16ème législature

Question N° 332
de M. Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine - NUPES - Seine-Saint-Denis )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > cérémonies publiques et fêtes légales

Titre > Hommage aux victimes de l'esclavage colonial

Question publiée au JO le : 16/05/2023
Réponse publiée au JO le : 24/05/2023

Texte de la question

M. Stéphane Peu interroge Mme la ministre de la culture sur l'édification du mémorial national en hommage aux victimes de l'esclavage colonial en ce jour du 23 mai 2023, journée consacrée à la mémoire de ces dernières.

Texte de la réponse

MÉMORIAL EN HOMMAGE AUX VICTIMES DE L'ESCLAVAGE


Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Peu, pour exposer sa question, n°  332, relative au mémorial national en hommage aux victimes de l'esclavage colonial.

M. Stéphane Peu. Nous sommes le 23 mai, journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage, aux 4 millions de personnes qui, dans les colonies françaises, pendant plus de deux siècles, ont subi la traite négrière. Ce même 23 mai, en 1998, plus de 40 000 personnes ont défilé dans les rues de Paris pour honorer la mémoire des victimes de l'esclavage, immense mobilisation populaire qui contribua dans une large mesure à l'adoption de la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, dite loi Taubira.

Avant de participer aux cérémonies d'hommage, je profite de l'occasion offerte par cette séance de questions orales pour rappeler dans cet hémicycle l'engagement qu'a pris le Président de la République, le 27 avril 2018, de faire procéder à l'érection d'un mémorial national en hommage aux victimes de l'esclavage colonial, implanté dans le jardin des Tuileries et portant le nom des 200 000 esclaves affranchis. Ce projet fut accueilli avec ferveur par les familles de descendants, les 120 associations mémorielles et les 10 000 signataires de la pétition dénonçant l'esclavage comme crime contre l'humanité. Toutefois, cinq années ont passé et ce monument n'existe toujours pas.

Soutien indéfectible du combat mené par les descendants d'esclaves, la ville de Saint-Denis, située dans ma circonscription, est la première à avoir accueilli un mémorial aux victimes de l'esclavage, œuvre réalisée par l'artiste dionysien Nicolas Cesbron, inaugurée il y a dix ans, jour pour jour, le 23 mai 2013. Depuis, chaque année, c'est devant cette stèle que nous rendons hommage aux victimes.

Préoccupé par les délais de mise en œuvre de l'engagement présidentiel, j'ai déposé régulièrement ces dernières années des questions écrites à ce sujet. Pour la dernière, rédigée en octobre 2022 à votre intention, monsieur le ministre délégué chargé des outre-mer, j'ai reçu une réponse de la part de Mme la ministre de la culture qui m'a laissé pantois. Mme Abdul-Malak justifie ce retard en avançant plusieurs raisons. La parcelle prévue pour l'implantation aux Tuileries serait trop petite, alors même que le choix de cet emplacement avait reçu l'aval de l'architecte du Louvre. Elle souligne aussi que les projets présentés par les artistes dans le cadre de l'appel à candidatures lancé en 2020 par le ministère de la culture n'ont pas été validés par les personnalités concernées et les associations. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? La condition sine qua non de faire figurer les noms des 200 000 esclaves affranchis par le décret d'abolition n'a pas été respectée ! En avril dernier, j'ai donc adressé au Président de la République une lettre pour exprimer mon inquiétude.

Cela fait maintenant six ans que les familles et les associations attendent de pouvoir se recueillir devant ce monument. Pouvez-vous me rassurer sur les intentions de votre ministère et me faire part du calendrier fixé pour que ce mémorial soit enfin érigé à l'emplacement convenu avec les familles ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer. Merci beaucoup pour votre question, monsieur Peu, qui me permet d'apporter publiquement des clarifications sur ce projet, lancé par le Président de la République en 2018, comme vous l'avez rappelé. En 2020, une première procédure d'appel à projet pour le jardin des Tuileries n'a malheureusement pas pu aboutir. Le ministère de la culture souhaitait une œuvre symbolique et esthétique ; les associations, notamment Serge Romana avec lequel je travaille étroitement, voulaient un monument en prise avec la réalité, portant le nom des esclaves affranchis.

Le projet n'a néanmoins pas été abandonné, il a simplement changé de porteur. Le Président de la République a décidé que ce serait le ministère des outre-mer qui aurait désormais la responsabilité de ce dossier. Je l'assume avec plaisir, en pensant à tous mes amis ultramarins.

Plusieurs questions se posent, à commencer par celle du lieu. Avec la maire de Paris, nous cherchons une implantation autre que celle prévue dans les jardins des Tuileries, une implantation qui soit symbolique de la République, des luttes contre l'esclavage et des formes de résistance en général. Les échanges se poursuivent. Il nous faut obtenir l'accord des architectes des bâtiments de France après avoir recueilli celui du préfet. Je veux éviter à tout prix les recours qui pourraient être formés contre ce monument, au motif qu'il défigurerait Paris. D'où mes discussions franches et longues avec Anne Hidalgo, son directeur de cabinet et son adjoint chargé des outre-mer, Jacques Martial.

Le comité de pilotage que j'ai décidé de créer devrait se réunir dès le mois de juin afin de choisir un lieu à Paris. Il doit à la fois être symboliquement fort, comme je l'ai dit – il importe qu'il se situe à proximité des lieux ayant un lien avec la Révolution française et l'abolition de l'esclavage –, et être en mesure d'accueillir un monument architectural où seront inscrits des dizaines de milliers de noms – un débat porte sur leur nombre exact : 80 000 ou 200 000. Les choses progressent.

Une fois l'implantation fixée, un appel à projet sera lancé, probablement à la fin du mois de juin. À l'automne, le comité de pilotage devrait pouvoir sélectionner les trois candidatures les plus prometteuses. Si tout se déroule comme prévu, j'ai pour ambition d'annoncer, aux côtés de la Première ministre, de la maire de Paris et de Serge Romana, le nom du lauréat au printemps 2024, notre objectif étant d'inaugurer le mémorial le 23 mai 2025.

J'ajoute que nous avons aussi pour projet d'ériger un mémorial à Matouba en Guadeloupe, à l'endroit même où Louis Delgrès et ses hommes se sont suicidés en faisant sauter leur refuge.

Je vous remercie pour votre soutien, monsieur le député.