16ème législature

Question N° 3974
de M. Philippe Latombe (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Vendée )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > entreprises

Titre > Accès du grand public aux registres des propriétaires réels des sociétés

Question publiée au JO le : 13/12/2022 page : 6155
Réponse publiée au JO le : 21/11/2023 page : 10490

Texte de la question

M. Philippe Latombe attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la déclaration de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 novembre 2022 concernant les registres répertoriant les bénéficiaires effectifs ou propriétaires réels des sociétés. La CJUE a, en effet, déclaré illégal l'accès du grand public à ces registres, une mesure, instaurée par l'Union européenne en 2018, qui avait pourtant représenté une avancée majeure en matière de transparence financière. L'ouverture progressive au public depuis 2021 dans les différents États de l'UE compliquait la dissimulation des fraudeurs et des réseaux criminels derrière des prête-noms et des sociétés-écrans. Cette opération transparence, défendue par les organisations de la société civile, a été combattue par certains propriétaires de société, qui estimaient que la publication de leur nom portait atteinte à leur vie privée et viennent donc d'obtenir gain de cause. Il souhaite savoir si, à l'instar de huit autres pays européens, il envisage de verrouiller ces fichiers et comment il prévoit de concilier le respect de la vie privée et la protection des données personnelles avec la transparence financière et la lutte contre les fraudeurs et les réseaux criminels.

Texte de la réponse

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a invalidé, dans un arrêt du 22 novembre 2022, la disposition de la cinquième directive européenne anti-blanchiment prévoyant l'ouverture du registre des bénéficiaires effectifs (RBE) au grand public. Selon la Cour, l'accès du grand public à ces informations méconnaît le droit au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, respectivement consacrés aux articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union. Cette décision a eu pour conséquence de provoquer un retour au droit antérieur, c'est-à-dire la quatrième directive européenne anti-blanchiment (2015/849) qui conditionne l'accès aux informations relatives aux bénéficiaires effectifs à la démonstration d'un intérêt légitime. Si des pays européens ont décidé au lendemain de la décision de la CJUE de restreindre l'accès aux données du RBE, le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a annoncé par communiqué de presse en date du 19 janvier 2023 le maintien de l'ouverture du RBE dont l'INPI est chargé de la tenue. En effet, une fermeture totale aurait méconnu le droit de l'Union en interdisant l'accès au registre aux personnes disposant d'un intérêt légitime et elle aurait par ailleurs fortement pénalisé les différents utilisateurs du registre. Le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est particulièrement vigilant à la conciliation de l'objectif de transparence des bénéficiaires effectifs des sociétés avec les droits fondamentaux de respect de la vie privée et de protection des données à caractère personnel, c'est pourquoi le maintien de l'accès au RBE pour le grand public est provisoire. L'INPI travaille actuellement, en lien avec le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la définition des futures modalités d'accès aux données du RBE aux personnes présentant un intérêt légitime qui permettront notamment aux organes de presse et aux organisations de la société civile de continuer à accéder au registre. Les dispositions du code monétaire et financier relatives à l'accès au RBE seront ultérieurement modifiées dans le cadre de la transposition de la sixième directive européenne anti-blanchiment, actuellement en phase de trilogue. Etant particulièrement engagée dans la lutte pour la transparence des bénéficiaires effectifs des sociétés, la France porte des positions ambitieuses dans la négociation de cette sixième directive anti-blanchiment.