16ème législature

Question N° 3640
de Mme Cécile Rilhac (Renaissance - Val-d'Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > santé

Titre > Obtention des marquages CE Medical Devices Regulation pour les TPE/PME

Question publiée au JO le : 29/11/2022 page : 5759
Réponse publiée au JO le : 04/04/2023 page : 3169
Date de changement d'attribution: 07/03/2023
Date de signalement: 07/02/2023

Texte de la question

Mme Cécile Rilhac appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la mise en œuvre de la nouvelle réglementation adoptée par l'Union européenne relative aux dispositifs médicaux (Medical Devices Regulation, MDR, 2017/745). Cette nouvelle réglementation, venue remplacer les directives 93/42/CEE et 90/385/CE, a pour objectif de renforcer la sécurité, la performance, la transparence et la qualité des dispositifs médicaux sur l'ensemble du cycle de vie. En conséquence, elle nécessite que les fabricants de dispositifs médicaux soumettent à nouveau l'ensemble des produits fabriqués aux organismes notifiés afin d'obtenir le nouveau marquage CE, sans quoi la commercialisation de ces produits pourrait devenir impossible. Ce sont ainsi plus de 24 000 dispositifs médicaux, déjà présents sur le marché, qui devront obtenir une nouvelle certification dans les prochaines années. Si l'objectif recherché par ces nouvelles dispositions est légitime, la temporalité soulève de nombreuses problématiques, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises fabriquant de dispositifs médicaux. En effet, bien que l'entrée en vigueur de cette réglementation ait été reportée d'un an par le règlement (UE) 2020/561 pour tenir compte des conséquences de la crise sanitaire, de nombreuses difficultés persistent. Le nombre d'organismes notifiés compétents sur le marquage CE a été divisé par 4 en 10 ans. De fait, les délais d'obtention ont augmenté significativement et atteignent aujourd'hui 18 mois en moyenne. Par ailleurs, les prix des audits pour obtenir ce nouveau marquage CE ont également augmenté. Alors que la crise sanitaire nous a rappelé l'impératif de relocaliser et de soutenir la production, sur le sol français, des médicaments et des dispositifs médicaux, les petites et moyennes entreprises, qui représentent 92 % du secteur des dispositifs médicaux, sont en difficulté pour répondre à cette nouvelle réglementation. Aussi, Mme la députée lui demande si des mesures d'accompagnement et de soutien sont actuellement à l'étude pour aider ces entreprises à obtenir ces nouveaux marquages ou se voir attribuer un délai supplémentaire pour satisfaire à ces obligations.

Texte de la réponse

Le règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux (règlement DM) est entré en vigueur le 26 mai 2017 et est d'application obligatoire depuis le 26 mai 2021. Il remplace l'ancienne règlementation issue des directives 93/42/CEE et 90/385/CEE, et permet d'établir « un cadre réglementaire rigoureux, transparent, prévisible et durable pour les dispositifs médicaux, qui garantit un niveau élevé de sécurité et de protection de la santé tout en favorisant l'innovation » (considérant n° 1 du règlement DM). Le règlement DM introduit dans son article 120 des dispositions transitoires permettant à certains dispositifs, certifiés au titre des directives précitées, de continuer à être mis sur le marché après le 26 mai 2021. Avec l'épidémie liée au Covid, la date d'application obligatoire ainsi que les échéances des dispositions transitoires ont été repoussées d'un an. Plusieurs enquêtes menées en 2021 ont indiqué que ce report d'un an a été utilisé par de nombreux fabricants pour renouveler leurs certificats sous le régime des directives, et bénéficier ainsi d'une certification couvrant toute la période de transition. Cette prolongation a également permis une augmentation du nombre d'organismes notifiés désignés au titre de la nouvelle réglementation (19 à la date d'application). Toutefois, différentes enquêtes sur la capacité du système confirment l'existence d'un goulot d'étranglement du processus de certification qui ne permettra pas un transfert de l'ensemble des certificats sous le régime du règlement DM d'ici l'échéance de mai 2024. A ce jour, et malgré le report d'un an de la date d'application, le taux de certificats au titre du règlement DM émis reste insuffisant.  Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation. Tout d'abord, une désignation tardive des organismes notifiés (ONs), le processus d'inspection conjointe par les Etats membres pour cette désignation des ONs est efficace, mais l'allonge considérablement. Début 2023, 37 ONs étaient désignés au titre du règlement DM, et 13 étaient en cours de désignation. Ensuite, de nombreux fabricants indiquent des difficultés de prise en charge de leur demande de certification de la part des ONs, liés à une surcharge ou à un manque de moyens, mais aussi et souvent au caractère incomplet des dossiers de demande et à l'absence de maîtrise des nouvelles exigences. Une enquête menée par le NBCG (Groupe de Coordination des Organismes Notifiés) en 2021 indique qu'un nombre important de refus est lié à l'incomplétude des dossiers de demande. L'insuffisance de prise en compte des exigences de cette nouvelle réglementation entraîne de facto de multiples « allers retours » entre les ONs et les fabricants, impliquant un allongement sensible du délai de certification. Ainsi, les délais de traitement d'une demande de certification par un ON ont doublé, en moyenne, et sont maintenant de 12 à 18 mois minimum. Les fabricants soulignent, en outre, l'envolée des tarifs de certification. Les causes de ces retards dans la transition réglementaire sont multiples, et les responsabilités partagées entre les différents acteurs. La France et les autres Etats membres de l'Union européenne, sont conscients des difficultés rencontrées, que ce soit du côté des ONs ou des fabricants. L'ensemble des acteurs travaillent sur la gestion des situations de rupture de certification rencontrées par les fabricants. L'expertise de plusieurs groupes de travail au niveau européen et national est sollicitée pour trouver des solutions devant améliorer et permettre la transition réglementaire. La France a pris une position particulièrement active dans ces travaux dès mars 2020, en créant et pilotant une task-force sur la capacité du système au sein du réseau des autorités compétentes du dispositif médical (CAMD), aujourd'hui rattachée à la demande de la Commission européenne au Groupe de coordination des dispositifs médicaux (MDCG). Ses travaux et les données collectées ont conduit la Commission européenne à engager des réflexions fin 2021 au sein du MDCG. Une note des autorités françaises à l'été 2022 ainsi qu'un « non-paper » commun avec l'Irlande et l'Allemagne, rédigé sous l'impulsion de la France ont permis une accélération de ces travaux et une convergence de nombreux Etats membres pour demander un aménagement de la période de transition, afin de donner du temps au système et permettre ainsi de garantir l'accès des patients et des professionnels de santé aux dispositifs médicaux à l'issue de la date butoir initiale (mai 2024). Cette position a été portée également dans différents réseaux informels (réseau des chefs d'agences du médicament-HMA, réseau des autorités compétentes des dispositifs médicaux-CAMD) et au sein du MDCG. Le 9 décembre 2022 lors de l'EPSCO (Conseil des ministres européens de la santé), la Commission Européenne a annoncé une proposition de texte modifiant le règlement DM et visant à étendre la période de transition du Règlement DM, pour tous les certificats (ayant déjà expirés ou non), sous conditions. Cet accomplissement est le résultat du travail mené par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) depuis plusieurs mois avec la direction générale de la santé du ministère de la santé de la prévention, pour faire avancer ces négociations. Une première proposition de modification de l'article 120 du règlement DM a ainsi été émise par la Commission le 6 janvier 2023 ; celle-ci reprend les principaux éléments défendus par la position française, notamment la prolongation sous conditions des certificats délivrés au titre des directives, valides au 26 mai 2021 ainsi que de certains certificats expirés. Cette proposition a été adoptée par le Parlement européen le 16 février 2023 et par le Conseil le mercredi 8 mars 2023. Ce texte devrait être publié par la Commission européenne au Journal officiel de l'Union européenne le 15 mars et entrera en vigueur le jour de cette publication. La modification du règlement ainsi adoptée permet de prolonger la validité des certificats sous conditions et en fonction des classes de risque au 26 mai 2026 pour les DM de classe III implantables sur mesure, au 31 décembre 2027 pour les DM de classe III et implantables de la classe IIb et au 31 décembre 2028 pour les autres. Dans l'attente de l'entrée en application d'une telle modification, et afin d'assurer l'accès et la continuité des soins dans des conditions de sécurité optimales, les autorités compétentes, dont la France, ont mis en place des modalités de gestion pour les situations où les certificats, en cours de renouvellement, arrivent à échéance, dans l'attente de l'émission d'un nouveau certificat. Ainsi, le MDCG a publié le 12 décembre 2022 un position paper concernant une utilisation harmonisée de l'article 97.1 du règlement DM, dont l'application permet, au vu de garanties de sécurité suffisantes, en l'absence de risque inacceptable, et sous conditions strictement définies, la poursuite de la mise sur le marché des dispositifs dits legacy pour lesquels le certificat émis au titre des directives expire avant la délivrance d'un certificat au titre du règlement DM. En parallèle, et au niveau national, l'ANSM veille tout particulièrement à limiter les conséquences de cette situation tant pour les patients que pour les professionnels de santé. Outre la mise en place des procédures précitées visant à accompagner les fabricants dans cette période, tout en préservant un niveau de sécurité optimal, elle assure un suivi individuel des situations de ruptures de certification des fabricants. Les acteurs susceptibles d'être concernés par des ruptures de certification sont, à cet égard, invités à se rapprocher des services de l'ANSM afin de trouver une solution au plus vite et d'éviter une rupture dans l'accès aux soins des patients français. Par ailleurs, l'agence diffuse de l'information par le biais d'un cycle de séminaires « pratiques » sur la mise en œuvre des règlements et de la publication de listes de Questions/Réponses sur le site de l'agence. Au travers de ces actions, elle incite notamment les fabricants, et insiste sur cette nécessité nonobstant l'adoption de la modification de l'article 120 évoquée ci-dessus, à entamer au plus tôt les démarches pour faire certifier leurs dispositifs médicaux au titre du règlement DM. Ce nouveau cadre règlementaire a voulu être ambitieux, et la France a porté le renforcement nécessaire à une meilleure démonstration de la sécurité et de la performance des dispositifs médicaux dans l'intérêt des patients. Les leviers à mettre en œuvre ne doivent aucunement impliquer une réduction des exigences de performances et de sécurité, ou retarder indéfiniment les certifications des dispositifs médicaux. Ils doivent au contraire permettre aux fabricants d'élever leurs compétences au niveau des exigences du règlement DM, tout en garantissant un accès au marché des dispositifs anciens et nouveaux.