16ème législature

Question N° 371
de Mme Isabelle Valentin (Les Républicains - Haute-Loire )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > établissements de santé

Titre > Investissement sur le vieillissement

Question publiée au JO le : 06/06/2023
Réponse publiée au JO le : 14/06/2023 page : 5775

Texte de la question

Mme Isabelle Valentin alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur les conséquences de la vision court-termiste des agences régionales de santé sous la tutelle du ministère. En 2040, la France comptera un habitant sur trois de plus de soixante ans soit un tiers de la population. Il s'agit d'un choc démographique sans précédent qui s'accentuera durant les deux décennies à venir et qui pose de redoutables équations économiques et sociales. En Haute-Loire, la part des personnes de 75 ans ou plus doublera. Par conséquent, selon les estimations, à l'horizon 2030, la Haute-Loire comptera 4 000 groupe iso-ressources (GIR) 1 et 2 de plus. Comment va-t-on gérer le vieillissement de la population à un horizon 2030 puis 2040 ? La vision très court-termiste du Gouvernement sur les investissements futurs, semble inquiétante tant ses conséquences sont nombreuses. À titre d'exemple, à Saint-Maurice-de-Lignon, un nouvel Ehpad dernière génération est actuellement en construction. Pour des raisons purement financières, l'ARS refuse de financer les 14 chambres supplémentaires actées et propose de les construire à une date ultérieure. Cette situation est grandement regrettable. En effet, en janvier 2023, la construction de ces places supplémentaires coûtait 500 000 euros. Aujourd'hui, selon les dernières estimations, le coût est de 637 000 euros, soit une perte de 137 000 euros en l'espace de 5 mois. Dès lors, le surcoût lié à la stagnation du projet est conséquent. Ces 14 lits supplémentaires auraient induit une baisse de quatre euros du forfait jour pour les résidents, une baisse qui s'avère primordiale pour un département dont la retraite moyenne est d'environ 900 euros. Par ailleurs, deux très beaux projets caractérisés comme « Ehpad de demain » sur les communes de Coubon et Beaux-Malataverne, correspondant en tous points à ce qui avait été voté à l'unanimité en commission des affaires sociales ont été rejetés par l'ARS. Mme la députée s'interroge sur les décisions prises par l'ARS qui sont en totale contradiction avec la réalité du terrain et le vote des élus. Ainsi, elle demande un peu plus de pragmatisme et de bon sens. Par conséquent, elle demande d'une part au Gouvernement le financement de ces 14 lits supplémentaires au sein de l'Ehpad de Saint-Maurice-de-Lignon ainsi que la réalisation des deux projets mentionnés correspondants à l'Ehpad de demain. Elle lui demande quelle stratégie d'investissement, à court, moyen et long terme, il compte mettre en place face au vieillissement croissant de la population.

Texte de la réponse

INVESTISSEMENTS LIÉS AU VIEILLISSEMENT


Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour exposer sa question, n°  371, relative aux investissements liés au vieillissement.

Mme Isabelle Valentin. Monsieur le ministre délégué, je vous alerte sur les conséquences du manque de réactivité et de pragmatisme des agences régionales de santé (ARS). Les plus de 60 ans représentent 26 % des Français – c'est plus d'un sur quatre ; en 2040, ce sera près d'un sur trois. Ce choc démographique sans précédent, qui s'accentuera dans les deux décennies à venir, complique l'équation économique et sociale.

Dans mon département, la Haute-Loire, la part des personnes de plus de 75 ans doublera, passant de 11 % en 2028 à 22 % en 2070. Le nombre de patients catégorisés GIR – groupe iso-ressources – 1 et 2 explosera. Comment gérerons-nous cette transformation démographique ? Quels moyens humains et matériels, quels hébergements, quels financements sont prévus pour faire face au vieillissement de la population ?

Au vu de ce phénomène, le court-termisme des ARS en matière d'investissement est inquiétant, tant ses conséquences sont nombreuses. Citons trois exemples tirés de ma circonscription.

À Beaux-Malataverne, le projet de construction d'un Ehpad de demain a été retoqué par l'ARS, au motif qu'il ne satisfaisait pas les critères imposés par celle-ci. Pourtant, ce projet comblait de nombreuses attentes et correspondait en tout point aux objectifs définis dans la mission flash « l'Ehpad de demain : quels modèles ? », présentée en commission des affaires sociales le 2 mars 2022. Il prévoyait des chambres fonctionnelles de 30 mètres carrés, un grand lieu de vie dans lequel les soins pouvaient être réalisés, ainsi qu'un coin nuit et un coin jour séparés.

À Coubon, un projet d'Ehpad situé au cœur de la commune et offrant des prestations de grande qualité a été refusé par l'ARS pour les mêmes raisons.

Troisième exemple : à Saint-Maurice-de-Lignon, un nouvel Ehpad de dernière génération est en construction. Afin de pallier le manque croissant de places en Ehpad, la commune et les professionnels de santé du secteur demandent la création de quatorze lits supplémentaires, qui permettraient de réduire la facture des futurs résidents de 4 euros par jour. Si l'ARS a donné son accord, elle refuse pour des raisons purement financières de prendre en charge le coût de ces chambres supplémentaires et propose de repousser leur construction à une date ultérieure.

La situation est ubuesque : en janvier, la construction de ces places supplémentaires coûtait 500 000 euros ; cinq mois plus tard – aujourd'hui –, en raison de l'inflation, elle coûte 635 000 euros, soit 137 000 euros de plus. Comment pouvons-nous gérer la France d'une façon si peu visionnaire ? Qui peut se le permettre ?

Quelle est votre stratégie d'investissement dans l'ensemble des territoires, à court, moyen et long terme, face au vieillissement croissant de la population ? J'ai bien compris que le Président de la République demandait à tous les ministères de réaliser 5 % d'économies, afin de réduire la dépense publique. Toutefois, lors d'une audition en commission des affaires sociales, M. Philippe Martin a signifié qu'il n'était pas judicieux de freiner l'investissement, car cela aurait un effet inverse sur l'inflation. Êtes-vous d'accord avec ces propos ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer. Sachez que les projets que vous évoquez relèvent du champ des plans pluriannuels d'investissement des conseils départementaux, c'est-à-dire d'une compétence locale, même si je sais bien que lorsque les choses vont mal, on tend à se tourner vers l'État. L'ARS n'intervient que sur les projets les plus stratégiques, grâce à une subvention dans le cadre du plan d'aide à l'investissement (PAI), afin de limiter l'impact financier pour l'usager – les Ehpad de Haute-Loire ont ainsi bénéficié de plus de 5,7 millions d'euros depuis 2019.

S'agissant plus spécifiquement de l'Ehpad de Saint-Maurice-de-Lignon, le projet de reconstruction a été fortement soutenu par l'ARS, au moyen d'une subvention de 2,9 millions d'euros, soit 30 % du montant global. Le dossier a été validé sans extension de capacité d'établissement, non pour des raisons financières, mais au vu des besoins départementaux actuels et à venir.

Selon les projections, le département dispose en effet d'un taux d'équipement favorable. En outre, des travaux sont en cours afin de répartir au mieux l'offre au sein de ce territoire – je pense notamment aux deux projets de reconstruction que vous citez et qui correspondent à votre vision de ces établissements. Contrairement à ce que vous indiquez – nous n'avons pas les mêmes informations –, le projet d'Ehpad de Beaux-Malataverne n'a pas été rejeté. Il a été retiré par le promoteur en mars dernier, au vu de l'inflation, de l'instabilité des coûts et d'un besoin de réflexion sur la situation globale de la structure.

Quant au projet d'Ehpad à Coubon, il est actuellement à l'étude. Eu égard aux éléments reçus, le projet paraît soutenable et répond aux attendus d'évolution. Une réponse est prévue, comme pour tous les projets de la région, d'ici à novembre.