16ème législature

Question N° 390
de M. Charles Fournier (Écologiste - NUPES - Indre-et-Loire )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère attributaire > Transition écologique et cohésion des territoires

Rubrique > eau et assainissement

Titre > Gestion résiliente et concertée de l'eau

Question publiée au JO le : 06/06/2023
Réponse publiée au JO le : 14/06/2023 page : 5792

Texte de la question

M. Charles Fournier attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l'insuffisance du plan d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau au regard de l'urgence climatique. Cette question orale sans débat a été rédigée par un groupe de citoyens membres du parlement de circonscription, une expérience de démocratie permanente unique en France que M. le député a créée à Tours. Le parlement de circonscription se compose d'un collège de 75 participants tirés au sort équitablement répartis entre citoyens tourangeaux, acteurs de la société civile et représentants de forces politiques. À l'occasion d'une session du parlement de circonscription, les participants ont pu assister à des auditions et envisager l'eau tour à tour comme un objet juridique, symbolique, patrimonial et politique. Certains d'entre eux ont décidé de prolonger le travail sur ce sujet et se sont constitués en commission afin d'interpeller M. le ministre à travers cette question orale sans débat. En Indre-et-Loire, la raréfaction de la ressource en eau et son partage sont au cœur des réflexions. La situation est alarmante : le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a annoncé des nappes phréatiques au plus bas. Le manque d'eau se répète mois après mois, avec un déficit de précipitation de près de 60 % pour le mois de février 2023. Le débit des cours d'eau (déficit global entre 60 % et 90 %) et le niveau des nappes (recharge hivernale inférieure à 2022) ont été très préoccupants lors de la période hivernale 2022-2023. Même en cas de pluviométrie excédentaire sur les prochaines semaines la reconstitution des réserves souterraines d'ici au printemps reste difficilement envisageable. En conséquence, le département d'Indre-et-Loire a été placé en vigilance sécheresse à compter du 16 mars 2023, un mois plus tôt que l'année précédente. L'ampleur des sécheresses et ses conséquences pour l'environnement et la santé montrent concrètement l'urgence d'agir sur les territoires. En ce sens, on se félicite que l'eau soit devenue une priorité de la planification écologique du Gouvernement. Cependant, le plan d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau présenté en avril 2023 par le Président de la République n'est pas à la hauteur des défis. Premièrement, la qualité de l'eau est remise en cause par les pollutions chimiques qui impactent la santé de toutes et tous. En Indre-et-Loire, douze sites sont contaminés aux PFAS, des polluants dits éternels, selon une étude de Forever Pollution Project datant de 2023. Pour autant, le sujet de la pollution de l'eau dès la captation est le grand absent du plan d'action. Envisage-il de mettre en place le principe du « pollueur payeur », en taxant les pollutions agricoles et industrielles à la hauteur du coût des dommages environnementaux, sociaux et économiques ? M. le ministre indique, qu'en phase d'installation de nouveaux agriculteurs sur des aires d'alimentation de captage, les projets s'inscrivant dans une démarche agro-écologique et d'agriculture biologique seront favorisés. En complément, il faudrait préférablement établir une charte spécifique pour les parcelles en périmètre de points de captage, détaillant tous les produits à proscrire ou quantités à ne pas dépasser. M. le ministre prévoit-il de rendre obligatoire le passage en agriculture biologique de toutes les parcelles agricoles présentes sur le périmètre de captage, nécessitant la définition d'un cahier des charges strict en matière environnementale ? Enfin, M. le ministre propose une tarification progressive et responsabilisante de l'eau. M. le député et le collectif citoyen du parlement de circonscription pensent en effet qu'une protection juridique forte de l'accès à l'eau doit être notre priorité. L'accès à l'eau est un bien commun et un droit universel. Dans une période d'inflation et d'augmentation de la sécheresse, ce droit doit être réaffirmé fortement et garanti pour les concitoyens. Quel que soit son revenu, chaque citoyen doit avoir accès à l'eau potable en qualité et en quantité suffisantes. Ainsi, M. le député et le collectif citoyen du parlement de circonscription demandent la garantie d'un seuil minimum d'eau pour tous, qui est un levier de justice sociale et environnementale et souhaitent connaître quelles mesures M. le ministre compte mettre en œuvre pour garantir juridiquement l'accès à l'eau pour tous. Ils le remercient de bien vouloir prendre en considération ces questions pour travailler à un plan ambitieux alliant concertation démocratique sur le sujet de l'eau et volonté politique à la hauteur des enjeux.

Texte de la réponse

GESTION DE L'EAU


Mme la présidente. La parole est à M. Charles Fournier, pour exposer sa question, n°  390, relative à la gestion de l'eau.

M. Charles Fournier. J'éprouve une certaine fierté à poser cette question, car elle a été élaborée par les soixante-quinze membres du parlement de circonscription que j'y ai réunis, après qu'ils ont mené des auditions sur l'eau. Cette initiative peut constituer une source d'inspiration pour redonner de la vitalité démocratique dans notre pays.

En Indre-et-Loire, la situation est alarmante : le Bureau de recherches géologiques et minières nous a annoncé que les nappes phréatiques sont au plus bas. Le manque d’eau s'accentue mois après mois, avec un déficit de précipitation de près de 60 % pour le mois de février. Le débit des cours d’eau a diminué entre 60 % et 90 % et le niveau des nappes a baissé, deux évolutions très préoccupantes observées au cours de la période hivernale 2022-2023. En conséquence, le département d’Indre-et-Loire a été placé en vigilance sécheresse à compter du 16 mars 2023, un mois plus tôt que l’année précédente.

Les citoyens composant le parlement de circonscription ont souhaité vous alerter, avec moi, au sujet des insuffisances du plan d’action du Gouvernement pour une gestion résiliente et concertée de l’eau. Premièrement, la qualité de l’eau est remise en cause par les pollutions chimiques qui affectent la santé de tous. En Indre-et-Loire, douze sites sont contaminés aux substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (Pfas), des polluants dits éternels, selon une étude publiée par Forever Pollution Project en 2023. Or le sujet de la pollution de l’eau est le grand absent de votre plan d’action. Envisagez-vous d'appliquer le principe du pollueur-payeur, en taxant les pollutions agricoles et industrielles à la hauteur du coût des dommages environnementaux, sociaux et économiques qu'elles entraînent ?

Deuxièmement, vous indiquez qu'en phase d’installation de nouveaux agriculteurs sur des aires d’alimentation et de captage, les projets s’inscrivant dans une démarche agroécologique et d’agriculture biologique seront favorisés. Mais s'il faut entendre par là l'agriculture à haute valeur environnementale, cela ne nous semble pas du tout satisfaisant. Du reste, même l’agriculture biologique ne garantit pas, par exemple, contre l'utilisation du cuivre pour contrôler diverses maladies fongiques ou bactériennes, qui entraîne de vrais problèmes. Prévoyez-vous un cahier des charges plus strict en matière environnementale qui exclurait tous les intrants lors de l'installation de nouveaux agriculteurs sur des aires d’alimentation et de captage ?

Troisièmement, vous proposez une tarification progressive de l’eau, qui responsabilise ceux qui l'utilisent. Nous sommes d'accord avec le principe, mais nous pensons qu'il faut aller plus loin. Les premiers mètres cubes devraient être gratuits, comme dans la tarification progressive instaurée par la ville de Montpellier. Êtes-vous favorable à une telle tarification progressive ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement. Je vous félicite, monsieur le député, de votre méthode participative : je profite d'ailleurs de cette occasion pour saluer les élèves présents dans les tribunes. Je m'assiérai ce soir, en Seine-Saint-Denis, à une table de quartier : vous savez à quel point je suis attaché à cette pédagogie, à quel point je souhaite une politique de la ville coconstruite avec les habitants.

Pour en revenir à notre sujet, vous savez qu'une large concertation auprès des parties prenantes a débouché sur un plan « eau » à trois axes : s'engager dans la sobriété, optimiser la disponibilité de la ressource et préserver sa qualité. La protection des ressources destinées à la production d'eau potable constitue une priorité du Gouvernement : une action forte et coordonnée est nécessaire pour que les aires d'alimentation et de captage soient pourvues d'outils visant à réduire la pression agricole sur les ressources utilisées pour la consommation humaine. Le plan « eau » met donc l'accent sur la prévention des pollutions agricoles au sein de ces aires, qui seront dotées d'ici à 2027 d'un plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux : cette démarche sera réalisée, en concertation avec les acteurs concernés, sous la responsabilité du responsable de la production et de la distribution de l'eau autour du captage. Le préfet prendra des mesures pour juguler le risque en cas de dépassement des seuils de qualité par un pesticide ou son métabolite, et pourra intervenir plus rapidement si les concentrations en nitrates s'approchent des seuils sanitaires. En outre, par l'intermédiaire des agences de l'eau, le soutien aux pratiques agricoles à bas niveau d'intrants sera renforcé, dans ces aires, de 100 millions d'euros.

Je vous rappelle également qu'une ordonnance, assortie de textes réglementaires, a été prise en décembre 2022 afin de transposer la directive européenne « eau potable » du 16 décembre 2020. Elle réaffirme le droit de chacun à bénéficier d'un accès quotidien à l'eau potable, et le décret du 29 décembre 2022, pour la première fois, exprime en chiffres la « quantité suffisante d'eau destinée à la consommation humaine » : entre 50 et 100 litres par jour et par personne – d'après l'Organisation mondiale de la santé, 50 litres sont nécessaires à des conditions de vie décentes, 100 litres à un réel confort. La tarification de l'eau relevant des collectivités, celles-ci peuvent prendre des mesures afin d'aider les foyers précaires à régler leurs factures d'eau. Un décret visant à faciliter l'accès aux données nécessaires à la mise en œuvre d'une politique sociale de l'eau est en cours de finalisation. Enfin, le Conseil économique, social et environnemental sera prochainement saisi en vue de recommandations conciliant impératifs sociaux et écologiques en matière de tarification progressive de l'eau.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Fournier.

M. Charles Fournier. Je vous invite, monsieur le ministre délégué, à vous intéresser au conseil local de sobriété énergétique dont s'est dotée la métropole de Tours : s'agissant de gestion de l'eau, c'est non pas un plan descendant qui pourra fonctionner, mais une logique ascendante, à laquelle soient associés tous les acteurs locaux. Vous êtes favorable à la participation des citoyens : en voilà un exemple.