Désertification médicale dans l'Yonne
Question de :
M. Julien Odoul
Yonne (3e circonscription) - Rassemblement National
M. Julien Odoul alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur la désertification médicale dans l'Yonne. En vingt ans, le département de l'Yonne a accusé la plus forte baisse de densité de médecins généralistes, cumulant seulement 706 médecins pour 334 156 habitants, ce qui représente seulement 0,69 médecin pour 1 000 habitants. Entre 2012 et 2022, le département de l'Yonne a perdu une quarantaine de pharmaciens et près d'une quinzaine d'officines ont dû fermer. Selon les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), l'Yonne a donc accusé un repli de 12,12 % de ses effectifs, soit le deuxième plus fort recul à l'échelle nationale, derrière le Gers. Pour les jeunes enfants, c'est encore pire, puisqu'il n'y a qu'un seul pédiatre pour toute la troisième circonscription de l'Yonne. Même situation pour les femmes, où il ne reste qu'un seul gynécologue pour 32 000 habitants. La situation est particulièrement dramatique sur tout le territoire, de Sens jusqu'à Villeneuve-sur-Yonne en passant par le nord de la Puisaye, les habitants de nombreuses communes ne peuvent plus se soigner et la situation ne tend pas à s'améliorer. À Sens, cela fait vingt ans que le service d'urgences attend de nouveaux locaux, plus de moyens et une diversité de soins, qui pourrait contribuer à l'attractivité des hôpitaux et attirer de nouveaux médecins. À Villeneuve-sur-Yonne, l'un des deux médecins que compte encore la commune partira en retraite à la fin du mois de décembre 2023, ce qui rejoint le triste constat de l'ensemble du département : dans l'Yonne, 74 % des médecins ont plus de 50 ans. Jamais les conditions de travail des médecins n'auront été aussi étouffantes et le manque d'attractivité des territoires ruraux aussi prononcé avec une désertification médicale qui dépasse l'entendement et spécifiquement dans le département de l'Yonne. Cette politique a des conséquences sans précédent sur la santé des habitants, avec notamment une hausse de la surmortalité dans le département et une espérance de vie qui est au plus bas, figurant parmi les moins élevées de France. Autre facteur inquiétant, selon une étude de l'Insee publiée en février 2023, les jeunes de moins de 20 ans seraient deux fois moins nombreux que les seniors en 2070 dans l'Yonne, ce qui suscite légitimement de l'inquiétude eu égard du manque de médecins dans le territoire, puisqu'un vieillissement de la population augmenterait logiquement les besoins de prises en charge pour les personnes âgées dépendantes. Enfin, c'est aussi dans l'Yonne que la surmortalité prématurée est la plus élevée, puisqu'à âge et sexe équivalents, les décès survenant avant 65 ans seraient 17 % plus fréquents qu'en France métropolitaine, avec des décès évitables qui sont en particulier plus nombreux. En clair, tous les voyants sont au rouge. Les personnes âgées sont en détresse et doivent parfois faire plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver un médecin, après avoir attendu plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous, au même titre que les enfants et les femmes enceintes pour se rendre au service d'urgence, quand celui-ci est fonctionnel. Face à cette situation alarmante, il souhaite qu'il mette tout en œuvre pour augmenter les capacités de formation en médecine, engager un véritable rééquilibrage territorial dans l'Yonne, doter de plus de moyens les petites urgences et, en clair, ne pas laisser mourir les habitants de la ruralité ; il lui demande quelles sont les perspectives à ce sujet.
Réponse en séance, et publiée le 3 mai 2023
DÉSERTIFICATION MÉDICALE DANS L'YONNE
M. le président. La parole est à M. Julien Odoul, pour exposer sa question, n° 321, relative à la désertification médicale dans l'Yonne.
M. Julien Odoul. Le manque de médecins est en train de tuer le département de l'Yonne : il en reste 706 pour plus de 334 000 habitants. En vingt ans, la densité de généralistes a subi une baisse de 33 % – la plus forte de l'Hexagone ! En dix ans, le département a aussi accusé la perte d'une quarantaine de pharmaciens. Il ne reste plus que treize ophtalmologistes. Dans ma circonscription du nord de l'Yonne, il n'y a qu'un gynécologue pour 32 000 habitants et plus qu'un seul pédiatre ! Dans l'ensemble du département, il manque soixante-dix-sept généralistes et des dizaines de spécialistes pour atteindre la moyenne nationale.
La situation s'aggrave sur tout le territoire, de Villeneuve-la-Guyard à Villeneuve-l'Archevêque et jusqu'en Puisaye : les habitants n'ont plus accès aux soins et beaucoup renoncent à se faire soigner. À Sens, cela fait vingt ans que le service d’urgence attend de nouveaux locaux, davantage de moyens humains et financiers et une diversification accrue des soins, qui pourrait contribuer à attirer de nouveaux médecins. À Villeneuve-sur-Yonne, l'un des deux médecins que compte encore la commune partira à la retraite en fin d'année.
L'Yonne est un véritable désert médical et les habitants ne peuvent plus attendre que le Gouvernement se décide à agir. Les conséquences sont dramatiques : hausse de la surmortalité, mortalité infantile élevée et espérance de vie au plus bas, parmi les plus faibles de France. Qu'attendez-vous ? Tous les voyants sont au rouge ! Les personnes âgées sont en détresse et doivent parfois parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver un médecin, après avoir attendu plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous ; les enfants et les femmes enceintes ne peuvent plus se faire soigner. Qu'attendez-vous pour augmenter enfin les capacités de formation en médecine ? Qu'attendez-vous pour engager enfin une politique d'incitation forte à l'installation de médecins dans l'Yonne et dans nos territoires ruraux ? Qu'attendez-vous pour doter de plus de moyens les petits services d'urgence ? Quand allez-vous enfin garantir le droit à la santé pour tous les Français ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées. Je vous prie, monsieur le député, d'excuser le ministre de la santé et de la prévention François Braun. Regrettant de ne pouvoir être présent ce matin, il m'a priée de vous fournir les éléments de réponse suivants.
L’Yonne fait effectivement face à des difficultés d’attractivité médicale. Institutions et collectivités locales se mobilisent, il faut le souligner, de manière coordonnée et dans une véritable démarche partenariale. Cette dynamique a conduit à la création il y a deux ans d’une cellule départementale d’aide à l’installation, réunissant l'agence régionale de santé (ARS), le conseil départemental, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), les ordres et les collectivités. Elle vise à apporter un accompagnement personnalisé à chaque professionnel de santé envisageant de s’installer dans l’Yonne et à lui offrir les meilleures conditions d’accueil et d’installation, ainsi qu'un soutien financier. En 2022, vingt-quatre médecins généralistes et spécialistes se sont installés, ce qui représente 5,6 % de l’effectif total. Il s'agit d'un inversement de tendance progressif et salutaire. S’agissant des chirurgiens-dentistes, leur nombre a augmenté de 2 % au cours de cette même année.
Outre le soutien à l’installation, le territoire a considérablement investi dans l'accueil des internes, avec le développement des terrains de stage et la création de plusieurs maisons des internes, comme celle de Joigny. La télémédecine est également une solution en pleine expansion, au travers notamment du maillage du territoire par plus de trente bornes de téléconsultation implantées au sein de maisons France Services, de mairies ou d’officines de pharmacie.
Parmi les initiatives des acteurs locaux couronnées de succès, il faut également souligner la constitution par le conseil départemental, avec le soutien de l'ARS, du centre de santé départemental. Celui-ci a permis de salarier des médecins généralistes pour les implanter dans des territoires particulièrement déficitaires, comme à Villeneuve-sur-Yonne en 2022 ou à Migennes début 2023.
En ce qui concerne les urgences de Sens, 31,6 millions d’euros ont été alloués, au titre du Ségur de la santé, à la construction d’un nouveau bâtiment dont la livraison est prévue début 2024. Le centre hospitalier de Joigny, au sein du même groupement hospitalier de territoire Nord-Yonne, a également bénéficié d’une enveloppe au titre du Ségur de la santé. D'un montant de 26 millions d’euros, elle contribuera à la reconstruction complète de l'hôpital sur un nouveau site ainsi qu’à la rénovation du site gériatrique, dans le but d’améliorer l’accueil et la prise en charge des personnes âgées.
Enfin, dans la lignée de notre effort national d’augmentation des capacités de formation médicale et paramédicale dans les territoires, une première année d’études de santé à Auxerre accueillera dès septembre 2023 sa première promotion d’une trentaine d’étudiants.
L'ensemble de ces initiatives et projets illustre qu'il n'est pas de fatalité dans la lutte contre la désertification médicale, et que la mobilisation des acteurs continue avec le soutien entier des pouvoirs publics. Il faudra bien sûr que ces actions se poursuivent avec force, en attendant que la suppression du numerus clausus ne se traduise par l'entrée massive d'étudiants dans les formations en médecine. Comme vous le savez, cela prendra un certain nombre d'années et, en attendant, les mesures que nous avons prises permettront d'améliorer la présence médicale dans l'Yonne ; ce ne sera peut-être pas tout à fait suffisant, mais cette action est importante, je crois, pour les habitants.
Auteur : M. Julien Odoul
Type de question : Question orale
Rubrique : Médecine
Ministère interrogé : Santé et prévention
Ministère répondant : Santé et prévention
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 avril 2023