16ème législature

Question N° 330
de Mme Marie Pochon (Écologiste - NUPES - Drôme )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Agriculture et souveraineté alimentaire

Rubrique > élevage

Titre > Préservation du pastoralisme

Question publiée au JO le : 16/05/2023
Réponse publiée au JO le : 24/05/2023

Texte de la question

Mme Marie Pochon interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le pastoralisme. « J'y gagne à ce que mes agnelles se fassent bouffer par le loup. Je remporte 200 euros par agnelle attaquée. Elles ne valent pas 200 euros. Mais ce sont mes agnelles ». C'est la parole d'un éleveur drômois, qui, lors du week-end de Pâques, s'est fait attaquer par deux fois, malgré 5 chiens, un parc électrifié, à 20 mètres des habitations, à Beaumont-les-Valence, dans la plaine drômoise. 167, c'est le nombre d'attaques attribuées aux loups entre le 1er janvier et le 31 août 2022 par la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes, soit une augmentation de 74 % par rapport à la même période en 2021. Derrière ces attaques, ce sont des hommes, des femmes, des familles, des éleveurs en détresse qui du jour au lendemain perdent tout, à savoir 746 animaux qui ont été tués en 2022 rien que dans le département de la Drôme. Il faut entendre cette souffrance et arrêter de la balayer d'un revers de la main. L'indemnisation des bêtes perdues ne suffit pas à consoler les éleveurs. Le pastoralisme est une activité fondamentale dans les territoires de montagne. Une activité économique bien sûr, mais pas seulement. C'est une activité patrimoniale, un lien séculaire de l'homme avec la nature. C'est une activité qui contribue à une forme d'aménagement naturel des montagnes et à la préservation de leur biodiversité, sans compter la prévention des incendies. C'est enfin une forme d'élevage extensif, de pâturage, dépendant de fourrages et d'herbe, qu'il est nécessaire de soutenir, loin des fermes usines et de l'élevage intensif. On se doit d'entendre et surtout d'écouter la souffrance et le désespoir de ces personnes. Le loup, quant à lui, espèce protégée par la convention de Berne, favorise la régénération des écosystèmes, en particulier forestier, et en attaquant prioritairement les animaux blessés ou malades, empêche le transfert des maladies, tout comme la prolifération incontrôlée d'autres espèces. Lui aussi, est chez lui dans les montagnes. Les tensions montent dans le département de Mme la députée. Et pour tout le monde, « ça va mal finir ». Beaucoup en restent à des solutions simplistes, populistes et créatrices d'un clivage artificiel entre défenseurs de la nature et défenseurs du pastoralisme. D'autres travaillent, souvent isolés, sur des solutions complémentaires. Ne pas laisser les éleveurs seuls, cela veut dire investir dans la recherche sur l'éthologie du loup, cela veut dire œuvrer pour des expérimentations en matière de tirs non létaux, de formation et d'emploi des bergers. Cela veut dire investir dans l'Office français de la biodiversité et renforcer les brigades de louvetiers. Cela veut dire, aussi, investir dans l'installation et la formation des éleveurs et des bergers. Cela veut dire, enfin, définir un statut pour le chien de protection, dont l'entière responsabilité repose encore sur des éleveurs bien trop seuls. Les défis sont immenses : concurrence déloyale de la mondialisation, raréfaction et renchérissement des prix du foncier, calculs de subventions PAC défavorables aux petites exploitations, multiplication des sécheresses - la prédation qui sévit dans la Drôme s'ancre dans un contexte déjà intenable pour le pastoralisme. Faire face à ces grands défis nécessite, enfin, une transparence, trop souvent absente : alors qu'un nouveau Plan loup sera bientôt annoncé, quand parlementaires, éleveurs et acteurs du pastoralisme pourront avoir accès au bilan du premier Plan loup ? Elle lui demande s'il va mener une politique qui permette le retour du dialogue et la préservation du modèle pastoral français, pilier des montagnes.

Texte de la réponse

PASTORALISME


Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Pochon, pour exposer sa question, n°  330, relative au pastoralisme.

Mme Marie Pochon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et concerne le pastoralisme.

« J'y gagne à ce que mes agnelles se fassent bouffer par le loup. Je remporte 200 euros par agnelle attaquée. Elles ne valent pas 200 euros. Mais ce sont mes agnelles ». C'est la parole d'un éleveur qui, lors du week-end de Pâques, a vu son troupeau attaqué par deux fois, malgré cinq chiens, un parc électrifié, à vingt mètres des habitations, à Beaumont-lès-Valence dans la plaine drômoise.

Entre le 1er janvier et le 31 août 2022, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) d'Auvergne-Rhône-Alpes a recensé 167 attaques attribuées aux loups, soit une augmentation de 74 % par rapport à la même période en 2021. Derrière ces attaques, ce sont des hommes, des femmes, des familles, des éleveurs en détresse qui, du jour au lendemain, perdent tout. Ainsi, 746 animaux ont été tués en 2022 dans le seul département de la Drôme.

Il faut entendre la souffrance des éleveurs et arrêter de la balayer d'un revers de la main. L'indemnisation des bêtes perdues ne suffit pas à les consoler. Le pastoralisme est une activité fondamentale dans les territoires de montagne. Il s'agit d'une activité économique, certes, mais pas seulement : c'est une activité patrimoniale, un lien séculaire de l'homme avec la nature, qui contribue à une forme d'aménagement naturel des montagnes et à la préservation de leur biodiversité, sans compter la prévention des incendies ; c'est également une forme d'élevage extensif, de pâturage, dépendant de fourrages et d'herbe, qu'il est nécessaire de soutenir, loin des fermes usines et de l'élevage intensif. Nous nous devons d'entendre et d'écouter la souffrance et le désespoir des personnes concernées.

Le loup, quant à lui, espèce protégée par la Convention de Berne, favorise la régénération des écosystèmes, en particulier forestiers, et, en attaquant prioritairement les animaux blessés ou malades, empêche le transfert des maladies, tout comme la prolifération incontrôlée d'autres espèces. Il est également chez lui dans les montagnes et son statut d'espèce protégée doit être défendu. Les tensions montent dans mon département, comme ailleurs : pour tout le monde, « cela va mal finir ».

Beaucoup en restent à des solutions simplistes, populistes et créatrices d'un clivage artificiel entre défenseurs de la nature et défenseurs du pastoralisme. D'autres travaillent, de manière souvent isolée, à des solutions complémentaires et à des expérimentations. Ne pas laisser les éleveurs seuls, cela signifie investir dans la recherche sur l'éthologie du loup, œuvrer en faveur d'expérimentations en matière de tirs non létaux, de formation ou d'emploi des bergers. Cela signifie investir dans l'Office français de la biodiversité (OFB) et renforcer les brigades de louvetiers ; investir également dans l'installation et la formation des éleveurs et des bergers. Cela implique, enfin, de définir un statut pour le chien de protection, dont l'entière responsabilité repose encore sur des éleveurs bien trop seuls.

Les défis sont immenses : concurrence déloyale en raison de la mondialisation, raréfaction et renchérissement des prix du foncier, calculs des subventions octroyées dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) défavorables aux petites exploitations, ou encore multiplication des sécheresses. La prédation qui sévit dans la Drôme s'ancre dans un contexte déjà intenable pour le pastoralisme. Faire face à ces grands défis nécessite, enfin, une transparence, trop souvent absente : alors qu'un nouveau plan Loup sera bientôt annoncé, pouvez-vous nous indiquer quand les parlementaires, les éleveurs et les acteurs du pastoralisme auront accès au bilan du premier plan en la matière ? Le Gouvernement engagera-t-il une politique favorisant le retour du dialogue et la préservation du modèle pastoral français, pilier de nos montagnes ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Marc Fesneau.

Je n'ai pas la prétention d'être une spécialiste ni du pastoralisme ni du loup. Néanmoins, je tiens à vous dire que le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et le Gouvernement partagent au moins un élément de votre intervention : l'impact de l'attaque d'un loup sur un élevage, ce n'est pas seulement une question d'indemnisation mais, avant tout, vous l'avez rappelé, une grande souffrance pour l'éleveur. C'est pourquoi le ministre est allé plusieurs fois à la rencontre des éleveurs sur le terrain, notamment dans les Alpes-de-Haute-Provence ou dans le Doubs.

Le plan national pour le pastoralisme et le loup doit répondre à cet objectif : éviter, par des mesures de prévention telles que l'effarouchement et les prélèvements, les dégâts du loup sur les troupeaux. Il s'agit également d'indemniser correctement les exploitants, y compris s'agissant des conséquences de l'attaque en matière de dérochement ou de productivité du troupeau.

Le Gouvernement est pleinement investi pour trouver des voies pratiques permettant d'aboutir à une coexistence la plus pacifique possible, sans dogmatisme ni oppositions, sans fausses promesses non plus. Par une réforme ambitieuse de la PAC, il a également conforté l'élevage en zone de montagne non seulement grâce au maintien d'une indemnité compensatoire de handicap naturel, mais également grâce à une forte convergence des paiements directs. La concertation relative au prochain plan Loup, que vous avez évoqué, s'inscrit dans une logique de retour d'expérience entre les acteurs concernés, sous l'égide du préfet coordonnateur du plan national d'action sur le loup : c'est la bonne méthode pour avancer concrètement, de la manière la plus efficace possible.