16ème législature

Question N° 35
de Mme Géraldine Bannier (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Mayenne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > crimes, délits et contraventions

Titre > Victimes d'agressions pédophiles dans l'Eglise

Question publiée au JO le : 29/11/2022
Réponse publiée au JO le : 07/12/2022 page : 6545

Texte de la question

Mme Géraldine Bannier interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le sujet des victimes d'agressions pédophiles dans l'Eglise. Il y a un an, la France effarée découvrait grâce au rapport de Jean-Marc Sauvé que 330 000 personnes avaient été victimes de prêtres, diacres, religieux ou personnes en lien avec l'Église catholique depuis 70 ans, agressées lorsqu'elles étaient mineures. Cette annonce édifiante et bouleversante appelait une réponse forte et immédiate. Mme la députée avait à ce sujet déposé une question écrite. Face à l'onde de choc, la Conférence des évêques de France a voté la création de l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation, mise en place fin 2021. Cette structure est chargée d'accueillir les demandes de victimes et de leur apporter une réparation quand la justice ne peut plus intervenir du fait de la prescription, ou lorsque celle-ci est déjà intervenue. Huit mois plus tard, 1 004 demandes ont été enregistrées, 60 décisions de réparation ont été rendues, dont 45 ayant un aspect financier. La présidente de l'INIRR, Mme Marie Derain de Vaucresson, a aussi précisé que 700 demandes attendaient d'être prises en compte. Certains retards ont toutefois été pointés du doigt, notamment par la présidente de l'INIRR elle-même, qui a déclaré en septembre 2022 : « À ce jour, 138 situations ont été prises en compte. C'est encore trop peu, bien trop peu face aux centaines qui attendent. Vous demander encore d'attendre est pour moi une offense qui vous est faite et je fais tout pour y remédier. Nous avançons trop lentement, mais nous avançons ». De plus, le rapport Sauvé préconisait en octobre 2021 de mettre en place certains protocoles afin de prévenir la reproduction de ces actes pédocriminels. Parmi eux, la signature de protocoles entre la justice et les autorités ecclésiastiques. Cela permet un travail coopératif afin de mieux signaler les agressions sexuelles commises dans l'Église, notamment via le signalement au procureur par les évêques. Des travaux de ce type ont déjà été mis en place dans le Nord-Pas-De-Calais. Il serait bienvenu que ces initiatives se poursuivent alors que les tristes révélations continuent, 11 évêques ayant été récemment mis en cause pour des faits ou la non-dénonciation de ces faits. Aussi, elle lui demande quel est l'état des lieux sur l'avancée des indemnisations en cours de traitement et si l'État entend aussi renforcer la coopération entre la justice et les autorités ecclésiastiques pour favoriser encore la libération de la parole, absolument indispensable pour les victimes.

Texte de la réponse

AGRESSIONS PÉDOPHILES DANS L'ÉGLISE


Mme la présidente. La parole est à Mme Géraldine Bannier, pour exposer sa question, n°  35, relative aux agressions pédophiles dans l'Église.

Mme Géraldine Bannier. Il y a un an, la France effarée découvrait, grâce au rapport de Jean-Marc Sauvé, que, depuis soixante-dix ans, 330 000 personnes avaient, lorsqu'elles étaient mineures, été victimes de prêtres, de diacres, de religieux ou de personnes en lien avec l'Église catholique. Cette annonce édifiante et bouleversante appelait une réponse forte et immédiate ; j'avais d'ailleurs déposé une question écrite à ce sujet.

Face à l'onde de choc, la Conférence des évêques de France a voté la création de la Commission Reconnaissance et réparation, et de l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), mises en place fin 2021. Ces structures sont chargées d'accueillir les demandes de victimes et de leur apporter une réparation quand la justice ne peut plus intervenir du fait de la prescription ou lorsque celle-ci est déjà intervenue. Huit mois plus tard, 1 004 demandes ont été enregistrées et soixante décisions de réparation rendues, dont quarante-cinq comportent un volet financier. La présidente de l'Inirr, Mme Marie Derain de Vaucresson, a aussi précisé que 700 demandes attendaient d'être prises en considération.

Certains retards ont toutefois été pointés du doigt, notamment par la présidente de l'Inirr elle-même, qui a déclaré en septembre : « À ce jour, 138 situations ont été prises en compte. C'est encore trop peu, bien trop peu face aux centaines qui attendent. Vous demander encore d'attendre est pour moi une offense qui vous est faite et je fais tout pour y remédier. […] Nous avançons trop lentement, mais nous avançons. »

De plus, le rapport Sauvé préconisait en octobre 2021 d'instaurer certains protocoles afin de prévenir la reproduction de ces actes pédocriminels. Parmi eux, la signature de protocoles entre la justice et les autorités ecclésiastiques, permettant un travail coopératif en vue de mieux signaler les agressions sexuelles commises dans l'Église, par l'intermédiaire notamment du signalement au procureur par les évêques. Des travaux de ce type ont déjà été institués dans le Nord-Pas-de-Calais. Il serait bienvenu que ces initiatives se poursuivent alors que les tristes révélations continuent, onze évêques ayant été récemment mis en cause pour des faits ou la non-dénonciation de ces faits.

M. le garde des sceaux peut-il dresser un état des lieux relatif à l'avancée des indemnisations en cours de traitement ? Comment l'État entend-il renforcer la coopération entre la justice et les autorités ecclésiastiques pour favoriser encore la libération de la parole, absolument indispensable pour les victimes ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l’écologie.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l’écologie. Je vous remercie pour votre question adressée au garde des sceaux qui, ne pouvant être présent, m'a chargée de vous répondre. Vous abordez un sujet sur lequel le ministère de la justice, dans le respect de son périmètre, est totalement mobilisé.

Dans le prolongement du mouvement de libération de la parole des victimes d'infractions sexuelles, le garde des sceaux a invité les procureurs de la République, par dépêche du 26 février 2021, à ouvrir systématiquement une enquête en cas de faits anciens, même susceptibles d'être prescrits. Cette pratique permet de découvrir, le cas échéant, l'existence d'autres victimes pour lesquelles les faits pourraient encore faire l'objet de poursuites. De récentes révélations médiatisées de la Conférence des évêques ont d'ailleurs été suivies de l'ouverture d'enquêtes immédiates.

De plus, dès la remise du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase), le garde des sceaux invitait, dans une dépêche du 8 octobre 2021, tous les procureurs de la République à conclure des protocoles semblables à celui signé par le procureur de la République de Paris avec l'archevêque de Paris, pour favoriser la circulation de l'information et la dénonciation d'infractions. De nombreux parquets ont, à la suite de cette dépêche, conclu très rapidement un protocole de ce type, comme ce fut le cas à Auxerre.

L'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation a été créée, comme vous l'indiquez, par la Conférence des évêques de France et la Conférence des religieux et religieuses de France après la remise du rapport de la Ciase. Toutefois, s'agissant d'une instance privée, le ministère de la justice n'est pas en mesure de rendre compte de l'avancée des indemnisations que celle-ci assure.

Mme la présidente. La parole est à Mme Géraldine Bannier.

Mme Géraldine Bannier. Je vous remercie de ces éléments de réponse qui, même s'ils ne sont pas tout à fait satisfaisants, parleront tout de même aux victimes d'abus sexuels. J'avais été très surprise, il y a un an, qu'une seule question, émanant d'un seul groupe parlementaire, ait été posée sur le sujet, alors que l'on déplore 330 000 victimes. J'invite donc tous mes collègues politiques, quelles que soient leurs convictions religieuses, à rester attentifs à cette question : les victimes d'actes pédocriminels sont victimes pour la vie.