16ème législature

Question N° 296
de M. Timothée Houssin (Rassemblement National - Eure )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > entreprises

Titre > Verrerie Holophane

Question publiée au JO le : 04/04/2023
Réponse publiée au JO le : 12/04/2023 page : 3723

Texte de la question

M. Timothée Houssin appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les difficultés auxquelles fait face la verrerie Holophane. Le lundi 31 octobre 2022, l'équipementier automobile Holophane, spécialisé dans la production de phares, en particulier pour la fabrication des antibrouillards et des optiques, fleuron de l'industrie française dans le département, a annoncé sa requête en redressement judiciaire par le tribunal de commerce d'Evreux. L'entreprise emploie aujourd'hui 238 salariés sur son site des Andelys et une centaine depuis la Chine, tous menacés de licenciement. Les difficultés économiques, la mauvaise gestion de la crise sanitaire et de la crise énergétique par l'État, sont des facteurs importants ayant conduit à la situation désastreuse dans laquelle se trouve aujourd'hui Holophane et plus largement, le tissu industriel de la France. En effet, la France bat un nouveau record du déficit commercial de 149,9 milliards sur un an. La politique économique du Gouvernement est un désastre, aggravée par une désindustrialisation massive et le saccage de la filière nucléaire française qui permettait pourtant de produire une énergie décarbonée et à moindre coût. Il lui demande donc quelle mesure il souhaite mettre en place pour soutenir cette entreprise menacée.

Texte de la réponse

VERRERIE HOLOPHANE


Mme la présidente. La parole est à M. Timothée Houssin, pour exposer sa question, n°  296, relative à la verrerie Holophane.

M. Timothée Houssin. Ma question portera sur l’avenir de la verrerie Holophane, installée aux Andelys, et sur le sort réservé à ses salariés. Le 31 octobre dernier, cette entreprise spécialisée dans la production de phares et de composants pour l'éclairage de voitures, fleuron de notre industrie française, avec plus d’un siècle d’expertise dans le pressage du verre, a été placée en redressement judiciaire. Dans la foulée, son propriétaire, un fonds d’investissement américain, a mis l'entreprise en vente afin de trouver un éventuel repreneur.

Holophane emploie 240 salariés sur son site des Andelys. Tous sont menacés de licenciement et avec eux, c'est tout un savoir-faire qui risque de disparaitre ! Il faut imputer la responsabilité de cette situation à l’ancienne direction de l'entreprise, qui n’a pas su se diversifier, alors que le marché des optiques de phares en verre s’effondrait avec l’avènement des leds, mais aussi à l’explosion du coût de l’énergie qui a fait passer les factures de cette usine de 3 à 10,5 millions d’euros, soit une hausse spectaculaire de 250 %, la seule consommation du four représentant un coût de 40 000 euros par jour.

Toutefois, l’État et votre gouvernement sont aussi directement responsables de cette faillite comme de celle de centaines d’autres entreprises, du fait de la politique énergétique désastreuse, antinucléaire, qui a été menée lors du précédent mandat et du refus de quitter le marché européen de l’énergie.

À l'heure où nous parlons, la France bat un nouveau record avec un déficit commercial qui s'établit à 150 milliards par an. Le Gouvernement crée des emplois peu productifs, sans véritable création de richesse, et laisse l'industrie exsangue. Nous assistons à la fermeture de verreries, tandis que des emplois précaires sont créés dans les entrepôts d'Amazon qui nous inonde de produits issus des industries étrangères. J'ai rencontré la semaine dernière un apiculteur et un producteur de yaourts de ma circonscription : leurs pots en verre proviennent de l'autre bout du monde !

Pour en revenir à la société Holophane, nous gardons en mémoire la déclaration de M. le ministre de l'économie et des finances qui affirmait, en février dernier, que son objectif était qu'aucun salarié ne reste sans solution d'emploi. Pourriez-vous nous préciser ce que vous envisagez afin de sauver cette verrerie, son savoir-faire centenaire et les emplois qui en dépendent ? Actuellement, deux verriers sont intéressés par une potentielle reprise de l'entreprise, qui passera inévitablement par la diversification de son activité, la modification de l'outil de production et des investissements massifs. Ces projets sont non seulement la seule solution pérenne, mais aussi une opportunité pour le territoire et pour l'industrie française. Comment comptez-vous accompagner ces industriels dans la transformation du site et l'engagement des investissements nécessaires ? Plus largement, quel projet de redynamisation industrielle envisagez-vous pour ce territoire des Andelys et de la vallée de l'Andelle, durement touché par la désindustrialisation ?

Dans le cadre du plan France 2030, un dispositif Rebond industriel, doté de 100 millions d'euros, est destiné à accompagner les territoires confrontés aux mutations de la filière automobile. La région des Andelys pourra-t-elle bénéficier de ce dispositif ou de mesures équivalentes ? Que prévoyez-vous en faveur des salariés qui perdraient leur emploi ?

Enfin, j'invite M. le ministre de l'économie et des finances, qui fut député de l'Eure, à effectuer une visite ministérielle officielle aux Andelys, sur le site d'Holophane. Ce déplacement permettrait de rassurer sur les intentions de l'État non seulement les investisseurs potentiels, mais également les 250 familles qui vivent par et pour cette verrerie, souvent tout au long d'une carrière, voire depuis des générations.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Je transmettrai votre invitation à mon ministre de tutelle Bruno Le Maire. Je vous répondrai aussi, bien sûr, sur la société Holophane, mais je ne peux laisser passer vos propos quant à notre action en matière de réindustrialisation ni vous laisser dire que les entreprises seraient « exsangues ». La critique est aisée, mais l'art est difficile. La réalité, monsieur le député, est pourtant éloquente : le nombre d'équipes de R&D – recherche et développement – a augmenté de 85 % en France depuis 2017 ; 24 % de projets industriels supplémentaires ont été lancés en 2020, soit 1 222 projets en 2021 contre 841 en Allemagne. (M. Timothée Houssin s'exclame.) Vous levez les yeux au ciel, monsieur le député, mais on n'interrompt pas une ministre – vous l'apprendrez au gré de votre mandat. En l'occurrence, ce que vous affirmez est faux : la société Holophane rencontre, certes, des difficultés, mais vous peignez un tableau qui vous arrange, bien plus noir qu'il ne l'est en réalité. La France redresse la tête depuis cinq ans en matière de réindustrialisation – je sais que cela ne fait pas les affaires du Rassemblement national, mais cela fait celles des Français et de l'économie de notre pays.

La société Holophane, qui est suivie de très près par le Gouvernement, fait face à des difficultés structurelles, vous le savez comme moi : en l'occurrence, le remplacement progressif par les constructeurs automobiles des phares en verre par leurs équivalents en plastique est à l'origine d'une rupture de marché. Nous sommes donc aux côtés de l'entreprise non seulement afin de soutenir sa trésorerie, mais aussi pour l'aider à maintenir son activité le temps de trouver une solution plus globale et, possiblement, un repreneur à même de redresser l'entreprise. Pour information, l'État a accordé fin juin 2022 un prêt de 3 millions d'euros à Holophane, qui a par ailleurs pu bénéficier des aides liées à l'énergie instaurées par le Gouvernement depuis le début de la guerre en Ukraine.

Concomitamment à ce prêt, une recherche très active d'un repreneur a été diligentée ; toutefois, à cette heure, aucun acteur n'a déposé d'offre de reprise – mais j'imagine, puisque vous les avez mentionnés, qu'il y en a d'autres à solliciter. C'est ce qui a conduit à l'ouverture d'un redressement judiciaire le 31 octobre dernier : la procédure de recherche de repreneurs dans le cadre du redressement judiciaire est en cours depuis cette date. Lors de la dernière audience du 28 février 2023, le tribunal de commerce d'Évreux a prolongé la procédure jusqu'au 28 avril. Deux dossiers de reprise sont en cours de montage ; ils doivent encore faire l'objet d'un travail complémentaire, notamment concernant les marchés qui seraient adressés par Holophane. Le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) les accompagne dans ce cadre. Le Gouvernement continuera de suivre ce dossier conjointement avec le Ciri, en vue d'aboutir à une solution de reprise viable ; quoi qu'il advienne, l'entreprise Holophane fait partie des entreprises que le Ciri et le Gouvernement suivent particulièrement de près. (M. Stéphane Vojetta applaudit.)