RÉINDUSTRIALISATION DE LA SOMME
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour exposer sa question, n° 395, relative à la réindustrialisation de la Somme.
M. Jean-Philippe Tanguy. La 4e circonscription de la Somme – la mienne – a été durement touchée par la désindustrialisation organisée, hélas !, par les gouvernements successifs depuis trois décennies au moins. Or ce territoire riche de nombreuses compétences présente beaucoup d'atouts, qui sont autant de moyens d'y faire revenir des industries. Toutefois, malgré mes efforts pour mobiliser au niveau local et alerter le Gouvernement, plusieurs filières, dont je vais citer quelques exemples, sont laissées à l'abandon. Certes anciennes, ces filières sont pourtant pleines d'avenir, notamment au regard de la transition énergétique.
Je pense tout d'abord à la filière du lin. En effet, la France produit, en particulier dans la Somme, 60 % à 80 % du lin mondial. Hélas, tout se passe, dans ce domaine, comme si nous étions un pays du tiers-monde : bien que nous ayons inventé les méthodes de filature et de traitement du lin, celui-ci est quasi exclusivement exporté vers l'Asie, notamment la Chine, où il est transformé avant d'être réimporté en Europe. Or le lin, qui est utilisé pour l'isolation des bâtiments mais aussi pour la fabrication de tissus industriels, peut contribuer à la transition énergétique. Pourquoi la filière n'est-elle pas assez protégée, valorisée ? Dans la Somme, de petits efforts sont consentis, de petites initiatives voient le jour, mais la filière n'est pas organisée à la hauteur de la production.
Par ailleurs, nous rencontrons, vous le savez, des difficultés pour produire des engrais. Il se trouve que, dans ma circonscription, à Beauval, est implantée une ancienne mine de phosphate qui n'est pas valorisée : personne ne veut étudier les possibilités de la rouvrir. Selon la rumeur locale, elle serait transformée en décharge, ce qui non seulement poserait un problème environnemental mais serait un gâchis énorme. Or, une usine de production d'engrais, située non loin de là, à Mazingarbe, est à l'arrêt. Ainsi, nous avons, séparées de quelques kilomètres, une mine de phosphates et une usine capable de transformer cette matière première en engrais, si précieux pour notre industrie.
Enfin, la culture de la betterave, qui offre d'importantes capacités de production de sucre, est un atout pour la filière industrielle de la chimie verte. Depuis des années, avec d'autres acteurs du territoire, je me bats, en tant que conseiller régional, en tant que député, pour promouvoir cette filière, qui n'en est encore qu'à ses balbutiements.
Voilà trois exemples de filières industrielles qui, si elles étaient relancées, valoriseraient les compétences et les productions locales, notamment agricoles, et créeraient des emplois tout en contribuant à la transition énergétique et climatique. Je ne dis pas que rien n'est fait dans ce domaine, mais les mesures prises ne sont pas du tout à la hauteur.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications. Vous avez raison, il nous faut défendre nos industries dans les territoires, en particulier, s'agissant de votre circonscription, celles du lin, du sucre et des engrais. Pour y parvenir, l'un des outils les plus efficaces dont nous disposions est le programme Territoires d'industrie.
Plusieurs communes de la 4e circonscription de la Somme – Bertangles, Cardonnette, Querrieu, Saint-Vaast-en-Chaussée, Vaux-en-Amiénois, Wiencourt-l'Équipée – font partie d’un territoire d’industrie, que ce soit celui d’Amiens-Albert-Méaulte ou celui de Saint-Quentinois-Tergnier-Est Somme. Ces territoires d’industrie ont élaboré un plan d’action doté d'une gouvernance locale constituée autour d’un binôme composé d’un élu et d’un industriel, pour travailler sur des projets en lien avec le développement des compétences, l’attractivité et le foncier industriel, la transition écologique ou encore l’innovation.
Dans ce cadre, ils ont pu bénéficier d’un soutien de l’État, de la région et des opérateurs pour faciliter la concrétisation de projets ambitieux portés par des industriels, tels que GEF Industrie à Villers-Bretonneux, qui a bénéficié d’une subvention de 400 000 euros pour moderniser et agrandir sa ligne de fabrication de lubrifiants. Ainsi, le programme Territoires d’industrie a permis de travailler très concrètement avec les collectivités et les industriels, à la reconquête industrielle au plus près des projets des territoires.
Fort de ce bilan positif, le Gouvernement prépare la prolongation du programme pour la période 2023-2027, autour d’une offre de services renforcée pour les territoires. Nous continuerons ainsi de veiller à ce que tous les territoires puissent continuer à bénéficier de ce dispositif au service de la réindustrialisation du pays. Le Gouvernement est à votre disposition pour étudier tout projet industriel dont vous auriez connaissance.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy. Merci, monsieur le ministre délégué. Les deux programmes, je vous en donne acte, existent bien, et l'entreprise que vous avez mentionnée, avec laquelle j'étais en contact, a bien reçu cette subvention : je remercie le Gouvernement pour cette action. Puisque vous m'y invitez, je ferai connaître à vos services ainsi qu'à ceux du préfet, que j'ai déjà sollicités, les filières dont je préconise le développement. Nous pouvons, je crois, faire plus.
J'invite du reste le Gouvernement – et je le dis de manière constructive – à penser de nouveaux modes de réindustrialisation. Pour certaines filières, il peut anticiper et les organiser de manière verticale, même en impliquant les élus. Mais, à l'instar de ce qui se passe aux États-Unis ou en Corée du Sud, par exemple, il faut aussi que cent fleurs s'épanouissent. Certains développements sont imprévisibles : arrosons donc un peu plus large, si vous me permettez l'expression, en donnant plus de libertés et en encourageant davantage l'entrepreneuriat. Il faut encourager ce que nous savons pouvoir réussir mais aussi ce que nous ne savons pas encore pouvoir réussir.