16ème législature

Question N° 396
de M. Andy Kerbrat (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Loire-Atlantique )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > établissements de santé

Titre > Situation des services publics de santé

Question publiée au JO le : 06/06/2023
Réponse publiée au JO le : 14/06/2023 page : 5775

Texte de la question

M. Andy Kerbrat interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur la situation alarmante des services publics de santé en France en général et en Loire-Atlantique en particulier. Le drame qui est survenu le 22 mai 2023 à Reims, causant la mort d'une infirmière attaquée au couteau dans un service de santé du travail du centre hospitalier universitaire (CHU), a ému le pays tout entier. Ce drame était évitable. Cet événement s'inscrit dans la crise globale du système de soin. L'hôpital est et demeure sinistré : M. le ministre en est responsable. Le CHU de Nantes, qui va être détruit pour être relocalisé, en supprimant 400 postes et 231 lits, malgré les 16 000 habitants qui arrivent en Loire-Atlantique chaque année, n'est qu'un exemple parmi d'autres de la gestion absurde des fonds publics et de la maîtrise de M. le ministre d'une reconstruction écologiquement viable. On attend encore le plan massif pour l'hôpital promis par le Président de la République. Les personnels de l'hôpital public supplient M. le ministre et parmi eux, ce sont ceux de la psychiatrie qui paient le plus cher la clochardisation du service public de santé. En Loire-Atlantique, l'intersyndicale alerte d'une suppression d'une cinquantaine de lits, soit 48 % des capacités d'admission sur son territoire, alors que les besoins augmentent. Manque de suivi, temps d'attente qui augmente, maltraitance institutionnelle, pratiques d'un autre temps, insultes et agressions sur le personnel : le secteur psychiatrique, parmi les secteurs du système de santé, est le plus cauchemardesque sans parler de la pédopsychiatrie. La crise des vocations est déjà en cours. Il lui demande si, après avoir échoué à reconstruire l'hôpital, il va également échouer sur l'enjeu de la santé mentale et sa prise en charge et s'il va mettre en place un plan concret dont le pays a besoin ou s'il va encore ouvrir un numéro vert.

Texte de la réponse

SITUATION DES SERVICES PUBLICS DE SANTÉ


Mme la présidente. La parole est à M. Andy Kerbrat, pour exposer sa question, n°  396, relative à la situation des services publics de santé.

M. Andy Kerbrat. En mars 2020, en pleine crise sanitaire, le Président de la République avait promis un refinancement massif de l’hôpital et la rénovation des infrastructures de santé publique grâce à un plan historiquement ambitieux. Promis juré, le Gouvernement allait se pencher sur la crise des vocations à l’hôpital public. On allait reconstruire l’hôpital !

L’hôpital est et demeure sinistré et ce gouvernement et ses prédécesseurs en sont responsables. La maltraitance s'est institutionnalisée : en 2022, on a compté au CHU – centre hospitalier universitaire – de Nantes plus de 310 000 heures supplémentaires travaillées et 280 000 jours d’arrêt de travail pour les soignants, soit plus d’un mois d’arrêt de travail par agent.

Le CHU de Nantes va être détruit pour être relocalisé sur un nouveau site inondable – il s'agit d'une île – et sous-dimensionné : 400 postes et 231 lits y seront supprimés, malgré les 16 000 habitants qui s'installent en Loire-Atlantique chaque année. Voilà un exemple parmi d’autres de la gestion absurde de nos hôpitaux et des fonds publics. La chambre régionale des comptes des Pays de la Loire alerte sur un dérapage des coûts : au lieu des 900 millions initialement prévus, nous atteignons le 1,3 milliard, mais l'État n'a pas prévu de modifier sa participation, laissant le CHU de Nantes s'endetter alors que les lits d'urgence ferment partout en Loire-Atlantique, comme à Ancenis. Nous allons perdre 231 lits alors que nous en avons déjà perdu plus de 400 entre 2007 et 2021. Au lieu de réellement investir pour organiser plusieurs pôles d’urgence sur notre territoire, nous prenons donc le risque de renvoyer les patientes et les patients vers les cliniques privées.

Parmi tous les personnels hospitaliers touchés, ce sont ceux de la psychiatrie qui paient le plus cher la casse de notre service public de santé. En Loire-Atlantique, l’intersyndicale alerte sur la suppression d’une cinquantaine de lits, soit 48 % des capacités d’admission du territoire, alors que les besoins augmentent. Manque de suivi, augmentation du temps d’attente, maltraitance institutionnelle, pratiques d’un autre temps, insultes et agressions envers le personnel : le secteur psychiatrique est sans doute dans l'état le plus cauchemardesque. La suppression du métier d’infirmier psychiatrique et la crise des vocations aggravent encore la situation.

Après avoir échoué à reconstruire l'hôpital public, échouerez-vous également face au défi de la prise en charge de la santé mentale ? Annulerez-vous le projet de transfert du CHU de Nantes avant que son coût dérape ? Sortirez-vous enfin le carnet de chèques pour investir en faveur des soignants plutôt que dans le béton ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer. À question directe, réponse directe : non, nous n'échouerons pas. C'est vrai, les établissements de la région Pays de la Loire ont été affectés par les difficultés de recrutement des psychiatres. Afin de satisfaire les besoins à court terme, il existe, et c'est nouveau, une vraie solidarité entre les établissements de psychiatrie aux échelons départemental et régional. Ainsi, l'ARS – agence régionale de santé – a demandé la création d'une cellule régionale d'ordonnancement des lits de psychiatrie adulte. Par ailleurs, les équipes de soins psychiatriques de particulière intensité à domicile offrent désormais une réponse alternative, permettant d'éviter une hospitalisation à temps complet.

Ainsi, et c'est vraisemblablement la solution, de nouvelles pratiques apparaissent. Les infirmiers de pratique avancée (IPA) spécialisés en psychiatrie et santé mentale, notamment, améliorent l'accès aux soins et la qualité du parcours des patients et réduisent ainsi la charge de travail des médecins, qui peuvent se concentrer sur des pathologies ciblées. En Pays de la Loire, les universités de Nantes et Angers forment ainsi des professionnels de santé expérimentés pour ces nouvelles pratiques – c'est ainsi que nous progresserons. Les protocoles de coopération et le recrutement d'assistants médicaux permettent en outre de libérer du temps médical pour prendre en charge un plus grand nombre de patients. L'ARS accompagne par ailleurs le déploiement de nouveaux outils de téléconsultation et travaille au renforcement des centres médico-psychologiques. Enfin, des actions sont menées avec les partenaires des secteurs médico-social et social, notamment les collectivités territoriales, pour que les patients qui n'ont plus besoin de soins à l'hôpital mais y sont maintenus faute de solution d'accueil extérieure bénéficient de vraies modalités d'hébergement ou de lieux de vie adaptés.

Ainsi, le travail se poursuit, notamment dans le cadre des assises de la santé mentale et de la psychiatrie, installées par le Président de la République en septembre 2021, qui font régulièrement l'objet de comités stratégiques de suivi avec le ministre de la santé et de la prévention. C'est par l'innovation que nous réussirons.

Mme la présidente. La parole est à M. Andy Kerbrat.

M. Andy Kerbrat. C'est le problème quand le ministre concerné n'est pas là : vous ne répondez pas à ma question qui portait tant sur la psychiatrie en Loire-Atlantique que sur les fermetures de lits et de places d'accueil en général, problème qui ne pourra être résolu facilement.

Dans ce département, des enfants sont accueillis dans des unités de psychiatrie adulte à cause de la crise de l'hôpital public. Les aidants – des membres de la famille des enfants handicapés, leurs parents notamment – soulignent : ce n'est pas des « 50 000 nouvelles solutions médico-sociales » que propose le Président de la République qu'ils ont besoin, mais de places en psychiatrie.

Je réitère mon alerte : avec le nouveau CHU, vous investissez dans le béton, pour un site sous-dimensionné, alors que nous ne pouvons pas prendre le risque d'abandonner les soins psychiatriques. Votre réponse tombe à côté.