16ème législature

Question N° 346
de M. Didier Le Gac (Renaissance - Finistère )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Transition énergétique

Rubrique > agriculture

Titre > Simplification et encadrement des recours contre certains projets agricoles

Question publiée au JO le : 16/05/2023
Réponse publiée au JO le : 24/05/2023
Date de changement d'attribution: 23/05/2023

Texte de la question

M. Didier Le Gac attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'augmentation des recours contentieux à l'encontre des projets agricoles. Sur la circonscription de M. le député, des projets d'installation, d'extension, ou d'aménagements d'exploitations agricoles font l'objet de recours. La multiplication de ces contentieux conduit à une très grande fragilité juridique des projets, remettant en cause les investissements et parfois les travaux déjà réalisés. Pourtant, des solutions existent pour encadrer le contentieux. C'est pourquoi il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour sécuriser les évaluations environnementales et simplifier le contentieux en matière agricole.

Texte de la réponse

CONTENTIEUX CONTRE LES PROJETS AGRICOLES


Mme la présidente. La parole est à M. Didier Le Gac, pour exposer sa question, n°  346, relative au contentieux contre les projets agricoles.

M. Didier Le Gac. Notre agriculture a changé. Elle est passée d'un modèle essentiellement conventionnel à un modèle qui fait désormais cohabiter divers modes de production : agriculture conventionnelle ainsi que durable, biologique ou encore raisonnée.

Ces trente dernières années, la prise de conscience des enjeux environnementaux a participé à cette évolution et nos agriculteurs ont pleinement intégré cette dimension. Ils s'appliquent ainsi à respecter des règles et des normes environnementales et sociales exigeantes, ce qui n'est pas le cas dans l'écrasante majorité des pays qui importent des produits à bas coût.

Pourtant, ces efforts auxquels nos agriculteurs consentent ne sont pas suffisants aux yeux de tous les acteurs du secteur. Concrètement, nous croisons nombre d'agriculteurs qui ne peuvent procéder à certains projets d'installation, d'extension ou d'aménagement de leur exploitation, alors même que de nombreux travaux visent à les mettre aux normes.

En effet, de nombreux travaux font l'objet de recours contentieux. Ils visent principalement à attaquer l'évaluation environnementale, exigée au titre de l'article R. 122-2 du code de l'environnement applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement – ICPE. En effet, le projet est soumis soit à une évaluation systématique, soit à une évaluation au cas par cas.

Que l'on soit bien clair, dans un État de droit, tous les recours sont légitimes. Toutefois, intenter de manière quasi systématique un recours, qui multiplie les contentieux et fragilise juridiquement certains projets agricoles en remettant en cause des investissements et des travaux parfois déjà réalisés, m'amène à m'interroger.

En la matière, ne vaudrait-il pas mieux encadrer le contentieux ? Je formule ici une interrogation ouverte. Faut-il s'inspirer des dispositions de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Elan, qui ont permis de sécuriser les autorisations de construire, de lutter contre les recours abusifs et d’accélérer les délais de jugement ? Faudrait-il plutôt s'inspirer du décret du 29 octobre 2022 relatif au régime juridique applicable au contentieux des décisions afférentes aux installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables (hors énergie éolienne) et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, qui prévoit que les juridictions administratives saisies statuent dans un certain délai pour accélérer les procédures ? Ou faudrait-il s'inspirer du décret du 29 novembre 2018 relatif aux éoliennes terrestres, à l'autorisation environnementale et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit de l'environnement, qui a donné compétence aux cours administratives d’appel pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges relatifs à ces décisions ? On pourrait ainsi envisager de simplifier le contentieux des autorisations environnementales en matière agricole, en s'inspirant de ces différentes dispositions, récemment entrées en vigueur.

Quel est l'avis du Gouvernement sur cette question ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. Laissez-moi d’abord vous rappeler toute l’importance que nous attachons au maintien d’une activité d’élevage sécurisée, compétitive et respectueuse de la protection de l'environnement. Je rappelle mon soutien aux éleveurs français, qui sont les premiers acteurs de la politique environnementale en matière agricole.

Vous avez raison, nous devons clarifier certaines procédures parfois obscures pour les éleveurs qui pourraient demander une autorisation d'exploiter ou d'étendre leur installation. Les élevages sont régis par la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement. Il y a quelques années, un régime simplifié d’autorisation, l'enregistrement, a été créé pour réduire la durée de la procédure et la charge administrative pesant sur les exploitants d’installations dont les risques et les nuisances peuvent être réglementés par des prescriptions standard, fixées au niveau national par le ministère chargé de l’environnement.

Les décisions préfectorales d’autorisation et d’enregistrement peuvent être contestées. En effet, le droit au recours est garanti dans un État de droit. Il est ainsi protégé par le droit de l’Union européenne et par le droit administratif national.

Récemment, dans le cadre de recours contre des arrêtés préfectoraux, intentés par certaines associations, le tribunal administratif de Rennes a estimé que plusieurs demandes d’enregistrement, effectuées pour des agrandissements d’élevages porcins, auraient dû être instruites par le préfet, dans le cadre de la procédure d’autorisation environnementale. Ces jugements, qui ont suscité des inquiétudes, ont incité les services instructeurs des dossiers de demande de création ou d’agrandissement d’élevages, en particulier dans des zones concernées par des problèmes environnementaux importants, à consolider les décisions prises par les autorités préfectorales afin de sécuriser les procédures et de rassurer les éleveurs concernés.

Ce travail, qui peut prendre un peu de temps et créer de l'incertitude, est engagé, et sera mené de manière accélérée au sein des services de l’État, en lien avec les organisations professionnelles agricoles.

La discussion est ouverte, et je transmettrai vos propositions aux ministres tant de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, que de la transition écologique et de la cohésion des territoires – qui ont entrepris une démarche constructive –, afin de trouver un équilibre entre le respect des exigences environnementales et la rapidité et la sécurité des procédures. Mais d'ores et déjà, les éleveurs sont incités à mieux prendre en considération les impacts environnementaux dans les dossiers de demande d’enregistrement ou d’autorisation, afin d'éviter toute insécurité juridique. Il revient aux services de l'État et aux organisations professionnelles d'accompagner en amont les exploitants qui remplissent un dossier, afin de leur permettre d'exercer leur activité, de la manière la plus rapide mais aussi la plus sécurisée possible, sans provoquer de dommages ni leur donner de maux de tête !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Le Gac.

M. Didier Le Gac. Je vous remercie de cette réponse étayée et précise. J'espère que, d'ici à la fin de l'année, nous aurons l'occasion d'en reparler, dans le cadre de l'examen de la future loi d'orientation agricole.