Rubrique > élevage
Titre > Préservation du pastoralisme
Mme Marie Pochon interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le pastoralisme. « J'y gagne à ce que mes agnelles se fassent bouffer par le loup. Je remporte 200 euros par agnelle attaquée. Elles ne valent pas 200 euros. Mais ce sont mes agnelles ». C'est la parole d'un éleveur drômois, qui, lors du week-end de Pâques, s'est fait attaquer par deux fois, malgré 5 chiens, un parc électrifié, à 20 mètres des habitations, à Beaumont-les-Valence, dans la plaine drômoise. 167, c'est le nombre d'attaques attribuées aux loups entre le 1er janvier et le 31 août 2022 par la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes, soit une augmentation de 74 % par rapport à la même période en 2021. Derrière ces attaques, ce sont des hommes, des femmes, des familles, des éleveurs en détresse qui du jour au lendemain perdent tout, à savoir 746 animaux qui ont été tués en 2022 rien que dans le département de la Drôme. Il faut entendre cette souffrance et arrêter de la balayer d'un revers de la main. L'indemnisation des bêtes perdues ne suffit pas à consoler les éleveurs. Le pastoralisme est une activité fondamentale dans les territoires de montagne. Une activité économique bien sûr, mais pas seulement. C'est une activité patrimoniale, un lien séculaire de l'homme avec la nature. C'est une activité qui contribue à une forme d'aménagement naturel des montagnes et à la préservation de leur biodiversité, sans compter la prévention des incendies. C'est enfin une forme d'élevage extensif, de pâturage, dépendant de fourrages et d'herbe, qu'il est nécessaire de soutenir, loin des fermes usines et de l'élevage intensif. On se doit d'entendre et surtout d'écouter la souffrance et le désespoir de ces personnes. Le loup, quant à lui, espèce protégée par la convention de Berne, favorise la régénération des écosystèmes, en particulier forestier, et en attaquant prioritairement les animaux blessés ou malades, empêche le transfert des maladies, tout comme la prolifération incontrôlée d'autres espèces. Lui aussi, est chez lui dans les montagnes. Les tensions montent dans le département de Mme la députée. Et pour tout le monde, « ça va mal finir ». Beaucoup en restent à des solutions simplistes, populistes et créatrices d'un clivage artificiel entre défenseurs de la nature et défenseurs du pastoralisme. D'autres travaillent, souvent isolés, sur des solutions complémentaires. Ne pas laisser les éleveurs seuls, cela veut dire investir dans la recherche sur l'éthologie du loup, cela veut dire œuvrer pour des expérimentations en matière de tirs non létaux, de formation et d'emploi des bergers. Cela veut dire investir dans l'Office français de la biodiversité et renforcer les brigades de louvetiers. Cela veut dire, aussi, investir dans l'installation et la formation des éleveurs et des bergers. Cela veut dire, enfin, définir un statut pour le chien de protection, dont l'entière responsabilité repose encore sur des éleveurs bien trop seuls. Les défis sont immenses : concurrence déloyale de la mondialisation, raréfaction et renchérissement des prix du foncier, calculs de subventions PAC défavorables aux petites exploitations, multiplication des sécheresses - la prédation qui sévit dans la Drôme s'ancre dans un contexte déjà intenable pour le pastoralisme. Faire face à ces grands défis nécessite, enfin, une transparence, trop souvent absente : alors qu'un nouveau Plan loup sera bientôt annoncé, quand parlementaires, éleveurs et acteurs du pastoralisme pourront avoir accès au bilan du premier Plan loup ? Elle lui demande s'il va mener une politique qui permette le retour du dialogue et la préservation du modèle pastoral français, pilier des montagnes.