16ème législature

Question N° 295
de M. Philippe Schreck (Rassemblement National - Var )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère attributaire > Transition écologique et cohésion des territoires

Rubrique > eau et assainissement

Titre > Gestion de la ressource en eau

Question publiée au JO le : 04/04/2023
Réponse publiée au JO le : 12/04/2023 page : 3700

Texte de la question

M. Philippe Schreck interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la gestion de la ressource en eau. La 8e circonscription du Var, comme beaucoup d'autres territoires, est particulièrement affectée par la pénurie en eau et les restrictions qui les accompagnent. L'inévitable prolongement de cette situation dans la durée est une source d'inquiétude pour les collectivités territoriales et les acteurs économiques, ainsi que pour les habitants. Dans le « Haut Var », cette situation entraîne un déficit pour les activités de tourisme, le gel des décisions d'urbanisme, la paralysie de certains secteurs économiques, des tensions sur les secteurs liées à l'agriculture, ainsi que des restrictions pour les habitants. Il est donc urgent d'appréhender de façon globale ces restrictions et d'accompagner dans la durée toutes les parties prenantes par des plans de transformation complets et efficaces dans leur mise en œuvre. Parmi les nombreux sujets liés à la pénurie en eau se pose aussi celui de la gestion, de l'entretien et de la rénovation des infrastructures, particulièrement en zone rurale. M. le député requiert l'adoption d'un plan massif et concret pour augmenter le niveau d'entretien et le taux de remplacement de l'ensemble des réseaux. Il lui demande donc de l'informer des mesures concrètes qu'il compte prendre pour accompagner les acteurs impactés par les restrictions et que celles-ci soient équitablement supportées.

Texte de la réponse

GESTION DE LA RESSOURCE EN EAU


Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Schreck, pour exposer sa question, n°  295, relative à la gestion de la ressource en eau.

M. Philippe Schreck. Ma question s'adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. La très rurale et touristique huitième circonscription du Var est l'une des plus touchées par la diminution de la ressource en eau. Plusieurs arrêtés de restriction ont déjà été pris. Depuis de nombreux mois, le niveau des nappes phréatiques est inquiétant et la situation des cours d'eau et des lacs est alarmante – en particulier celle du majestueux lac de Sainte-Croix, dont le niveau a baissé de près de douze mètres. Dans certains villages, la distribution de l'eau doit s'effectuer par citernes et des stocks de packs d'eau sont constitués. Les conséquences, concrètes, sont considérables sur la vie quotidienne, la gestion des collectivités locales, le tourisme, l'urbanisme et l'agriculture.

Si les restrictions sont la réponse dans la perspective de l'été à venir, les privations ne sont aucunement des solutions de long terme. En revanche, la lutte contre le gaspillage et la limitation des fuites représentent un enjeu considérable. On estime qu'environ 1,5 milliard de mètres cubes d'eau sont gaspillés en raison des fuites dans les réseaux d'eau potable et d'assainissement, ce qui représente un coût direct de 6 milliards d'euros par an. Le taux de renouvellement annuel des réseaux d'eau potable est en moyenne de 0,67 % : il faudrait donc plus de cent cinquante ans pour les renouveler, alors que la durée de vie d'une canalisation est en moyenne de quarante ans.

Avant l'annonce du plan Eau, les grands acteurs du secteur estimaient à 4,6 milliards le déficit d'investissement annuel sur le petit cycle de l'eau, dont 2,5 milliards pour le seul maintien en état des réseaux. Les 180 millions annuels affectés à la rénovation de ces derniers – sans que l'on sache s'ils sont ou non inclus dans les 475 millions de surplus budgétaire des agences de l'eau – sont notoirement insuffisants pour lutter contre la disparition, dans les fuites, des 1,5 milliard de mètres cubes d'eau.

Ce plan n'aidera pas les collectivités, notamment rurales, confrontées à un mur d'investissement insupportable pour leurs finances. Il est urgent de doter notre pays d'un grand fonds dédié à la rénovation des réseaux, afin d'accélérer leur remplacement. Ce fonds, alimenté notamment par les agences de l'eau, que l'on pourrait libérer de la contrainte budgétaire du plafond mordant, permettrait dans un temps acceptable de financer directement des actions ambitieuses de réhabilitation des réseaux, que les collectivités, notamment rurales, ne peuvent plus assumer.

Ma question est simple : pour répondre à cet enjeu de sobriété, envisagez-vous la mise en place d'un tel plan et selon quels délais ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. L'enjeu de la ressource en eau est l'un des marqueurs essentiels du dérèglement climatique. Les conséquences du changement climatique ont un impact significatif sur nos activités et sur nos écosystèmes aquatiques, comme l'illustre la situation préoccupante que vous connaissez dans le Var.

La résilience du territoire est une priorité du Gouvernement : elle fait l'objet de travaux de planification écologique, lancés et pilotés par la Première ministre. Le Président de la République lui-même a présenté la semaine dernière les cinquante-trois mesures d'un plan Eau issu de ces travaux. Ce plan s'intéresse aux trois enjeux majeurs identifiés pour améliorer la résilience de notre gestion de l'eau : organiser la sobriété des usages, avec l'objectif de réduire de 10 % les prélèvements totaux ; optimiser la disponibilité des ressources existantes ; préserver la qualité des eaux et des milieux aquatiques.

Le plan Eau apporte trois réponses concrètes et fortes, notamment financières, aux problèmes d'infrastructures que vous évoquez, en appui aux collectivités. Premièrement, dès 2024, nous augmenterons de 180 millions d'euros par an les aides consacrées aux agences de l'eau, pour le petit cycle de l'eau, afin de traiter les situations les plus problématiques en matière de rendement ou de sécurisation de l'alimentation en eau potable.

Deuxièmement, toujours en matière d'investissement, la banque des territoires déploie une nouvelle génération de prêts à taux bonifiés, dits Aqua prêts, pour soutenir l'investissement de long terme de toutes les collectivités concernées. Pour rappel, de 2019 à 2022, plus de 1 milliard a été engagé dans des projets de rénovation d'infrastructures d'eau et d'assainissement. Nous poursuivrons cet effort d'investissement.

Troisièmement, un fonds d'investissement pour la remobilisation et la modernisation de l'hydraulique agricole sera abondé à hauteur d'au moins 30 millions par an. Ces trois axes spécifiques constituent des fonds pour investir aux côtés des collectivités et les soutenir, en complément d'autres mesures de sobriété.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Schreck.

M. Philippe Schreck. Nous avons naturellement suivi ces annonces, dont on ne connaît pas le détail et dont on ignore si elles seront accompagnées de l'abrogation du plafond mordant. Celui-ci permet à Bercy de récupérer les excédents budgétaires des agences de l'eau, empêchant celles-ci d'affecter l'intégralité de leurs efforts à la rénovation des infrastructures.

Les contingences climatiques entraînent une accélération de l'histoire, mais les mesures annoncées ne sont pas à la hauteur. D'une part, le montant des travaux s'élève à 180 millions d'euros, dont on ignore s'ils sont inclus dans les 480 millions alloués aux agences de l'eau ; d'autre part, les fuites d'eau représentent 6,5 milliards par an. Manifestement, le compte n'y est pas ; l'exigence de sobriété ne sera pas atteinte grâce à ce seul plan.