16ème législature

Question N° 3071
de M. Thibault Bazin (Les Républicains - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > banques et établissements financiers

Titre > Taux d'usure

Question publiée au JO le : 15/11/2022 page : 5308
Réponse publiée au JO le : 27/06/2023 page : 5809
Date de renouvellement: 28/02/2023
Date de renouvellement: 20/06/2023

Texte de la question

M. Thibault Bazin attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la difficulté croissante depuis plusieurs mois que rencontrent les Français dans l'obtention d'un crédit bancaire alors qu'il constitue pour beaucoup un prérequis à l'achat d'un bien immobilier. D'une part, l'augmentation des taux directeurs de la Banque centrale européenne, induite par la lutte contre l'inflation, conduit à un renchérissement du coût de refinancement des banques et donc in fine à une augmentation du taux minimal auquel elles proposeront un crédit aux ménages. D'autre part, le taux d'usure, c'est-à-dire le taux maximal légal que peut demander un établissement financier pour un emprunt, n'évolue pas en conséquence au même rythme dans un contexte inflationniste. Il en résulte un rétrécissement continu de la « fenêtre de tir » entre les taux que peuvent proposer les banques aux emprunteurs et le plafond maximal auquel elles sont autorisées à prêter de l'argent, privant au passage des milliers de ménages de l'accès au crédit. Si M. le député est évidemment favorable au principe de protection de l'emprunteur contre des taux excessifs, il constate que le mécanisme de fixation du taux d'usure est profondément inadapté à la conjoncture économique actuelle et pénalise injustement les potentiels emprunteurs. En effet, ce dernier est calculé à partir du taux effectif pratiqué le trimestre précédent par les banques, majoré d'un tiers. Or face à une remontée rapide des taux, cette inertie fait que le taux d'usure est toujours « en retard » par rapport aux coûts d'emprunts des banques, expliquant le rétrécissement de la fenêtre évoquée. De plus, ce phénomène conduit les banques, dans une logique de rattrapage, à augmenter fortement les taux de leurs prêts dès que le taux d'usure est relevé. Ainsi, l'ouverture d'une fenêtre d'emprunt permise par l'augmentation du taux d'usure en octobre 2022 est aujourd'hui déjà en grande partie annulée du fait de l'augmentation rapide des taux pratiqués par les banques. Aussi, M. le député demande à M. le ministre de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il compte mettre en œuvre pour permettre aux Français de continuer à avoir accès au crédit immobilier. Il lui demande également s'il est favorable, dans un contexte économique marqué par un retour durable de l'inflation, à une réforme de la méthode de fixation du taux d'usure afin qu'un tel blocage n'advienne plus.

Texte de la réponse

Les modalités de calcul du taux d'usure sont définies par l'article L.314-6 du code de la consommation, qui dispose que « constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des opérations de même nature comportant des risques analogues […] ». Conformément aux articles D.314-15 et D.314-16 du code précité, les taux effectifs moyens sont calculés trimestriellement par la Banque de France « selon une moyenne arithmétique simple des taux effectifs globaux observés », via des collectes auprès des établissements prêteurs. Le taux d'usure vise à protéger les emprunteurs, notamment les plus fragiles, d'une charge de la dette excessive. La formule de calcul du taux d'usure permet de contenir les taux d'intérêt dans une fourchette réduite, qui bénéficie ainsi à la majorité des emprunteurs. Toutefois, la remontée rapide des taux, que nous connaissons depuis quelques semaines, a pu conduire le niveau actuel du taux d'usure à devenir trop contraignant et à gripper l'accès au crédit des particuliers. Le Gouvernement a donc organisé un cycle de travail avec l'ensemble des parties concernées (Banque de France, Trésor, banques, associations de consommateurs…) afin de faire un état des lieux exhaustif des impacts du taux d'usure actuel et d'examiner les mesures de correction possibles. Un nouveau mode de collecte des taux pratiqués par les banques a ainsi été mis en œuvre pour avoir la vue la plus fine et la plus récente des taux moyens. Aussi, au 1er octobre, les différents taux d'usure ont connu une hausse significative permettant d'amplifier l'accès au crédit des particuliers. Ainsi, le taux d'usure des crédits immobiliers à 20 ans augmentera de près de 0,5%, en passant de 2,57% à 3,05%. Dans ces conditions de remontée du taux d'usure, le Gouverneur de la Banque de France n'a pas souhaité proposer de déroger à la formule de calcul du taux d'usure. En effet, l'article L. 314-8 du code de la consommation ne permet au Gouverneur de la Banque de France de proposer de déroger à la formule de calcul du taux d'usure qu'en cas de circonstances exceptionnelles. Le Gouvernement restera particulièrement vigilant à l'évolution de l'accès au crédit, afin de s'assurer que le taux d'usure permette de protéger contre une charge de la dette excessive, et non de restreindre l'accès au crédit.