16ème législature

Question N° 311
de M. Philippe Gosselin (Les Républicains - Manche )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère attributaire > Transition écologique et cohésion des territoires

Rubrique > collectivités territoriales

Titre > Emprunts toxiques

Question publiée au JO le : 25/04/2023
Réponse publiée au JO le : 03/05/2023 page : 3990

Texte de la question

M. Philippe Gosselin attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les emprunts dits « toxiques » souscrits par les collectivités locales dans les années 2000. Dans la Manche, le Point fort environnement (réseau de déchetteries, le centre d'enfouissement de Saint-Fromond, une usine de méthanisation (à l'arrêt) et un centre de tri) est plombé par une dette abyssale de 85 millions d'euros, liée à de tels emprunts. En effet, la dette a doublé après la crise financière de 2008 et l'explosion de la parité euro-franc suisse. Malgré une « renégociation », malgré les efforts du syndicat lui-même, mais aussi l'aide, conséquente, de l'État, pour un total cumulé de 41 millions d'euros d'ici à 2028, date de la fin initiale des aides, la situation est telle que les collectivités adhérentes ont dû augmenter leur contribution et cela se répercute, en grande partie, sur les contribuables. Sans cette dette, le SMPFE se porterait bien. Plusieurs options sont possibles pour aider le SMPFE et les collectivités concernées. Ce peut être la prolongation de l'aide de l'État au-delà de 2028 afin de préserver les budgets nécessaires aux investissements - très difficiles aujourd'hui - pour maintenir et développer l'outil du Point fort (mesure conservatoire). Ce peut être la mise à contribution solidaire des banques - qui continuent à s'enrichir, ici, de façon scandaleuse, pour solder les emprunts toxiques. Le cadre juridique de la loi de finances pour 2014, du 29 décembre 2013, qui vise à réduire, étonnamment, la responsabilité de ces mêmes établissements bancaires, pourrait alors être utilement modifié dans ce sens. Malgré plusieurs alertes, beaucoup de questions sont encore en suspens. Il lui demande donc sous quelles formes le Gouvernement entend accompagner ces collectivités qui restent en difficulté, et le Point fort en particulier.

Texte de la réponse

EMPRUNTS TOXIQUES


M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour exposer sa question, n°  311, relative aux emprunts toxiques.

M. Philippe Gosselin. Je regrette, tout comme notre collègue Blin, l'absence du ministre Béchu. C'est dommage.

Mme Anne-Laure Blin. Incompréhensible !

M. Philippe Gosselin. Nous abordons une semaine de contrôle du Gouvernement et dès les premières minutes, le ministre concerné n'est pas là… Vous êtes naturellement le bienvenu, monsieur le ministre délégué chargé de la ville et du logement, mais tout de même ! Bref, passons.

Dans le Centre Manche, le Point fort environnement est un syndicat mixte qui traite les déchets de 120 000 habitants, cela grâce à un réseau de déchetteries, un centre d'enfouissement, une usine de méthanisation – d'ailleurs à l'arrêt pour malfaçons – et un centre de tri. Depuis des années, il souffre d'une dette abyssale de plusieurs dizaines de millions d'euros, liée à des emprunts toxiques alors bien vendus par des établissements bancaires, il faut le rappeler.

En effet, la dette a doublé après la crise financière de 2008 et l'explosion de la parité euro-franc suisse. Malgré une renégociation, malgré les efforts du syndicat lui-même – et je salue la volonté, le travail de ses élus, je reconnais l'aide importante de l'État –, la situation reste délicate. Les collectivités adhérentes ont dû augmenter leur contribution et cela s'est répercuté en grande partie sur les contribuables et sur les usagers.

Sans cette dette toxique, le syndicat mixte se porterait bien. Plusieurs options sont possibles pour l'aider ainsi que les collectivités concernées.

Ce peut être la prolongation de l'aide de l'État au-delà de 2028, afin de préserver les budgets nécessaires aux investissements, encore très difficiles à financer, et ainsi maintenir voire développer le Point fort environnement – autrement dit, une sorte de mesure conservatoire.

Ce peut être la mise à contribution solidaire des banques afin de solder les emprunts toxiques, car elles continuent de s'enrichir de façon scandaleuse. Le cadre juridique de la loi de finances pour 2014 – qui, étonnamment, vise à réduire la responsabilité de ces établissements – pourrait être utilement modifié dans ce sens.

Ce peut enfin être un cantonnement des dettes, à prévoir dans un prochain texte de loi – ne parle-t-on pas beaucoup de décentralisation ?

Malgré plusieurs alertes, malgré un travail important des élus, je le redis, des collectivités, et même d'un collectif citoyen qui s'est constitué il y a peu, de nombreuses questions restent en suspens. Je souhaite donc savoir sous quelles formes le Gouvernement entend prolonger l'accompagnement des collectivités qui demeurent en difficulté – le Point fort environnement en particulier.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement. Comme vous l'indiquez, la crise des emprunts à risque souscrits par les collectivités locales et leurs établissements publics a conduit l'État à mettre en place un fonds de soutien par la loi de finances initiale pour 2014. Celle-ci permet de prendre en charge une partie des indemnités de remboursement anticipé de leurs encours les plus risqués. Le dispositif de soutien a été abondé à la fois par l'État et par le secteur financier, par le moyen d'une contribution spécifique, à hauteur de 11,5 millions d'euros par an, et d'une contribution additionnelle à la taxe de risque systémique.

Les banques ont également été mises à contribution, puisque 66 % de la charge du financement du fonds de soutien leur incombe et qu'elles ont pris en charge, au 31 décembre 2017, 36 % du montant des indemnités de remboursement anticipé des collectivités bénéficiaires du fonds. Au 31 décembre 2019, sur les 677 collectivités et établissements publics locaux ayant déposé un dossier au titre du fonds de soutien, 580 entités ont signé une convention pour 998 prêts et pour un montant d'aide total de 2,6 milliards d'euros. Fin 2019, le montant total des aides effectivement décaissées s'élève à 810 millions d'euros et 87 % des prêts toxiques ont été remboursés de manière anticipée. C'est pourquoi il ne s'agit plus de revoir les équilibres et les conditions de ce fonds.

Néanmoins, comme vous le soulignez à travers le cas du syndicat mixte le Point fort environnement, il existe des cas ponctuels plus complexes. Ces situations relèvent désormais du droit commun de l'accompagnement par l'État, en particulier avec les dispositifs de soutien financier ou avec le travail sur les grands équilibres de ces structures. À ce titre, des points réguliers sont faits entre la préfecture et le Point fort environnement, qui s'est réorganisé et a mis en place la redevance d'enlèvement des ordures ménagères.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. J'ai déjà posé cette question à Jacqueline Gourault il y a deux ans et elle m'avait donné, à l'époque, les mêmes chiffres que ceux que vous venez de me citer, ceux de 2017 et ceux de 2019. C'est très bien, mais nous sommes en mai 2023. Je trouve étonnant que le Gouvernement n'ait pas de chiffres plus à jour. De plus, la réponse est la même. Il est vrai que l'État a agi il y a quelques années. Cependant, la question n'est pas de savoir ce qu'il a fait hier mais comment aujourd'hui, demain, il peut accompagner des collectivités telles que le Point fort environnement.

Encore une fois, les banques se sont gavées et l'État ne s'est pas montré vigilant en conseillant les collectivités comme il aurait dû le faire. Vous le savez très bien et c'est ce qui explique les dispositions que j'évoquais de la loi de finances pour 2014. Je trouve par conséquent votre réponse quelque peu indigente et, pour tout dire, décevante.

Mme Anne-Laure Blin. Il a raison !