16ème législature

Question N° 339
de M. Laurent Panifous (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires - Ariège )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère attributaire > Transition écologique et cohésion des territoires

Rubrique > eau et assainissement

Titre > Compétence des départements en matière de gestion des ressources en eau

Question publiée au JO le : 16/05/2023
Réponse publiée au JO le : 24/05/2023

Texte de la question

M. Laurent Panifous appelle l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la carence législative qui prive les collectivités, et notamment les départements, d'initiative en matière de gestion des ressources en eau. En effet, l'absence de compétence décentralisée dans le domaine de la gestion quantitative de la ressource en eau au bénéfice des départements, mais également des régions depuis la loi NOTRe, constitue un frein sérieux à toute prise d'initiatives dans ce domaine. Ce texte de loi qui a supprimé la clause générale de compétence remet en cause la capacité des départements et des régions à assurer la maîtrise d'ouvrage d'opérations en lien avec la gestion de la ressource en eau, mais également à se maintenir dans la gestion des ouvrages hydrauliques existants. Pourtant, actuellement les départements - directement ou dans le cadre de regroupements au sein de structures syndicales - sont à la tête d'un patrimoine hydraulique majeur qui représente, par exemple en Adour-Garonne, la première ressource en eau stockée, soit 345 millions de m3. Le département de l'Ariège intervient ainsi au travers de l'Institution interdépartementale de l'aménagement du barrage de Montbel (IIABM), dans la gestion du barrage de Montbel d'une capacité utile de 60 millions de m3. La retenue de Montbel est gérée conjointement par les départements de l'Ariège (50 %), de l'Aude (25 %) et de la Haute-Garonne (25 %). Ce potentiel hydraulique est stratégique pour assurer en période d'étiage le soutien des débits. Ces opérations de réalimentation des cours d'eau sont indispensables à la survie des espèces piscicoles, à la préservation de la vie aquatique mais également au maintien des activités économiques comme l'agriculture. La décision du tribunal administratif de Dijon en date du 14 décembre 2021 est venue confirmer ces craintes dans la mesure où le jugement tire les conséquences de la suppression de la clause de compétence générale pour déduire que le département « ne saurait fonder sa compétence sur la seule notion de solidarité territoriale » pour engager des études de maîtrise d'œuvre relatives à l'exploitation de la ressource en eau. Le rapport annuel de la Cour des comptes publié en mars 2023 fait le constat suivant dans son chapitre 6 intitulé « Une organisation inadaptée aux enjeux de la gestion quantitative de l'eau » : présent partout, l'État est souvent trop faible pour assumer les responsabilités auxquelles il prétend. L'intrication entre ses responsabilités et celles des collectivités locales rend leur répartition incompréhensible et contribue à la dilution des responsabilités de chacun. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui apporter des précisions permettant de lever cette incertitude juridique et permettre ainsi aux collectivités qui le souhaitent de disposer d'une assise légale indiscutable pour participer activement aux politiques de retour à l'équilibre quantitatif de la ressource en eau menée dans les territoires.

Texte de la réponse

GESTION DES RESSOURCES EN EAU PAR LES COLLECTIVITÉS


Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Panifous, pour exposer sa question, n°  339, relative à la gestion des ressources en eau par les collectivités.

M. Laurent Panifous. Une carence législative prive les collectivités – notamment les départements – de leur compétence en matière de gestion des ressources en eau. En effet, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi Notre, et la suppression de la clause de compétence générale, départements et régions ne sont plus compétents en matière de gestion quantitative de la ressource en eau, ce qui constitue un frein important à toutes initiatives dans ce domaine ô combien important.

Départements et régions n'ont donc plus la capacité d'assurer la maîtrise d'ouvrage d'opérations en lien avec la ressource en eau, mais également de se maintenir dans la gestion des ouvrages hydrauliques existants. Pourtant, soit directement, soit dans le cadre de structures syndicales, les départements sont à la tête d'infrastructures hydrauliques.

Ainsi, le département de l'Ariège intervient dans la gestion du barrage de Montbel au travers d'une institution interdépartementale. Ce potentiel hydraulique, d'une capacité utile de 60 millions de mètres cubes, est stratégique : en période d'étiage, il permet d'assurer le soutien des débits. Il est également essentiel à la survie des espèces piscicoles, à la préservation de la vie aquatique et au maintien des activités économiques, comme l'agriculture.

La retenue de Montbel doit être renforcée et complétée par l'adduction du cours d'eau voisin, le Touyre. Le département souhaite s'engager, mais a-t-il la compétence à agir ? Rien n'est moins sûr. La décision du tribunal administratif de Dijon en date du 14 décembre 2021 est venue confirmer nos craintes dans la mesure où le jugement tire les conséquences de la suppression de la clause générale de compétence pour déduire que le département « ne saurait fonder sa compétence sur la seule notion de solidarité territoriale ». En outre, en 2022, un rapport de la Cour des comptes évoquait, s'agissant de la gestion de l'eau, « l'introuvable collectivité territoriale cheffe de file ».

Pouvez-vous lever cette incertitude juridique, afin que les collectivités territoriales qui souhaitent participer activement aux politiques de gestion quantitative de l'eau disposent pour ce faire d'une assise juridique indiscutable ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. Vous m'invitez à clarifier les attributions de compétences. Les départements ne bénéficient plus de la clause de compétence générale, toutefois ils détiennent de nombreuses compétences d'attribution et peuvent accompagner techniquement et financièrement les communes et les groupements de communes. L'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales prévoit certes qu'ils peuvent promouvoir les solidarités territoriales, mais il ne s'agit pas d'une compétence autonome, plutôt d'une modalité d'action, qui ne se conçoit qu'en complément de l'action des collectivités et groupements compétents.

Le département de l'Ariège veut sécuriser le remplissage de la retenue du lac de Montbel. Sur les fondements précités, et dans le cadre du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, s'il existe, il peut intervenir pour garantir l'approvisionnement en eau brute, l'exécution et l'exploitation de travaux hydrauliques – prises d'eau, retenues d'eau brute, canaux –, menés pour assurer l'irrigation ou la production d'électricité, sous réserve que ces actions présentent un caractère d'intérêt général ou d'urgence.

La décision du tribunal administratif de Dijon du 14 décembre 2021, que vous citez, reconnaît en effet que le département est compétent « pour réaliser des études préalables à des travaux ou des études de définition de travaux en matière d’approvisionnement d’eau ou d’aménagement d’ouvrages hydrauliques existants […], à la condition d’obtenir, dans les conditions qu’elles prévoient, du préfet ou du ministre compétent, une décision reconnaissant le caractère d’intérêt général ou d’urgence desdits études ou travaux ».

Il convient de s'assurer préalablement que le département n'a pas transféré ladite compétence à un établissement public de coopération, à défaut de quoi, en application du principe d'exclusivité, le département ne peut intervenir que si l'établissement lui accorde une délégation de maîtrise d'ouvrage.

Il existe donc une voie d'action, qui suppose de respecter la répartition des compétences entre le département et un éventuel établissement, et de demander, le cas échéant, que le ministère caractérise l'urgence ou la nécessité d'intérêt général. Si vous le souhaitez, les services du ministère et de la préfecture pourront vous apporter des éclairages complémentaires dans les semaines à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Panifous.

M. Laurent Panifous. Le sujet est sensible et les recours sont aisés, aussi le département de l'Ariège tenait-il, avant d'agir, à entendre l'avis du Gouvernement, par ailleurs susceptible d'intéresser de nombreux autres départements. En cas de difficulté, nous recourrons à vos services.