16ème législature

Question N° 368
de M. Loïc Prud'homme (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Gironde )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Ville et logement
Ministère attributaire > Ville et logement

Rubrique > urbanisme

Titre > EPA Euratlantique - Politique d'aménagement urbain

Question publiée au JO le : 06/06/2023
Réponse publiée au JO le : 14/06/2023 page : 5788

Texte de la question

M. Loïc Prud'homme attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement sur l'EPA Euratlantique. Voilà plus de dix ans que sa circonscription est profondément transformée par les aménagements urbains menés par l'EPA Euratlantique. Porté à ses débuts par Alain Juppé, alors maire de Bordeaux et obsédé par le projet de faire de sa ville une métropole millionnaire, ce programme d'aménagement démesuré est aujourd'hui à mi-parcours et le bilan est désastreux. D'abord dans la méthode, les concertations ont été réalisées a minima et elles n'ont offert aucune possibilité aux habitants et aux élus d'influer réellement sur des projets en réalité déjà ficelés, si ce n'est sur la couleur ou la taille des volets. Puis dans les réalisations elles-mêmes, qui sont l'œuvre d'un urbanisme du 20e siècle déconnecté des enjeux climatiques et des besoins du territoire. Le résultat est le suivant : des quartiers sans âme, à l'architecture douteuse, invivables en été, inaccessibles financièrement pour la grande majorité de la population et boudés par les acteurs économiques (des mètres carrés de bureau ne trouvant toujours pas d'acquéreurs). M. le ministre a été invité par plusieurs députés et maires des territoires concernés par l'EPA à venir voir le résultat de ces dix ans d'urbanisme anachronique. M. le député profite de cette question pour renouveler l'invitation. Il s'agit, en effet, d'un moment charnière du programme d'aménagement, la feuille de route de l'EPA Euratlantique doit être renouvelée cette année et les orientations prises aujourd'hui décideront de la trajectoire du projet pour les dix prochaines années. Il lui demande s'il va décider de changer la trajectoire du projet Euratlantique en prenant enfin en compte les réalités climatiques, les besoins réels du territoire et les avis des habitants. Il lui demande aussi quelle latitude financière il va accorder à cette opération d'intérêt national (OIN) pour éviter que ce soit les promoteurs qui dictent leur urbanisme spéculatif demain à Bègles comme hier à Bordeaux et plus largement comment il compte en finir avec ces projets démesurés et réfléchir à un autre aménagement du territoire donnant plus de poids aux villes moyennes qui sont les victimes de cette politique de métropolisation à tout crin.

Texte de la réponse

EPA EURATLANTIQUE


Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour exposer sa question, n°  368, relative à l'EPA Euratlantique.

M. Loïc Prud'homme. Voilà plus de dix ans que ma circonscription subit de profondes transformations du fait des aménagements urbains menés par l'établissement public d'aménagement (EPA) Euratlantique, une opération d'intérêt national (OIN). Créé par Alain Juppé, alors maire de Bordeaux et obsédé par le projet de faire de sa ville une métropole millionnaire, ce programme d'aménagement démesuré est désormais à mi-parcours. Son bilan est désastreux, qu'il s'agisse de la méthode ou de la réalisation.

S'agissant de la méthode, les concertations ont été réduites au minimum. Elles n'ont offert aucune possibilité aux habitants et aux élus d'influer réellement sur des projets déjà ficelés par les promoteurs, avides de mètres carrés et influents auprès de l'opérateur public. Quant aux réalisations, elles procèdent d'un urbanisme du XXe siècle déconnecté des enjeux climatiques et des besoins du territoire. Il en résulte des quartiers sans âme, à l'architecture douteuse, invivables en été, financièrement inaccessibles pour la grande majorité de la population et boudés par les acteurs économiques. De vastes surfaces construites restent inoccupées.

Monsieur le ministre délégué chargé de la ville et du logement, les députés et les maires des territoires concernés par ces opérations, dont je fais partie, vous ont invité à venir voir par vous-même le résultat de ces dix ans d'urbanisme anachronique. Je profite de mon intervention pour renouveler cette invitation. L'année 2023 marque en effet une étape essentielle du programme d'aménagement : la feuille de route de l'EPA Euratlantique doit être renouvelée, et les orientations prises décideront de la trajectoire du projet pour les dix années à venir.

Changerez-vous la trajectoire du projet Euratlantique en prenant enfin en considération les réalités climatiques, les besoins du territoire et l'avis des habitants ? Quelle latitude financière laisserez-vous à cette OIN pour éviter que les promoteurs ne dictent demain leur urbanisme spéculatif à Bègles comme ils l'ont fait hier à Bordeaux ? L'aménagement du territoire et l'urbanisme sont des sujets éminemment politiques : je compte sur vous pour ne pas déléguer vos prérogatives aux promoteurs.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement. Je tiens d'abord à vous remercier de l'invitation que vous venez de renouveler. Lorsque mon agenda le permettra, je viendrai avec plaisir à la rencontre des élus et des équipes de Bordeaux Euratlantique afin de visiter les quartiers auxquels l'EPA a donné vie depuis sa création. J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion de m'y rendre lors du congrès de l'Union sociale pour l'habitat qui s'est tenu à Bordeaux en septembre 2021, étant alors président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Nous n'avons pas tout à fait la même appréciation du travail mené, mais nous pourrons en discuter sur place.

L'OIN accompagne la dynamique impulsée par la ligne à grande vitesse et a pour enjeu le développement d'une ville durable et abordable. Or je suis convaincu qu'elle a réussi ce pari. Le prix des logements situés autour de la gare Saint-Jean reste inférieur au prix des autres zones d'aménagement de la métropole bordelaise et les logements sociaux conservent une place centrale dans ce quartier historiquement populaire. Par ailleurs, Bordeaux Euratlantique s'efforce d'associer le public à l'élaboration de ses projets grâce à de nouvelles dynamiques de concertation. Lors de chacune des nombreuses consultations effectuées, les contributions récoltées sont étudiées afin d'enrichir les projets et de repenser les actions mises en œuvre.

Les EPA, dont j'assure la tutelle, constituent des outils essentiels pour répondre aux enjeux écologiques, climatiques et sociaux. Ainsi, Bordeaux Euratlantique limite l'étalement urbain de la métropole ; je lui demande en outre de développer les espaces naturels en ville, de limiter les îlots de chaleur et d'inciter les promoteurs à anticiper les jalons de la réglementation environnementale RE2020. Ces orientations seront réaffirmées dans la nouvelle feuille de route de l'EPA dont l'action doit contribuer à la fabrication d'une ville solidaire et résiliente, à son adaptation au dérèglement climatique et à la préservation des ressources. Connaissant le précédent et l'actuel directeurs de l'EPA Euratlantique, je vous assure que la préservation des ressources, la limitation de l'étalement urbain ou encore le choix de matériaux biosourcés et de filières courtes constituent, pour eux comme pour moi, des préoccupations centrales.

La feuille de route est en cours de finalisation. Son élaboration se fait en étroite concertation avec les collectivités territoriales, dont la métropole de Bordeaux et les communes concernées.

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Prud'homme.

M. Loïc Prud'homme. Je prends acte de vos bonnes intentions et me réjouis de vous recevoir prochainement dans ma circonscription. Toutefois, nous avons besoin d'annonces concrètes : les gens sont fatigués de ces projets dans lesquels ils ne se reconnaissent pas. Je pense au collectif Amédée-Sacré-Cœur qui se bat toujours pour obtenir la construction d'un parc de 2 hectares dans son quartier entièrement bétonné. Il est urgent de faire en sorte que de telles demandes aboutissent. Monsieur le ministre délégué, il ne s'agit pas là de revendications isolées – des collectifs similaires existent également à Bègles ou encore à Floirac –, mais du symptôme du mécontentement généralisé que suscite l'urbanisation menée aux dépens des habitants.

La question de la latitude financière est donc primordiale : desserrerez-vous l'étau autour des finances de l'EPA pour lui permettre de mener une urbanisation en accord avec les nécessités du XXIe siècle, ou laisserez-vous les promoteurs lui dicter une vision de la ville que ni vous ni moi ne partageons ? J'aimerais que nous évoquions concrètement ce sujet. Il est nécessaire de revoir la contribution financière publique, sous peine de reproduire les erreurs des dix années précédentes car, pour parler franchement, ce projet a été conçu dans un autre siècle, ignorant des contraintes climatiques dont nous devons désormais tenir compte.