Question orale n° 388 :
Centre pénitentiaire de Béziers

16e Législature

Question de : Mme Emmanuelle Ménard
Hérault (6e circonscription) - Non inscrit

Mme Emmanuelle Ménard attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le centre pénitentiaire de Béziers.

Réponse en séance, et publiée le 14 juin 2023

CENTRE PÉNITENTIAIRE DE BÉZIERS
Mme la présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour exposer sa question, n°  388, relative au centre pénitentiaire de Béziers.

Mme Emmanuelle Ménard. Ma question s'adressait initialement au garde des sceaux. Depuis de nombreux mois maintenant, le centre pénitentiaire de Béziers est le lieu d’un important trafic de stupéfiants. En témoignent les importantes saisies de résine de cannabis, dont je tiens la liste à disposition du ministre. Le 2 octobre dernier, 648 grammes ont été saisis ; le 27 octobre, 900 ; le 13 novembre, 500 ; le 4 décembre, 498 ; le 22 et le 24 février, 375. La liste des saisies, en réalité bien plus longue, démontre à elle seule l'existence de trafics de stupéfiants structurés et de grande ampleur à destination du centre pénitentiaire.

Les envois de colis sont réguliers. Ils ont lieu quasiment toutes les nuits. Tous les jours ou presque, une échelle est collée sur le mur d'enceinte de la prison. Dès que l'on en retire une, une autre réapparaît le lendemain. Les lanceurs de colis parviennent ainsi à escalader le mur antiprojections et lancent ensuite le colis dans l'enceinte de la prison. Malheureusement, le temps que les surveillants arrivent, les détenus parviennent à récupérer les paquets en moins de dix minutes avec – il faut bien le reconnaître – une certaine habileté.

Ces trafics incessants ont pour conséquence directe une charge de travail très importante pour le commissariat de police de Béziers qui, en l’absence d’augmentation de ses effectifs, ne peut plus absorber l’ensemble des incidents en détention liés aux stupéfiants. La chaîne judiciaire pénale est également fortement mobilisée. La quasi-totalité des réponses pénales apportées sont d'une grande fermeté dès lors que sont identifiés les auteurs de trafics – y compris à l'encontre des projeteurs, mêmes mineurs, qui font presque systématiquement l’objet d’un déferrement.

Lors de ma dernière rencontre avec la directrice du centre pénitentiaire de Béziers et avec le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse, à la fin du mois d'avril, nous avons une nouvelle fois évoqué la nécessité de mettre en place des dispositifs antiprojections enfin efficaces, le plus rapidement possible. Il semblerait même que les crédits permettant de les installer soient disponibles ! Il ne manque que l'accord du garde des sceaux. Quand donnera-t-il enfin son feu vert ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Construit en 2009, le centre pénitentiaire de Béziers possède une capacité d'accueil de 810 places et héberge actuellement 975 détenus. Son taux d'occupation a connu une baisse, passant de 133 % au 1er juin 2022 à 120 % en juin 2023. Cet établissement a fait l'objet de travaux d'envergure ces dernières années. Ceux-ci ont visé le remplacement d'un certain nombre de dispositifs de surveillance, comme les œilletons, mais aussi la création, en 2022, de nouveaux locaux pour accueillir les équipes locales de sécurité pénitentiaire. En outre, un quartier de semi-liberté hors enceinte de vingt et une places, pour lequel le montant des travaux a atteint 4 millions d'euros, sera livré dans le courant de l'année 2023.

S'agissant du problème particulier que vous évoquez, un mur antiprojections a été construit en 2018 pour un montant de 1,27 million d'euros. Une expression de besoin a également été émise, en vue d'installer un filet antiprojections. Que les choses soient claires : cette expression de besoin a été formulée dans de nombreuses prisons, partout en France. Le déploiement de filets antiprojections est donc une priorité nationale. Pour preuve, dix-sept opérations de ce type – extensions de filets ou renforcement de grillages, notamment – ont été réalisées en 2022 pour 6 millions d'euros. Ont ainsi bénéficié de ces travaux les établissements – pour n'en citer que quelques-uns – de Périgueux, de Béthune, d'Avignon et de Toulon. S'agissant de Béziers, le garde des sceaux étudiera avec une grande attention les résultats de l'expertise en cours pour envisager de nouvelles solutions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. La situation actuelle est telle, madame la ministre déléguée, que les détenus en arrivent à se moquer littéralement de l'administration pénitentiaire. Au centre pénitentiaire, je les ai vus lancer des sortes de cannes à pêche pour récupérer des colis. Ils vont très vite et l'habileté dont je vous parle n'est pas qu'un mot : elle est réelle. Le nombre de dossiers en attente au commissariat augmente toujours davantage. Les policiers ont l'impression d'un puits sans fond et, il faut bien le dire, considèrent qu'ils perdent leur temps en procédures. À chaque fois que l'administration pénitentiaire récupère un colis, elle contacte en effet les agents du commissariat de police nationale de Béziers qui sont obligés de se déplacer et de réaliser une procédure de saisie, qui représente une perte de temps considérable pour eux. Les agents de la justice ont, eux aussi, une impression terrible de gâchis : en effet, le problème pourrait aisément être réglé ou, à tout le moins, circonscrit. Au lieu de cela, les dossiers du centre pénitentiaire prennent beaucoup de temps aux services du tribunal qui – c'est tout à leur honneur – ne veulent pas laisser ces actes impunis.

Pour en avoir discuté avec le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse, je sais que les crédits sont disponibles. Je remercie M. le garde des sceaux de porter une attention particulière à l'amélioration des dispositifs mais aujourd'hui, il faut prendre une décision. Nous n'attendons plus une attention particulière mais une décision du ministère de la justice et la réalisation des travaux. Une expérimentation est en cours dans d'autres centres pénitentiaires, fort bien. Mais Béziers a vraiment besoin de travaux car c'est toute la chaîne englobant la police, la justice et l'administration pénitentiaire qui est pénalisée au quotidien. Cela ne peut plus durer.

Données clés

Auteur : Mme Emmanuelle Ménard

Type de question : Question orale

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 juin 2023

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