16ème législature

Question N° 3222
de M. Thibault Bazin (Les Républicains - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, plein emploi et insertion
Ministère attributaire > Travail, plein emploi et insertion

Rubrique > travail

Titre > Arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2022

Question publiée au JO le : 15/11/2022 page : 5360
Réponse publiée au JO le : 03/01/2023 page : 123

Texte de la question

M. Thibault Bazin appelle l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur l'arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2022 par lequel elle a jugé que « la conclusion d'un avenant de complément d'heures à un contrat de travail à temps partiel (...) ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement ». Or il tient à souligner que le recours à de tels avenants est fréquent, notamment dans le commerce, la restauration, l'hôtellerie, la propreté, les services, et encadré de longue date par les conventions collectives des différentes branches concernées (limites sur le nombre et la durée des avenants chaque année par exemple). Ces avenants permettent notamment à des étudiants qui travaillent à temps partiel durant la période universitaire de transformer leurs contrats en temps plein durant leurs vacances, ou encore à des parents isolés de compléter leurs revenus lors des périodes de vacances scolaires. Plus généralement, ils constituent un moyen pour les employeurs de faire face à une saisonnalité importante sans avoir recours à des embauches externes et, loin d'être une contrainte, apparaissent pour nombre de salariés comme une occasion d'améliorer leurs revenus. Aussi, à l'heure où la protection du pouvoir d'achat des Français devrait être une des priorités de l'action publique, une telle décision menace de précariser de nombreux salariés. Elle ferait également peser une nouvelle contrainte sur les entreprises, qui peinent déjà à recruter. Enfin, cette décision pose une vraie situation en matière d'égalité de traitement, ouvrant des postes temps plein à des candidats externes aux entreprises et privant les salariés déjà présents au sein de celles-ci de la possibilité d'accéder temporairement à un temps plein. Et ce alors que, paradoxalement, plusieurs accords de branche étendus prévoient une priorité d'accès aux heures disponibles pour les salariés à temps partiel déjà présents dans l'entreprise. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement entend répondre à cette décision, par voie réglementaire ou législative, afin de rétablir la possibilité pour les entreprises de recourir à des avenants de complément d'heures atteignant temporairement la durée légale du travail pour les salariés à temps partiel.

Texte de la réponse

L'arrêt de la cour de cassation du 21 septembre 2022 par lequel elle a jugé que « la conclusion d'un avenant de complément d'heures à un contrat de travail à temps partiel (…) ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement » alors même que le recours à de tels avenants est fréquent dans de nombreux secteurs pourvoyeurs d'emplois. Il est relevé notamment que cette pratique permettrait à des étudiants qui travaillent à temps partiel durant la période universitaire de transformer leurs contrats en temps plein durant leurs vacances, ou encore à des parents isolés de compléter leurs revenus lors des périodes de vacances scolaires. Enfin, cette décision suscite une inquiétude en matière d'égalité de traitement, ouvrant des postes temps plein à des candidats externes aux entreprises et privant les salariés déjà présents au sein de celles-ci de la possibilité d'accéder temporairement à un temps plein. Il est donc demandé si le Gouvernement entend répondre à cette décision, par voie réglementaire ou législative, afin de rétablir la possibilité pour les entreprises de recourir à des avenants de complément d'heures atteignant temporairement la durée légale du travail pour les salariés à temps partiel. En effet, si l'article L. 3123-9 du code du travail prévoit que les heures complémentaires ne peuvent porter la durée du travail du salarié à temps partiel au niveau de la durée légale de travail, les heures complémentaires étant les heures accomplies au-delà de la durée du contrat à temps partiel, il ne vise pas expressément l'avenant de complément d'heures. Néanmoins, la Cour de cassation a considéré dans son arrêt du 21 septembre 2022 que la conclusion d'un avenant de complément d'heures à un contrat de travail à temps partiel, sur le fondement de l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi no 2013-504 du 14 juin 2013, ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement. La conclusion d'un contrat de travail à temps plein est pour beaucoup de salariés à temps partiel un objectif. S'agissant des parents isolés, il n'apparaît pas de manière aussi certaine qu'ils cherchent à augmenter pendant les périodes de vacances scolaires leur temps de travail. Le mode de garde et son coût constituent, durant les vacances scolaires, précisément un frein pour certains à occuper un temps complet. Ceux qui disposent d'un mode de garde adaptable peuvent en effet souhaiter améliorer leurs revenus mais de manière pérenne. C'est le sens de la réglementation qui protège ces salariés afin qu'ils ne constituent pas une variable d'ajustement pour certaines entreprises mais puissent bénéficier d'un contrat de travail à temps plein. Par ailleurs, qu'il s'agisse des étudiants ou des parents isolés, il est toujours possible, pour les périodes de forte activité prévisible comme peuvent l'être de par leur régularité, les vacances scolaires, de conclure, si un accord collectif le prévoit, un contrat de travail à temps partiel aménagé sur tout ou partie de l'année. Celui-ci présentant l'avantage, d'assurer au salarié une rémunération lissée sur l'année, et donc d'atteindre l'objectif d'améliorer le revenu des salariés précaires de manière prévisible, et de permettre à l'employeur la faculté d'adapter la durée de travail en fonction des fluctuations de son activité. L'arrêt de la Cour de cassation n'interdit pas à l'employeur de proposer un contrat de travail à temps plein à ses salariés à temps partiel. Comme vous le savez, ces salariés restent prioritaires pour l'attribution d'un emploi à temps complet ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent, conformément aux dispositions de l'article L. 3123-3 du code du travail. La cour de cassation pose pour la première fois le principe que l'avenant de complément d'heures ne peut, en tout état de cause, à peine de requalification, permettre d'atteindre la durée légale du travail (ou conventionnelle si elle est inférieure). Elle évite ainsi les abus dont peuvent être victimes les salariés les plus précaires qui, sans bénéficier d'un temps complet, se retrouvent dépendants des besoins de l'entreprise sans obtenir une rémunération équitable tout au long de l'année. Enfin, l'augmentation de la durée du travail, peut sans atteindre la durée légale du travail, s'en approcher suffisamment pour satisfaire à la fois les besoins temporaires de l'entreprise et ceux du salarié à temps partiel. En tout état de cause, le Gouvernement n'a pas l'intention d'opérer une modification législative afin de permettre la conclusion d'avenants portant la durée du travail de manière temporaire au niveau de la durée légale ou si elle lui est inférieure au niveau de la durée conventionnelle, qui pourrait être abusive pour les salariés à temps partiel pour certains déjà en situation de précarité.