16ème législature

Question N° 338
de M. Adrien Quatennens (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail, plein emploi et insertion
Ministère attributaire > Travail, plein emploi et insertion

Rubrique > politique sociale

Titre > Le gouvernement stigmatise les bénéficiaires du RSA pour masquer ses échecs

Question publiée au JO le : 16/05/2023
Réponse publiée au JO le : 24/05/2023

Texte de la question

M. Adrien Quatennens interroge M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur les motivations réelles du conditionnement du versement du RSA. Lors de son allocution télévisée du 17 avril 2023, le Président de la République annonçait le durcissement des conditions de versement du RSA, le soumettant à la réalisation de 15 à 20 heures d’« activités » hebdomadaires. Cette annonce a été confirmée lors de la remise, le 19 avril, du rapport de préfiguration de France Travail, futur nom de Pôle emploi. Déjà expérimenté dans 18 départements et alors même que le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis s'en est récemment désengagé, ce conditionnement serait généralisé à tout le territoire national dès 2024. Pourtant, l'attribution du RSA fait déjà l'objet de contrôles et de sanctions, en cas de non-respect des démarches d'insertion professionnelle ou sociale. D'ailleurs, en 2022, une étude des économistes Chareyron, Le Gall et L'Horty, sur l'impact des contrôles montrait leur inefficacité. Ils ne conduisent qu'à la sortie du RSA, allocation d'un montant de 607 euros pour une personne seule, bien en-deçà du seuil de pauvreté et dont le taux de non-recours est déjà de plus de 30 %. Constituant le socle de revenus de près de 4 millions de personnes pour un coût d'à peine 15 milliards d'euros, le RSA est en réalité une des aides publiques les moins coûteuses par rapport à son impact social. Avec la suppression de l'ISF, Emmanuel Macron a offert 3,5 milliards d'euros chaque année aux 350 000 Français les plus riches depuis 2018. Aucune précision n'a été apportée sur le contenu réel de ces « activités ». Le ministre du travail tentait de rassurer, disant qu'il n'était pas question de « travail gratuit ». À 7,5 euros de l'heure, on n'en est pas si loin. En stigmatisant les bénéficiaires du RSA, le Gouvernement fait reposer sur les individus les échecs de sa propre politique en matière d'emploi. Il continue de faire la chasse aux chômeurs plutôt qu'au chômage. Le chiffre de 3 millions d'intentions d'embauche en 2023 est mis en avant pour justifier ce durcissement. Il ne signifie pas autant de créations nettes d'emploi. En 2022, 3 millions d'embauches ont été déclarées, mais seulement 300 000 emplois salariés dans le privé ont été créés. À comparer aux 5,1 millions de chômeurs de catégorie A, B et C, dont plus de la moitié de catégorie A et aux près de 2 millions de foyers percevant le RSA. Avec cette réforme, le Gouvernement trahit le préambule de la Constitution de 1946 qui reconnaît le droit à un revenu minimal garanti par la collectivité. C'est le glissement du droit à l'emploi vers une obligation de travailler, quelles qu'en soient les conditions. Une autre politique est possible : généralisation du programme « Territoires zéro chômeur de longue durée », instauration d'une garantie d'emploi en faisant de l'État l'employeur en dernier ressort, garantie dignité et extension du RSA aux moins de 25 ans. Voici ce à quoi un gouvernement attaché à la lutte contre le chômage et la pauvreté s'engagerait. Il lui demande de lui préciser sa position.

Texte de la réponse

CONDITIONNEMENT DU VERSEMENT DU RSA


Mme la présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour exposer sa question, n°  338, relative au conditionnement du versement du RSA.

M. Adrien Quatennens. Lors de son allocution télévisée du 17 avril, le Président de la République a annoncé le durcissement des conditions de versement du RSA, désormais soumis à la réalisation de quinze à vingt heures d'activités hebdomadaires. Cette annonce a été confirmée lors de la remise, le 19 avril, du rapport de la mission de préfiguration de France Travail, futur nom de Pôle emploi. Déjà expérimenté dans dix-huit départements, et alors même que le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis s'en est récemment désengagé, ce conditionnement serait généralisé à tout le territoire national dès 2024.

Pourtant, l'attribution du RSA fait déjà l'objet de contrôles et de sanctions en cas de non-respect des démarches d'insertion professionnelle ou sociale. D'ailleurs, en 2022, une étude des économistes Sylvain Chareyron, Rémi Le Gall et Yannick L'Horty portant sur l'impact des contrôles sur la participation des bénéficiaires du RSA montrait leur inefficacité. Ils ne conduisent qu'à la sortie du RSA, allocation de 607 euros pour une personne seule, soit un montant bien en deçà du seuil de pauvreté, et dont le taux de non-recours est déjà estimé à plus de 30 %.

Constituant le socle de revenus de près de 4 millions de personnes, pour un coût d'à peine 15 milliards d'euros, le RSA est en réalité l'une des aides publiques les moins coûteuses par rapport à son impact social. Avec la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en 2018, Emmanuel Macron offre 3,5 milliards d'euros, chaque année, aux 350 000 Français les plus riches.

Aucune précision n'a été apportée sur le contenu réel des activités qui seraient demandées aux bénéficiaires du RSA. Le ministre du travail a tenté de rassurer, affirmant qu'il n'était pas question de travail gratuit. Toutefois, à 7,50 euros de l'heure, nous n'en sommes pas si loin.

En stigmatisant les bénéficiaires du RSA, le Gouvernement fait reposer sur les individus les échecs de sa propre politique en matière d'emploi. Il continue de faire la chasse aux chômeurs plutôt qu'au chômage. Le chiffre de 3 millions d'intentions d'embauche en 2023 est mis en avant pour justifier ce durcissement, alors qu'il ne signifie pas autant de créations nettes d'emploi : en 2022, sur 3 millions d'embauches potentielles, seulement 300 000 emplois salariés ont été créés dans le privé. Il convient de comparer ce chiffre aux 5,1 millions de chômeurs de catégorie A, B et C, dont plus de la moitié de catégorie A, et aux près de 2 millions de foyers percevant le RSA.

Avec cette réforme, le Gouvernement trahit le préambule de la Constitution de 1946, qui reconnaît le droit à un revenu minimal garanti par la collectivité. Il opère un glissement du droit à l'emploi vers une obligation de travailler, quelles qu'en soient les conditions.

Une autre politique est possible : généralisation du programme Territoires zéro chômeur de longue durée, instauration d'une garantie d'emploi faisant de l'État l'employeur en dernier ressort, « garantie dignité » et extension du RSA aux moins de 25 ans. Voilà ce à quoi un gouvernement attaché à la lutte contre le chômage et la pauvreté devrait s'engager.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Je vous répondrai au nom du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, Olivier Dussopt, qui vous présente ses excuses de n'avoir pu se rendre disponible.

Sans surprise, je ne partage pas votre point de vue, monsieur le député, qu'il s'agisse de votre analyse des chiffres du chômage, de votre perception de la transformation de Pôle emploi en France Travail, ou de l'objectif du chantier relatif aux allocataires du RSA.

Le chantier France Travail a pour objet d'améliorer significativement le service dispensé aux demandeurs d'emploi, notamment aux allocataires du RSA. Seuls 40 % de ces derniers sont inscrits à Pôle emploi, et, sept ans après leur première inscription au RSA, 42 % des allocataires y sont toujours affiliés. Les quinze à vingt heures d'activité par semaine ne sont ni du travail gratuit, ni du bénévolat obligatoire, mais du temps consacré à la construction de son propre parcours, en vue d'une meilleure insertion professionnelle. Nous tiendrons compte des situations particulières : on ne peut évidemment pas proposer la même intensité d'accompagnement à une maman qui élève seule ses enfants sans solution de garde, qu'à une personne qui n'a pas ces contraintes, par exemple.

Rappelons que nous ne partons pas de zéro : le contrat d'engagement jeune, dont les résultats sont encourageants, comporte quinze à vingt heures d'activité consacrées au parcours professionnel : accompagnement, formation, mais aussi immersion professionnelle. Pour alimenter la réflexion sur les moyens d'améliorer l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi, nous avons par ailleurs lancé une comparaison européenne, réalisée par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF). Elle a conforté la conviction du Gouvernement qu'un accompagnement intensif fait partie des facteurs clés de réussite.

Une expérimentation est en cours dans dix-huit départements – vous l'avez mentionnée. Elle devrait être progressivement étendue pour proposer un accompagnement plus intensif et plus personnalisé, afin d'améliorer in fine l'insertion professionnelle. Ces expériences visent à proposer des offres adaptées aux besoins de chacun.

Quant à la solution alternative que vous citez, une évaluation de l'expérimentation sera lancée prochainement, conformément à la loi, et le Gouvernement en tirera tous les enseignements opérationnels.

Mme la présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Le traitement des chiffres du chômage est ainsi fait qu'une personne qui bénéficie d'un contrat très court, parfois inférieur à un jour, sort des statistiques du trimestre. Cela permet au Gouvernement de se targuer d'une baisse historique du chômage, alors que la réalité sociale demeure. Les gens veulent de véritables emplois, pérennes et correctement payés.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Il y a les statistiques, et il y a la réalité. Je n'ai pas l'honneur d'être chargée du travail ni de l'insertion professionnelle, mais, ayant celui de m'occuper des PME, des commerçants et des artisans, je peux vous assurer qu'il ne se passe pas une semaine où, dans le cadre d'un déplacement, on ne me parle pas de pénurie de main-d'œuvre. Il ne se passe pas une semaine où un restaurateur ne m'explique pas qu'il est obligé de fermer le jeudi soir parce qu'il n'a pas suffisamment de personnel. L'un d'entre eux m'a livré le témoignage suivant : « Pendant la période du covid-19, on a cru perdre nos clients ; en fait, on a perdu nos salariés. » Si nous n'avions pas réduit le chômage, je n'aurais pas, chaque semaine, des remontées inquiètes de dirigeants d'entreprise signalant qu'ils peinent à pourvoir leurs derniers emplois – la majorité des postes étant déjà fortement pourvus. C'est bien la preuve, au-delà des statistiques, qu'une amélioration est à l'œuvre dans notre pays. Libre à vous de ne pas le reconnaître, mais la réalité est que le chômage baisse. (M. Daniel Labaronne applaudit.)<