Question de : Mme Sylvie Ferrer
Hautes-Pyrénées (1re circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

Mme Sylvie Ferrer interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la régulation du nombre de grands cormorans. La Fédération départementale des associations agréées pour la pêche et la protection du milieu aquatique des Hautes-Pyrénées (FDAAPPMA 65) s'étonne de la non-reconduction des autorisations de tirs de régulation du cormoran sur les eaux libres françaises, pour la période 2022-2025, suite à l'arrêté du 19 septembre 2022 pris par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Les pêcheurs hauts-pyrénéens s'inquiètent de la publication d'un tel arrêté limitant la régulation du grand cormoran aux seules zones de pisciculture. En effet, ils craignent des difficultés quant à leur loisir. L'interdiction de prélèvement du grand cormoran en eaux libres engendre deux problématiques pour le département. En premier lieu, d'un point de vue touristique, les Hautes-Pyrénées représentent un des hauts lieux du tourisme pêche. Sur les 15 000 pêcheurs du département, un grand nombre proviennent des départements extérieurs. En second lieu, les risques de prédation du grand cormoran sont importants sur certaines espèces protégées de poissons dans le département : saumons, truites, anguilles et brochets. Aujourd'hui, les Hautes-Pyrénées constituent une zone de frayère du saumon atlantique très importante pour l'espèce. Un plan de restauration du saumon atlantique est en place depuis de nombreuses années sur le Gave de Pau et la Neste. L'absence de régulation du grand cormoran en eaux libres, additionnée à la sédentarisation progressive de l'espèce, à l'assèchement des cours d'eau et de l'ensemble des milieux aquatiques, peut mettre en danger certaines espèces aquatiques, notamment durant leurs cycles de reproduction. Pourtant, la décision de réduire drastiquement le nombre de prélèvements du grand cormoran aux zones de pisciculture est surprenante, d'autant plus que l'espèce n'est plus en danger, comme elle pouvait l'être auparavant. Mme la députée souhaiterait connaître l'avis de M. le ministre concernant la mise en place des quotas départementaux, dans le cadre de la régulation du grand cormoran, incluant les zones d'eaux libres aux côtés des piscicultures. Enfin, elle lui demande également s'il serait prêt à prendre un nouvel arrêté pour rehausser ces quotas et notamment ceux du département des Hautes-Pyrénées, afin de mieux réguler le nombre de grands cormorans, ce qui permettrait une meilleure préservation des ressources halieutiques et le maintien d'une activité de pêche durable dans les Hautes-Pyrénées.

Réponse publiée le 6 décembre 2022

Le grand cormoran figure sur la liste des oiseaux protégés au niveau national et bénéficie également d'une protection européenne au titre de la Directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 relative à la conservation des oiseaux sauvages. Il s'agit d'un oiseau piscivore autochtone en Europe, dont la sous-espèce autorisée à la destruction est inféodée aux eaux douces, et dont l'aire de répartition s'était progressivement réduite en raison des tirs importants dont il faisait l'objet, jusqu'à ce qu'il soit protégé dans les années 1970. Le nombre moyen de grands cormorans hivernants a certes augmenté depuis que l'espèce est protégée, mais il se trouvait lors des premiers comptages nationaux menés dans les années 1980 à des niveaux extrêmement bas. En outre, ce chiffre est relativement stable depuis 2013, oscillant autour de 100 000 individus présents. Afin de contrôler ses impacts sur la pisciculture et sur les espèces de poisson protégées, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de destruction si les conditions de la dérogation sont réunies. Il convient à la fois de ne pas nuire à l'état de conservation de l'espèce, mais également de démontrer qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que le motif est justifié (en l'occurrence jusqu'alors pour prévenir les dommages aux piscicultures et dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels). L'arrêté ministériel cadre du 26 novembre 2010 fixe ainsi les conditions et limites dans lesquelles les dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées. Il est complété par un arrêté pris tous les 3 ans, qui fixe les quotas départementaux dans les limites desquelles les dérogations peuvent être accordées. L'élaboration de l'arrêté triennal 2022/2025 est intervenue dans le contexte particulier d'annulation d'arrêtés préfectoraux relatifs aux dérogations sur les cours d'eau et plans d'eau, suite à diverses requêtes déposées ces dernières années. A ce jour, 15 arrêtés ont été annulés et 5 contentieux sont en attente de jugement. Les décisions des tribunaux administratifs font état de motivations insuffisantes des arrêtés car ils ne justifient pas de la présence dans les cours d'eau d'espèces de poissons menacées, de l'impact du grand cormoran sur les espèces protégées, ni de la mise en œuvre de solutions alternatives ; aussi les conditions de dérogation ne sont pas remplies. En conséquence, lors des travaux préparatoires à l'élaboration de l'arrêté, des réflexions ont été engagées avec l'ensemble des partenaires concernés par le grand cormoran (représentants des pisciculteurs et pêcheurs, associations de protection de la nature, experts, administration) afin de permettre la sécurisation des actes juridiques et d'éviter que les futurs arrêtés préfectoraux ne soient à nouveau annulés. Au terme de la période de consultation, il a été décidé de ne pas établir dans l'arrêté 2022/2025 de plafonds pour les cours d'eau et plans d'eau et de n'y rendre aucune dérogation possible. En effet, en l'état, les éléments disponibles ne permettent pas de justifier de l'impact du grand cormoran sur les espèces piscicoles menacées et de remplir les conditions de dérogation. L'arrêté du 19 septembre 2022 permet donc que les dérogations soient accordées pour protéger les seules piscicultures, dans 58 départements, avec un plafond annuel de 27 892 individus autorisés à la destruction soit un nombre total d'individus autorisés à la destruction correspondant à plus de 24 % de la population hivernante recensée en janvier 2021. Si des études robustes étaient produites localement et démontraient l'impact du grand cormoran sur l'état de conservation des espèces de poissons menacées, l'arrêté 2022/2025 pourra être complété, dans la période triennale, afin de mettre en place des plafonds sur les cours d'eau et plans d'eau concernés dans les départements. Des discussions sont ainsi en cours entre mes services et la FNPF afin de construire un protocole solide et de définir des sites pilotes pour le mettre en œuvre. Les travaux ont notamment identifié quatre départements dans lesquels nous engageons d'ores et déjà les travaux pour documenter les impacts sur la faune aquatique. Plus généralement, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires est pleinement engagé dans le maintien et la restauration de l'état écologique des écosystèmes aquatiques. En effet, au-delà de la prédation exercée par le grand cormoran sur les espèces piscicoles, d'autres enjeux d'importance, tels que la lutte contre les pollutions et les espèces exotiques envahissantes, sont l'objet de toute l'attention du ministère.

Données clés

Auteur : Mme Sylvie Ferrer

Type de question : Question écrite

Rubrique : Chasse et pêche

Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires

Ministère répondant : Écologie

Dates :
Question publiée le 15 novembre 2022
Réponse publiée le 6 décembre 2022

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