Qualités des dons d'aide alimentaires par les GMS
Question de :
Mme Christelle D'Intorni
Alpes-Maritimes (5e circonscription) - Les Républicains
Mme Christelle D'Intorni appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie, sur la problématique de la qualité des dons réalisés par certaines GMS (Grandes et moyennes surfaces), rencontrée par la plupart des associations d'aide alimentaire en France. En effet, la loi dite « Garot » de 2016 oblige les magasins alimentaires de plus de 400 m2 à proposer une convention de don à des associations d'aide alimentaire afin qu'elles reprennent les invendus encore consommables lors de leurs ramasses. Aujourd'hui l'article D. 541-310 du code de l'environnement prévoit que les denrées alimentaires soumises à une date limite de consommation (DLC) peuvent faire l'objet d'un don seulement lorsque le délai restant jusqu'à son expiration est, au jour de prise en charge du don par l'association d'aide alimentaire égal ou supérieur à 48 heures. Il prévoit toutefois que : « Ce délai peut être inférieur si l'association est en mesure de justifier qu'elle est apte à redistribuer les denrées concernées avant l'expiration de la date limite de consommation ». Ainsi, en application de cette disposition, les conventions signées avec les GMS engagent ces dernières à mettre à la disposition desdites associations des denrées dont « le délai restant jusqu'à l'expiration de la date limite de consommation (DLC) est supérieure ou égale à 48h au jour de la prise en charge ». Dans les faits, ce délai est assez contraignant et restrictif car ces commerces vont donner les produits « à J » à une association qui va, par la suite, le distribuer à son bénéficiaire. Une grande partie de ces dons n'est donc tout simplement plus comestible le temps d'en assurer la distribution. Néanmoins, il est aisé de comprendre qu'il est difficile pour une association d'aide alimentaire de refuser tout ou partie d'une ramasse au risque de ne plus pouvoir en réaliser avec cette enseigne et ce alors même qu'en France, près de sept millions de personnes ne mangent pas à leur faim et près de dix millions de français vivent sous le seuil de pauvreté. Par ailleurs, Mme la députée s'interroge sur le respect de ces prescriptions par les acteurs de la distribution et sur les contrôles menés par l'État pour s'assurer de la conformité des dons. Ainsi, afin de faciliter la lutte contre le gaspillage et contre la précarité alimentaire elle lui demande si elle entend renforcer les contrôles sur la conformité des dons alimentaires aux prescriptions de l'article D. 541-310 du code de l'environnement et si un relèvement du seuil de DLC minimale à partir de laquelle le don est possible de 48h à 72h est envisagé.
Réponse publiée le 21 mars 2023
La loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire a introduit, en plus de l'interdiction pour les distributeurs de rendre impropre à la consommation des denrées encore consommables, l'obligation pour les distributeurs de plus de 400 m2 de proposer une convention de don à une association d'aide alimentaire habilitée. Ces deux dispositions ont été étendues à la restauration collective (préparant plus de 3 000 repas par jour) et aux industries agroalimentaires (ayant un chiffre d'affaires supérieur à 50 M€) par l'ordonnance n° 2019-1069 du 21 octobre 2019 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, prise en application de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM), et aux opérateurs de commerce de gros (ayant un chiffre d'affaires supérieur à 50 M€) par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Le rapport d'information n° 2025 présenté par Mme Graziella Melchior et M. Guillaume Garot en application de l'article 145-7 du règlement de la commission des affaires économiques sur l'évaluation de la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (2019) fait état d'une augmentation du volume des dons consécutive à l'entrée en vigueur de la loi Garot, puis d'un ralentissement dû à la mise en place de stratégies efficaces de prévention du gaspillage alimentaire par les distributeurs. Ainsi, selon la fédération française des banques alimentaires, le volume des dons alimentaires des grandes surfaces aux associations de solidarité a augmenté de 23 % entre 2015 et 2018. Les Restos du Cœur ont enregistré une augmentation du volume de dons de 24 % entre 2016 et 2018. Ces chiffres montrent une tendance à l'augmentation du volume des dons depuis 2016, même si ces acteurs soulignent que la dynamique était amorcée, la loi l'a accompagnée. Pour le secteur de la distribution, le rapport met en avant les données RSE (responsabilité sociétale des entreprises) du groupe Carrefour notamment avec une augmentation des volumes de dons entre 2014 (88 millions de repas en 2014) et 2017 (107 millions de repas) puis une diminution à partir de 2018 (76 millions de repas en 2018). Le rapport d'information sur l'évaluation de cette loi des députés Graziella Melchior et Guillaume Garot souligne également la problématique de la qualité du don et notamment la distribution de produits difficiles à redistribuer car disposant d'une durée de vie résiduelle courte. Cela est également souligné par le rapport d'évaluation de cette même loi. Le rapport d'information parlementaire a présenté un certain nombre de recommandations pour remédier à cette problématique : en particulier, accentuer les opérations de contrôle des infractions relatives à la lutte contre le gaspillage alimentaire et augmenter les sanctions liées à ces infractions. La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (dite loi AGEC) a permis de concrétiser cette dernière recommandation en augmentant la sanction liée à la destruction de denrées encore consommables à une amende pouvant atteindre 0,1 % du chiffre d'affaires, et la sanction liée au fait de ne pas proposer une convention de don à une contravention de 5ème classe. Les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont réalisé une enquête nationale en 2021 ayant pour objet de vérifier le respect de ces dispositions. Les résultats de cette enquête sont en cours de traitement. Ils devraient être publiés sous forme d'un bilan de tâche nationale (BTN). En outre, un travail est en cours entre les directions ministérielles chargées des contrôles pour réaliser un état des lieux des habilitations des différents corps de contrôle, décrire le mode d'organisation approprié pour réaliser ces contrôles et mettre en place un dispositif permettant de mieux coordonner les actions de contrôle. Dans l'objectif d'améliorer la qualité du don, le décret n° 2019-302 du 11 avril 2019 relatif aux conditions dans lesquelles les commerces de détail s'assurent de la qualité du don lors de la cession à une association habilitée en application de l'article L. 266-2 du code de l'action sociale et des familles, pris en application de la loi dite EGALIM, a introduit l'obligation de mettre en place un plan de gestion de la qualité du don, comprenant un plan de sensibilisation de l'ensemble du personnel, un plan de formation du personnel chargé du don et les conditions d'organisation du don. Cette disposition est entrée en vigueur au 1er janvier 2020. La loi AGEC a élargi le périmètre de ce plan de gestion de la qualité du don en introduisant des procédures de suivi et de contrôle de la qualité du don. En plus du cadre législatif et réglementaire, via le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, le groupe de travail sur le don alimentaire réunissant l'administration, les associations d'aide alimentaire, les représentants des professionnels du secteur de la distribution et les sous-traitants du don, est un espace d'échange permettant aux acteurs d'évoquer ces problématiques et de mettre en place des actions correctives adaptées. Les membres de ce groupe de travail n'ont pas souhaité revoir le seuil de date limite de consommation (DLC) minimale à partir de laquelle le don est possible. L'effet de ces mesures sera en partie évalué dans le cadre de l'étude que l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) conduit actuellement pour comprendre les causes du gaspillage alimentaire au sein même des associations d'aide alimentaire, le mesurer et tester des actions de réduction s'il ne peut être éviter. Cette étude sera valorisée en septembre 2023 et permettra d'enrichir les travaux entrepris dans le cadre du comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire installé en septembre 2020 par le ministre des solidarités et de la santé, avec les ministres chargés respectivement de l'alimentation et du logement. Ce comité prévoit en effet, dans le cadre du plan d'action pour la transformation de l'aide alimentaire et la lutte contre la précarité alimentaire, de définir les conditions et les mesures visant à garantir la qualité des produits rejoignant une « filière de dons alimentaires ». Enfin, le label national anti-gaspillage alimentaire, prévu à l'article 33 de la loi n° 2020-105 du 20 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à une économie circulaire (présenté le 2 mars au salon international de l'agriculture), permettra de valoriser les distributeurs les plus vertueux.
Auteur : Mme Christelle D'Intorni
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pauvreté
Ministère interrogé : Écologie
Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 22 novembre 2022
Réponse publiée le 21 mars 2023