Référendum local sur les réserves d'irrigation en Deux-Sèvres
Question de :
Mme Delphine Batho
Deux-Sèvres (2e circonscription) - Écologiste - NUPES
Mme Delphine Batho interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la position du Gouvernement concernant la proposition d'un référendum local sur le projet contesté de construction de 16 grandes retenues d'eau destinées à l'irrigation agricole dans le bassin Sèvre Niortaise - Mignon. Conformément à l'article L. 123-20 du code de l'environnement, le Gouvernement, qui a autorisé ces infrastructures financées par les fonds publics de l'agence de l'eau, dispose de la faculté d'arrêter les travaux en cours pour consulter les citoyennes et citoyens sur ce projet qui a une incidence sur la ressource en eau, laquelle constitue un bien commun. Aux termes des dispositions du code de l'environnement, seul l'État peut convoquer par décret ce référendum, pour que les électrices et les électeurs répondent à la question : « Approuvez-vous le projet de construction de 16 réserves de substitution dans le bassin de la Sèvre Niortaise - Mignon, oui ou non ? ». Cette consultation pourrait se tenir dans un délai de deux mois à compter de la publication du décret. Au regard des incidences sur l'environnement de ce projet pour les rivières et l'eau potable, le périmètre du territoire concerné doit être celui de la bio-région, à savoir les 120 communes situées dans l'aire géographique du contrat territorial de gestion quantitative Sèvre Niortaise - Mignon. Aussi, elle lui demande de bien vouloir faire connaître la position du Gouvernement sur cette proposition de bon sens, destinée à apporter une issue démocratique à même d'éviter une guerre de l'eau dans les Deux-Sèvres.
Réponse en séance, et publiée le 7 décembre 2022
RÉFÉRENDUM SUR LES RÉSERVES D'IRRIGATION DANS LES DEUX-SÈVRES
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour exposer sa question, n° 38, relative au référendum sur les réserves d'irrigation dans les Deux-Sèvres
Mme Delphine Batho. Nous avons changé d'époque, et le temps où l'État imposait de force aux territoires des infrastructures est révolu. C'est encore plus vrai lorsqu'il s'agit d'un bien commun vital, l'eau, et que le réchauffement climatique s'accélère. L'eau qui manque dans les Deux-Sèvres et qui est surconsommée, c'est l'eau de nos rivières asséchées, c'est l'eau des nappes phréatiques vidées, c'est l'eau qui nous nourrit, c'est l'eau que l'on boit. Et on n'aurait pas le droit de s'exprimer, on n'aurait pas notre mot à dire quand l'État autorise et finance la construction de seize grandes réserves d'irrigation, passe en force contre l'avis des acteurs locaux et lance les travaux.
Madame la secrétaire d'État, quand un conflit se durcit, la sagesse, c'est d'écouter, la responsabilité politique, c'est d'ouvrir la voie à la démocratie, à l'échange de paroles, ce n'est pas d'imposer un rapport de force. Le Gouvernement peut ainsi appliquer dans les Deux-Sèvres l'article L. 123-20 du code de l'environnement en organisant, dans un délai de deux mois, un référendum local pour poser aux habitants des 120 communes concernées la question suivante : « Approuvez-vous, oui ou non, le projet de construction de seize réserves d'irrigation dans le bassin de la Sèvre niortaise ? » Quelle est la position du Gouvernement sur cette proposition de bon sens ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie. La question de l'usage de l'eau est nécessairement liée à celle du partage de cette ressource. Cela implique de se concerter avec les usagers locaux, afin de garantir un partage équilibré qui réponde aux besoins de chacun.
La nécessité de mener des concertations constitue le cœur de votre question et c'est exactement ce que l'État a fait dans le cadre du projet des seize grandes retenues d'eau destinées à l'irrigation agricole dans le bassin de la Sèvre niortaise et du Mignon. En effet, l'État a proposé à tous les acteurs du territoire un cadre d'échanges et de travail en commun pour aboutir à un projet équilibré. Le protocole adopté en 2018, qui en est le fruit, a été signé en présence des élus de toutes les sensibilités. S'agissant de la méthode, il ne me semble donc pas opportun d'organiser un référendum.
Sur le fond, les agriculteurs doivent être en mesure de faire face aux sécheresses à venir et d'assurer notre souveraineté alimentaire. Les réserves de substitution dont il est ici question s'inscrivent dans des projets plus globaux qui tiennent compte de l'ensemble des usages de l'eau et qui s'accompagnent de transformations des pratiques.
Ainsi, pour ce qui concerne le projet relatif aux Deux-Sèvres, le protocole d'accord est conditionné à des engagements ainsi qu'à des contreparties, telles que la baisse des prélèvements d'eau et la réduction de 50 % de l'usage de pesticides d'ici à 2025.
Je tiens également à souligner que les études du BRGM – Bureau de recherches géologiques et minières – montrent l'intérêt des réserves de substitution dans le bassin de la Sèvre niortaise, afin d'augmenter le débit des cours d'eau et de gagner en hauteur de nappe en période d'étiage.
Plus généralement, votre question nous invite à réfléchir aux moyens de mieux anticiper la diminution de la ressource en eau et de mieux nous préparer aux futures sécheresses.
Pour tirer tous les enseignements de la gestion de la crise liée aux sécheresses de cette année, j'ai lancé une mission d'inspection, qui livrera un retour d'expérience au cours du premier semestre 2023. Mais au-delà de la gestion de crise, c'est bien la gestion structurelle de l'eau et son partage qu'il convient de conforter. C'est tout l'objet du chantier que j'ai lancé avec Christophe Béchu et Agnès Firmin-Le Bodo. Celui-ci se décline en trois axes : la sobriété de nos usages, la garantie de l'accès à une eau potable de qualité et la restauration du grand cycle de l'eau. Ce travail s'inscrit dans la continuité des assises de l'eau et du Varenne agricole.
Soyez donc assurée que nous sommes pleinement mobilisés pour engager une réelle transition.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Premièrement, le protocole que vous évoquez n'existe plus depuis au moins deux ans. L'association Deux-Sèvres Nature Environnement s'en est retirée il y a un an, tout comme l'Association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques. Le dialogue est rompu.
Deuxièmement, les engagements agroécologiques qui étaient envisagés sont piétinés. En effet, 90 % des agriculteurs et des agricultrices concernés par les ouvrages de Sainte-Soline, en cours de construction, et de Mauzé-sur-le-Mignon, déjà achevé, n'ont pris aucun engagement en matière de diminution de l'usage des pesticides.
Au fond, vous reproduisez les mêmes déclarations martiales que les précédents gouvernements à l'égard des grands projets de Notre-Dame-des-Landes, de Sivens, ou d'EuropaCity, dont ils assuraient qu'ils seraient menés à leur terme. Mais vous ne comprenez pas que ce qui se passe dans les Deux-Sèvres a pris une dimension nationale et que le projet de construction de retenues d'eau finira par être abandonné.
Permettre aux habitantes et aux habitants de se prononcer, en arrêtant les travaux et en rétablissant les conditions d'un dialogue serein, c'est gagner du temps et éviter beaucoup de souffrances.
Auteur : Mme Delphine Batho
Type de question : Question orale
Rubrique : Eau et assainissement
Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 novembre 2022