à mort en moins. Depuis 2017, le Gouvernement et l'Assemblée nationale se sont inscrits dans une dynamique de lutte contre la maltraitante animale et pour l'amélioration du droit des animaux : c'est l'arrêt du broyage des poussins mâles, la fin programmée des animaux sauvages dans les cirques itinérants ou encore l'interdiction des spectacles de dauphins ou d'orques. Mais on peut faire plus encore et aller plus loin ! Il nous reste de grandes marges de progrès dans le droit animal comme pour la promotion des méthodes alternatives à l'utilisation des animaux à des fins scientifiques, dont les procédures sont encore trop longues et trop coûteuses. Certains pays voisins comme les Pays-Bas ont fixé des objectifs ambitieux comme celui de supprimer à terme et totalement l'expérimentation animale dans le domaine de la toxicologie. Aussi, il lui demande de bien vouloir détailler l'action du Gouvernement en France et en Europe pour accélérer l'ambition des 3R déjà complétée par un 4e R, celui de Réhabiliter, en plaçant les animaux qui peuvent l'être après les labos dans des structures d'accueil ; il vient d'ailleurs de déposer une proposition de résolution pour engager une démarche en ce sens et espère pouvoir travailler ensemble à la concrétisation de cette proposition de progrès pour le droit des animaux.
Réponse en séance, et publiée le 12 avril 2023
EXPÉRIMENTATION ET BIEN-ÊTRE ANIMAL
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Ledoux, pour exposer sa question, n° 290, relative à l'expérimentation et au bien-être animal.
M. Vincent Ledoux. Sur 1,8 million d'animaux qui ont été sacrifiés en 2021 pour l'expérimentation, seuls 360 000 ont échappé à la mort, mais souvent avec des séquelles graves. Notre devoir moral, c'est de tout faire pour réduire ce nombre, voire pour supprimer toute expérimentation animale.
En attendant, nous nous donnons bonne conscience en nous disant qu'ils sont utilisés pour la bonne cause, celle impérieuse et irréfragable de la science, et que nous ne pouvons pas assurer la santé des humains et faire progresser la science sans le sacrifice d'animaux vivants. Heureusement, la conscience et les opinions publiques ont évolué depuis le XIXe siècle, quand Claude Bernard enseignait qu'« il est essentiellement moral de faire sur un animal des expériences quoique douloureuses et dangereuses pour lui, dès qu'elles peuvent être utiles pour l'homme. Le physiologiste n'est pas un homme du monde, c'est un savant, […] il n'entend plus les cris des animaux, […] il ne voit que son idée […] et n'aperçoit que des organismes qui lui cachent des problèmes qu'il veut découvrir. » Nous ne sommes plus insensibles à la souffrance en général et à celle des animaux en particulier – nous savons entendre les cris des animaux qui souffrent dans les laboratoires. À l'utilitarisme des pionniers de l'expérimentation, c'est désormais la fameuse philosophie des 3R – remplacer, réduire, raffiner – qui, heureusement, s'impose dans nos communautés scientifiques.
Grâce à l'impulsion européenne, nos chercheurs s'emploient à mettre en œuvre des expérimentations moins invasives, à réduire le nombre d'animaux utilisés et, surtout, à les remplacer, pour des résultats tout aussi fiables, souffrance et mise à mort en moins. Depuis 2017, le Gouvernement et l'Assemblée nationale se sont inscrits dans une dynamique de lutte contre la maltraitance animale et pour l'amélioration du droit des animaux. Mais on peut faire plus encore et aller plus loin ! Il nous reste de grandes marges de progrès dans le droit animal, comme pour la promotion des méthodes alternatives à l'utilisation des animaux à des fins scientifiques, dont les procédures sont encore trop longues et trop coûteuses. Certains de nos voisins, comme les Pays-Bas, se sont fixé des objectifs ambitieux, comme celui de supprimer à terme et totalement l'expérimentation animale dans le domaine de la toxicologie.
Je vous serai reconnaissant de bien vouloir détailler l'action du Gouvernement, en France et en Europe, pour accélérer ces 3R – déjà complétés par un quatrième R, celui de « réhabiliter », dans une démarche visant à placer dans des structures d'accueil les animaux qui peuvent être sauvés après avoir fait l'objet d'expérimentations en laboratoire. Je viens d'ailleurs de déposer une proposition de résolution pour engager une démarche en ce sens, et j'espère que nous pourrons travailler ensemble à la concrétisation de cette proposition de progrès pour le droit des animaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en déplacement à l'étranger, vous prie de bien vouloir excuser son absence et m'a demandé de vous transmettre la réponse qui suit.
L’utilisation des animaux à des fins scientifiques est encadrée au niveau européen par la directive relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques dans les États membres de l’Union européenne, qui a été transposée en France en février 2013. Cette réglementation a donné lieu à de très nombreuses avancées du point de vue de l’hébergement de ces animaux, de la mise en place de structures internes chargées du suivi du bien-être animal dans chaque établissement, et de l’évaluation éthique de chaque projet, les chercheurs devant préciser les éléments permettant d’évaluer la mise en œuvre de la règle des 3R.
La Commission examine régulièrement la conformité de la transposition de la directive dans la législation nationale, et vérifie son application. Elle a ainsi publié en février 2020 un rapport pour les années 2013 à 2017. Le prochain rapport, qui sera rendu en novembre 2023, portera sur les données de 2018 à 2022.
En 2022, la France s’est dotée du FC3R, un groupement d'intérêt scientifique (GIS) ayant pour mission d'accompagner le déploiement de la démarche 3R en France. Ce GIS a déjà lancé des appels à projets en faveur du développement de méthodes de remplacement, et de la mise en place d'une plateforme d’information sur les bonnes pratiques et les formations permettant aux personnels d'améliorer continuellement leurs pratiques.
De nombreux établissements mettent déjà en œuvre un programme de réhabilitation. Les placements entrant dans le cadre de ce programme concernent essentiellement des chiens, des chats, des primates et des chevaux, remis à des associations de protection animale, elles-mêmes chargées de les placer à l’adoption ou auprès de fondations spécialisées pour les primates. La conformité de ces programmes de réhabilitation avec la réglementation est examinée par les services de l’État. En effet, le placement d’un animal n’est possible que si son état de santé, certifié par un vétérinaire, le permet, et que des mesures appropriées ont été prises pour préserver son bien-être. Je vous remercie de votre engagement sur ce sujet, monsieur le député.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Ledoux.
M. Vincent Ledoux. Je suis heureux de constater que le Gouvernement prend en charge ce sujet extrêmement important pour l'opinion publique, qui s'en préoccupe depuis de très nombreuses années. En outre, cela va dans le sens d'un progrès humaniste. Je serai heureux de travailler avec le cabinet de M. le ministre à la concrétisation de ma proposition de résolution, qui vise simplement à une accélération du processus, encore un peu long et coûteux. L'attente est forte et j'observe donc, je le répète, avec beaucoup de bonheur que le Gouvernement a pris cette question à bras-le-corps.
Auteur : M. Vincent Ledoux (Hauts-de-France - Renaissance)
Type de question : Question orale
Rubrique : Animaux
Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 avril 2023