16ème législature

Question N° 392
de M. Philippe Juvin (Les Républicains - Hauts-de-Seine )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Enseignement supérieur et recherche
Ministère attributaire > Enseignement supérieur et recherche

Rubrique > enseignement supérieur

Titre > Favoriser l'insertion professionnelle des jeunes

Question publiée au JO le : 06/06/2023
Réponse publiée au JO le : 14/06/2023 page : 5771

Texte de la question

M. Philippe Juvin interroge Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'inadéquation entre la formation et les besoins du marché du travail. Si depuis deux ans, le marché du travail connaît une belle dynamique, avec un taux de chômage estimé à 7,3 % au premier trimestre 2023 - contre moins de 6 % pour l'Union européenne, paradoxalement, jamais autant de postes n'ont été à pourvoir. Plus de la moitié des entreprises déclarent rencontrer des difficultés de recrutement selon la dernière enquête de conjoncture de la Banque de France. Tous les secteurs d'activité sont concernés. L'une des raisons réside dans les difficultés d'accès au marché du travail des jeunes, avec une grave inadéquation entre la formation et les besoins des entreprises. En 2021, le taux d'emploi des jeunes figure parmi les plus faibles d'Europe : 33 % en 2021 contre 50 % en Autriche, au Danemark ou aux Pays-Bas. Les NEETS (ni étudiant, ni en emploi, ni en formation) représentent encore près de 12 % en 2022 des 15-29 ans. Depuis 20 ans, les politiques en faveur de la formation se sont multipliées ; force est pourtant de constater que les plans massifs de formation et l'élévation du niveau de diplôme ont peu de prise sur cette inadéquation. Le système français d'orientation n'est pas adapté aux besoins de l'économie et aux attentes des jeunes. À titre d'exemple, seuls 6,1 % des étudiants sont inscrits dans des écoles d'ingénieurs qui mènent à des métiers dans lesquels les recrutements sont les plus nombreux. Résoudre ce problème implique d'actionner plusieurs leviers : réflexion profonde sur l'attractivité des filières, fermeture des formations manifestement trop éloignées des besoins du marché du travail (sciences molles telles que la sociologie etc.), permettre aux industriels le développement de leurs propres diplômes - reconnus - en fonction de leurs besoins réels, ouvrir la possibilité pour les établissements de santé de former leurs propres médecins. Dans ce contexte et afin que l'école et le système d'enseignement supérieur français retrouvent enfin le chemin de réussite pour tous, il souhaiterait connaître les mesures qu'entend prendre le Gouvernement pour favoriser l'insertion des jeunes sur le marché du travail.

Texte de la réponse

INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEUNES


Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Juvin, pour exposer sa question, n°  392, relative à l'insertion professionnelle des jeunes.

M. Philippe Juvin. Lorsqu'on demande aux chefs d'entreprise quel est leur principal problème, ils répondent tous qu'ils ne parviennent pas à embaucher, ce qui est proprement invraisemblable et extravagant quand on sait que notre pays compte 5 millions de chômeurs.

L'une des raisons expliquant ce phénomène est probablement l'inadéquation de notre système de formation avec les besoins réels du pays. Pour y remédier, le groupe Les Républicains souhaite formuler trois propositions, sur lesquelles il aimerait connaître votre avis, madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Nous proposons pour commencer la fermeture des filières qui conduisent à une impasse. Les sciences sociales sont à cet égard intéressantes en ce qu'elles concentrent 30 % des étudiants en master 2, mais seulement 2 % des postes de chercheur en entreprise. En effet, les chercheurs dont nous avons besoin ne sont pas des chercheurs en sciences sociales, mais en physique, en chimie, en médecine, ou en informatique. Fermez donc des filières dans ce premier domaine et ouvrez-en dans les autres.

Notre deuxième proposition a trait aux diplômes. En France, créer un diplôme demeure en effet une entreprise compliquée, nécessitant des mois, voire des années lorsque le diplôme est complexe ; et le temps qu'il voie le jour, le monde a changé, tout comme les besoins. Ainsi faudrait-il que nous parvenions ensemble à raccourcir les délais de création des diplômes, en accélérant leur validation, en ouvrant la possibilité de les valider a posteriori pour gagner du temps – même si des dispositifs sont actuellement en vigueur dans ce domaine –, voire en donnant aux entreprises la liberté de créer leurs propres diplômes. Notre appareil de formation doit s'adapter aussi vite qu'évoluent les besoins du monde.

Enfin, troisième aspect, ayez une vision des vrais besoins du pays. Je sais que vous y travaillez, mais j'aimerais que nous fassions le point sur cette question, car mon impression est que nous avançons dans le noir, comme des somnambules.

Je rappelle que les entreprises doivent se doter de ce qu'on appelle une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). L'expression est un peu barbare, mais elle signifie que les entreprises s'efforcent de se projeter en identifiant leurs besoins à un an, cinq ans, dix ans. La nation doit faire la même chose et se demander de combien de chauffeurs de bus, de couvreurs, de physiciens, de chimistes, de chercheurs dans le domaine nucléaire elle aura besoin dans cinq ans et dans dix ans. C'est à cette condition que nous cesserons d'avancer à tâtons et que nous pourrons adapter notre système universitaire et nos écoles aux besoins réels du pays.

J'insiste, il est absolument fondamental d'améliorer l'adaptation de notre système de formation au monde qui change : à défaut, nous continuerons d'avoir des millions de chômeurs d'un côté, et des millions de chefs d'entreprise incapables de recruter de l'autre. Et quand je parle de chefs d'entreprise, j'inclus dans cette dénomination les directeurs d'hôpital, les maires, les patrons de collectivité locale qui cherchent à recruter des profils qui n'existent actuellement pas sur le marché du travail.

Je le répète une nouvelle fois : l'adéquation entre la formation et les besoins réels du monde constitue une condition absolument fondamentale de la prospérité du pays.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. J'entends votre constat et les différents points que vous avez évoqués. Sachez que nous travaillons sur l'offre de formation, ainsi que sur son évolution.

Je tiens d'abord à vous signaler que les taux d'insertion des diplômés de niveau bac + 5 sur le marché du travail sont plutôt bons, de l'ordre de 90 %, notamment chez les titulaires d'un master d'ingénieur. Nous suivons néanmoins les taux d'échec, en particulier lors du premier cycle, niveau où une régulation doit avoir lieu.

Face aux défis posés par les transitions numérique – dont vous avez parlé –, écologique et énergétique, le Gouvernement renforce son action, en lien avec les branches professionnelles et l'ensemble de l'écosystème de formation, afin de faire évoluer le plus rapidement possible l'offre de formation dans le supérieur.

Pour renforcer notre action dans les domaines de l'information et de l'orientation, nous avons ainsi créé la plateforme InserJeunes et le dispositif InserSup, auxquels participent plusieurs ministères, dont le ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion. D'ores et déjà liés à Parcoursup, ces outils fourniront une information très précise sur les taux d'insertion sur le marché du travail, information qui permettra aux jeunes de faire leur choix d'études et qui nous aidera à faire évoluer les filières de formation.

Pour former les nouveaux talents aux métiers d'avenir, en tension ou en évolution, l'État a également investi 2,5 milliards d'euros dans le cadre du plan France 2030. L'appel à manifestation d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir » permettra de renforcer l'attractivité des formations relatives à ces filières, de les développer ou d'en créer de nouvelles, de les professionnaliser, et de développer de nouvelles compétences.

Enfin, mon ministère a passé des contrats d'objectifs, de moyens et de performance avec tous les établissements, contrats grâce auxquels nous ferons ce que vous appelez la GPEC de la nation. Nous lions ainsi l'évolution de l'offre de formation aux besoins du monde socio-économique, en créant de nouvelles filières et en adaptant les maquettes. Il est possible d'aller vite et, je le répète, nous travaillerons avec les établissements pour améliorer l'agilité de l'offre de formation et l'adapter aux besoins. Le processus est en cours et je reviendrai vers vous dès que possible.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Juvin.

M. Philippe Juvin. Il y a vingt ans, l'arrivée de la série américaine Urgences sur nos écrans a entraîné un pic d'inscriptions en études de médecine. L'un des enjeux est donc l'information des jeunes, leur motivation et leur admiration de beaux métiers. Dans ce domaine également, vous avez un rôle à jouer, en montrant aux jeunes toute la beauté de certains métiers trop ignorés. En effet, de nombreuses professions sont malheureusement méconnues des étudiants si elles ne sont pas exercées par un membre de leur famille. J'insiste, il s'agit selon moi d'un aspect très important dont vous pourriez vous saisir.