16ème législature

Question N° 303
de M. Maxime Laisney (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Seine-et-Marne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Enseignement supérieur et recherche
Ministère attributaire > Solidarités, autonomie et personnes handicapées

Rubrique > enseignement supérieur

Titre > Situation des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA)

Question publiée au JO le : 25/04/2023
Réponse publiée au JO le : 03/05/2023 page : 3999
Date de changement d'attribution: 02/05/2023

Texte de la question

M. Maxime Laisney attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la situation des école nationales supérieures d'architecture (ENSA). En effet, directeurs, enseignants et étudiants de nombreuses écoles dénoncent depuis de nombreuses années un personnel administratif en sous-effectif, des contrats d'enseignants précaires et à rémunérations excessivement disparates et des moyens financiers souvent insuffisants pour mener à bien les projets pédagogiques. Après la publication en décembre 2022 d'une tribune des directeurs des ENSA demandant un grand plan d'investissement et suite à l'incapacité de l'école de Rouen d'effectuer sa rentrée, un vaste mouvement s'est constitué au sein des 20 écoles d'architecture afin de dénoncer la faillite de l'État, incapable de garantir de bonnes conditions d'enseignement pour toutes et tous. Alors que l'architecture est « porteuse de promesse de sens face aux grands enjeux de notre temps » et que selon la ministre de la culture elle pourrait « changer le monde », il est absolument contradictoire de maintenir le cap de l'austérité dans son enseignement. Il est contradictoire de maintenir une forme de numerus clausus de fait qui conduit à ce que le pays soit l'un des plus faiblement dotés en architectes. Selon un rapport rendu en 2021 par l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC), celui-ci relevait une dépense publique très loin derrière celle des écoles d'ingénieurs ou des classes préparatoires aux grandes écoles. Par ailleurs, seuls 75 millions d'euros sur deux ans ont été accordés pour la rénovation des écoles, certaines étant pourtant frappées d'une grande vétusté. Cette situation est aggravée par le fait que ces difficultés s'inscrivent dans le cadre de la réforme de 2018 rapprochant le fonctionnement des ENSA de celui de l'université. Cette réforme a entraîné une charge administrative plus importante sans prévoir de redéploiement de crédits pour la mettre en œuvre. Le rapprochement du fonctionnement des universités aurait dû notamment s'accompagner de l'installation de CROUS dans ces écoles, ce qui n'est pas le cas. Les présidents des conseils d'administration des ENSA ainsi que les vice-présidents des conseils pédagogiques et scientifiques ont écrit, une nouvelle fois, une lettre le 31 mars 2023 demandant un rendez-vous avec les ministères de tutelle que sont le ministère de la culture mais également le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur afin d'évoquer la question des moyens mais également la gouvernance en évoquant notamment la faiblesse de la tutelle de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que la place de l'architecture dans la société. Une réflexion doit également être menée pour revaloriser les moyens alloués à la recherche et réformer le statut d'enseignant-chercheur. Il est à ce titre très inquiétant que les laboratoires de recherche au sein des écoles ne soient plus en capacité d'accueillir de doctorants, ce qui crée le risque d'une ouverture plus importante aux financements privés de la recherche alors que l'architecture relève de l'intérêt public. Il voudrait alors savoir de quelle manière elle souhaite assumer la responsabilité particulière liée à sa cotutelle et quels sont les moyens qu'elle entend mettre en œuvre pour participer à un investissement massif dans l'enseignement de l'architecture et pour la recherche afin de former efficacement les futurs acteurs de la transition écologique.

Texte de la réponse

ÉCOLES NATIONALES SUPÉRIEURES D'ARCHITECTURE


M. le président. La parole est à M. Maxime Laisney, pour exposer sa question, n°  303, relative aux écoles nationales supérieures d'architecture.

M. Maxime Laisney. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Comme j'ai pu le constater dans ma circonscription, sur le campus de l'université Gustave-Eiffel de Champs-sur-Marne, les directeurs, enseignants et étudiants des écoles nationales supérieures d'architecture (Ensa) sont en lutte depuis plusieurs mois. Ils dénoncent un personnel en sous-effectifs, débordé et mal rémunéré. Ils déplorent des moyens financiers insuffisants et des locaux dans un état d'insalubrité avancé, certaines écoles ne disposant que de 3 mètres carrés par étudiant.

Face à leurs exigences, madame la ministre de la culture, vous avez écrit aux étudiants le 21 avril dernier et fait une série d'annonces – largement surjouées puisqu'il s'agit soit de décisions déjà prises, soit d'annonces très insuffisantes. Avec une hausse moyenne de 113 euros de la rémunération des contractuels, on reste par exemple bien loin de l'engagement du Gouvernement – 2 000 euros pour tous.

La réforme de 2018, rapprochant le fonctionnement des Ensa de celui de l'université, a justifié la cotutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sur ces écoles. Celle-ci devait s'accompagner de la création de 150 postes. Pourtant, en cinq ans, seuls 85 ont été créés. Selon le courrier du 21 avril, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche prévoit la création immédiate de 5 postes, mais cela ne ferait que 40 postes sur les 75 promis, ces postes étant en outre déjà ouverts au concours.

Enfin, le rapprochement avec le mode de fonctionnement des universités aurait dû permettre l'installation de centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) dans ces établissements excentrés, ce qui n'est toujours pas le cas, contraignant les étudiants à d'importantes dépenses. Nos futurs architectes restent ainsi moins bien dotés que les étudiants ingénieurs ou ceux des classes préparatoires, subissant une forme de numerus clausus incompréhensible puisque selon vos propres mots, madame la ministre, nous n'en avons jamais eu autant besoin.

La présidence des conseils d'administration, ainsi que les vice-présidences des conseils pédagogiques et scientifiques, ont écrit au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche le 31 mars dernier, évoquant la faiblesse de la cotutelle. Malgré les demandes du collectif regroupant toutes les écoles, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ne les a toujours pas rencontrées. Les acteurs souhaitent participer, avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, aux états généraux de l'enseignement de l'architecture, qui se tiendront la semaine du 22 mai. La ministre va-t-elle enfin leur répondre et assumer cette cotutelle ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Je vais répondre en tant que ministre de la culture, et non au nom de ma collègue ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Mme Sylvie Retailleau. J'ai fait de l'enseignement de l'architecture une des priorités de mon action depuis mon arrivée à la tête du ministère. Cela a permis une hausse de 20 % du budget des écoles d'architecture en 2023, ce qui est inédit.

Vous avez raison de le rappeler, je suis convaincue que nous n'avons jamais eu autant besoin d'architectes. Ce sont les bâtisseurs de demain : ce sont eux qui vont penser concrètement la transition écologique de nos espaces de vie, de travail, et de nos paysages. Ce vivier de 20 000 étudiants est celui qui nous donne le plus d'espoir pour l'avenir.

Depuis la mobilisation, j'ai réuni toutes les communautés – enseignants, directeurs, étudiants. Mon équipe a reçu le collectif des Ensa en lutte et les intersyndicales du ministère. J'ai débloqué une aide immédiate de 3 millions d'euros, qui va financer la vie étudiante, et j'ai négocié vingt-cinq nouveaux postes pour 2022-2023 afin de répondre aux besoins urgents exprimés par les acteurs de terrain. En outre, j'ai annoncé l'alignement des rémunérations des enseignants-chercheurs et des doctorants sur celles de leurs homologues de l'université.

Enfin, nous nous attelons aux chantiers de long terme. J'ai demandé à la nouvelle directrice chargée de l'architecture de repenser et d'actualiser la stratégie nationale de l'architecture, qui date de 2015, en tenant compte, notamment, de la transition écologique. J'ai annoncé un nouveau palmarès Réséda – pour résidence étudiante pour la durabilité en architecture – afin de mettre en valeur les projets de fin d'études en faveur de la transition écologique.

Dans votre circonscription, j'ai visité l'école d'architecture de la ville & des territoires Paris-Est afin de constater les évolutions des conditions de vie étudiante au quotidien. Je reste donc pleinement mobilisée et je soutiendrai de nouvelles mesures dans le cadre des négociations pour le budget 2024, en espérant les obtenir.

M. le président. La parole est à M. Maxime Laisney.

M. Maxime Laisney. Vous évoquez la création de vingt-cinq postes mais, si je ne m'abuse, trente-cinq étaient nécessaires, et initialement promis. Certes, vous consacrez 3 millions d'euros à la vie étudiante, mais cela correspond à 150 000 euros par Ensa, soit une moyenne de 150 euros par étudiant, donc à peine les frais de maquette, que les étudiants en architecture se paient… Cela correspond également à peu près à la différence de frais d'inscription avec l'université.

S'agissant de l'alignement des rémunérations des étudiants doctorants en architecture avec celles des universités, il semble y avoir encore un flou, y compris sur l'alignement des heures d'enseignement exigées. Les laboratoires de recherche ont encore des difficultés à accueillir de nouveaux doctorants et nous nous inquiétons d'un financement accru par le secteur privé.

Certes, les bourses ont été revalorisées de 37 euros par étudiant et 35 000 étudiants supplémentaires vont être éligibles mais, dans le même temps, 60 000 ont été éjectés du système entre 2021 et 2023. Le compte n'y est donc pas.

Enfin, il faut repenser et renforcer la formation des architectes. C'est le sens du dernier courrier du Conseil national de l'ordre des architectes. Pour relever ces défis, il faut des moyens et il n'est pas sûr que nous les ayons…