16ème législature

Question N° 400
de Mme Marie Pochon (Écologiste - NUPES - Drôme )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Égalité femmes-hommes et lutte contre les discriminations
Ministère attributaire > Égalité femmes-hommes et lutte contre les discriminations

Rubrique > femmes

Titre > Lutte contre les violences faites aux femmes dans les territoires ruraux

Question publiée au JO le : 21/11/2023
Réponse publiée au JO le : 29/11/2023 page : 10574

Texte de la question

Mme Marie Pochon interroge Mme la ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur la lutte contre les violences faites aux femmes en milieu rural. Une femme meurt tous les deux jours sous les coups d'un homme, souvent de son compagnon, parce que femme. Cette réalité, Mme la ministre la connaît, on la connaît toutes et tous. On est au lendemain de la 24e journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Mme la ministre, cette réalité en masque une autre, glaçante. 50 % des féminicides du pays ont lieu en zone rurale, alors même que seulement 30 % de la population y vit. On en parle peu. Les femmes des villages et des petites villes en parlent peu non plus. La fédération nationale solidarité femmes le soulève : « Les freins de la honte et de la culpabilité sont très forts. Un grand nombre n'ose pas porter plainte. Le fait que tout le monde se connaisse les condamne à subir ». Seulement un quart des appels pris en charge par le numéro spécial 3919 pour les femmes victimes de violences provient d'un département essentiellement rural. L'isolement vécu dans les campagnes et les grandes difficultés d'accès aux services publics entraînent une mauvaise connaissance et un manque d'accès, pour les femmes victimes de violences, à leurs droits, accroissant le non-recours. Il faut ajouter à cela le fait que tout le monde se connaît, la persistance de normes sociales genrées et la difficulté à se déplacer du fait des inégalités d'accès au permis ou au prix du carburant. Il y a deux ans déjà, la délégation aux droits des femmes rendait un rapport édifiant sur le sujet. Afin d'améliorer la vie des femmes en ruralité, il proposait 70 mesures, dont celles, urgentes, de mise en place de brigades de gendarmerie mobiles dans les territoires ruraux et de cellules spécialisées, au sein des gendarmeries ; de développement d'actions de prévention et de sensibilisation dans toutes les écoles et de nomination d'élus référents sur la thématique des violences faites aux femmes dans chaque équipe municipale en milieu rural. Aujourd'hui, près de la moitié des 15 interventions que mène la gendarmerie toutes les heures dans le pays pour des faits de violences intrafamiliales ont lieu dans les territoires ruraux. Les professionnels de santé, les associations et les élus locaux sont en première ligne pour tenter de leur venir en aide, faute, de plus en plus, de services publics de proximité. Ici, Mme la députée les en remercie. Mme la ministre, il est grand temps que cette « grande cause du quinquennat » se voit matérialisée par des mesures tangibles dans les campagnes, alors que les femmes sont une fois de plus les grandes oubliées du plan France Ruralités du Gouvernement. En 2022, lors de l'examen de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, on avait obtenu, sous forme d'expérimentation pour 5 ans, la mise en place de brigades de gendarmerie mobiles pour pouvoir recueillir la parole des femmes victimes de violences dans tous les plus petits et enclavés villages de France. La mesure a été retoquée en commission mixte paritaire. Il y a quelques semaines, Mme la députée a une nouvelle fois proposé le soutien à la mise en place de telles expérimentations - qui existent déjà, mais qu'il faut appuyer - dans le projet de loi de finances pour 2024, mais la mesure n'a pas été étudiée car balayée par l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il est grand temps de cesser de nier, d'ignorer et de sous-estimer ces violences. Si les nouvelles brigades de gendarmerie en sous-préfectures annoncées par le chef de l'État sont une bonne chose, elles doivent être pilotées pour œuvrer sans délai contre les fléaux de l'isolement et de la violence. Points d'écoute dans les maisons France services, programme « Petites Villes de demain », des tiers-lieux ou des mairies, brigades mobiles de réservistes comme dans la Vienne, elle lui demande si elle va enfin accepter d'amplifier et de mieux financer la lutte contre les violences faites aux femmes en milieu rural.

Texte de la réponse

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES DANS LES TERRITOIRES RURAUX


M. le président. La parole est à Mme Marie Pochon, pour exposer sa question, n°  400, relative aux violences faites aux femmes dans les territoires ruraux.

Mme Marie Pochon. Dans 91 % des cas de violences sexuelles, les femmes connaissent leurs agresseurs : ce sont nos partenaires, nos amis, nos frères, nos collègues, nos conjoints souvent. En France, 213 000 femmes sont chaque année victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Plus d’une femme sur deux – une sur deux ! – a été ou sera harcelée et agressée sexuellement au cours de sa vie. C’est moi, c'est ma sœur, c’est vous, peut-être votre maman, votre fille, votre tante, votre compagne – nous toutes.

Cette réalité en masque une autre, glaçante : la moitié des féminicides ont lieu en zone rurale, alors même que seulement 30 % de la population y vit. On en parle peu. Nous, femmes des villages et des petites villes, en parlons tout aussi peu, malheureusement. Seulement un quart des appels pris en charge par le 3919 proviennent d’un département majoritairement rural. Sont en cause l’isolement, les grandes difficultés d’accès aux services publics et le manque de connaissance des droits, qui mène au non-recours. Ajoutez à cela le fait qu'en milieu rural tout le monde se connaît, la persistance de normes sociales genrées et la difficulté à se déplacer, conséquence des inégalités d’accès au permis de conduire ou du prix du carburant.

La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale avait déjà, il y a deux ans, rendu un rapport édifiant à ce sujet. Afin d’améliorer la vie et la sécurité des femmes en ruralité, il proposait soixante-dix mesures, dont certaines étaient urgentes : création de brigades de gendarmerie mobiles, de cellules spécialisées au sein des gendarmeries, de points d’écoute dans les maisons France Services, campagne de sensibilisation dans les écoles, désignation d'élus référents dans chaque équipe municipale.

Près de la moitié des quinze interventions pour des faits de violences intrafamiliales que mène toutes les heures la gendarmerie dans notre pays ont lieu dans ces territoires. Faute de services publics de proximité, les professionnels de santé, les associations et les élus locaux sont en première ligne pour tenter de venir en aide aux femmes victimes de violences dans les territoires ruraux. Je veux ici les en remercier.

Madame la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, il est grand temps que cette « grande cause du quinquennat » se concrétise dans nos campagnes, alors que les femmes sont, une fois de plus, les grandes oubliées de votre plan France ruralités. L’année dernière, lors de l’examen de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), nous avions obtenu, dans l'ensemble des villages les plus petits et les plus enclavés de France, l'expérimentation pour cinq ans de brigades de gendarmerie mobiles dédiées au recueil de la parole des femmes victimes de violences. La mesure a été retoquée en commission mixte paritaire. J’ai une nouvelle fois proposé, il y a quelques semaines, lors de l'examen du budget, un soutien financier à ces expérimentations, lequel a été balayé par le 49.3.

Il est grand temps de cesser de sous-estimer ces violences. Les moyens destinés à la création de nouvelles brigades de gendarmerie n’ont pas été fléchés et les brigades existantes demeurent insuffisamment dotées pour lutter efficacement. J’en suis persuadée, les femmes rurales ne sont pas que des victimes. Elles sont les héroïnes d’un monde qui reste à construire, celui de l’égalité réelle. Quand allez-vous enfin amplifier et financer la lutte contre les violences faites aux femmes en milieu rural ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

Mme Bérangère Couillard, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Vous avez raison, les femmes qui vivent en milieu rural sont plus vulnérables. Elles représentent 30 % de la population rurale, mais 50 % des victimes de violences conjugales. Depuis 2019, nous agissons sans relâche pour protéger ces femmes, notamment en renforçant les dispositifs « d'aller vers » et en enregistrant les plaintes des victimes à l'hôpital ou à leur domicile. En 2023, treize régions ont reçu un financement pour déployer soixante-deux dispositifs « d'aller vers » ; 1,7 million d'euros seront mobilisés en 2024 pour poursuivre leur déploiement.

Le plan Toutes et tous égaux permettra de renforcer les permanences des associations d'aide aux victimes au sein des maisons France Services et des bus France Services, en formant des référents violences et en renforçant les bus itinérants associatifs d’information en zone rurale. Compte tenu de leur couverture territoriale, les maisons France Services constituent des acteurs clés pour repérer et orienter les victimes.

Nous soutenons également, à hauteur de 20 000 euros, le programme Élus ruraux relais de l'égalité (Erre), lancé par l'Association des maires ruraux de France (AMRF) pour sensibiliser les élus de ces territoires et permettre une meilleure coordination entre les acteurs concernés. Une convention de partenariat a été signée le 29 septembre lors du congrès de l'AMRF avec la fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF).

Enfin, nous avons soutenu les acteurs associatifs en ruralité dans le cadre de l'agenda rural, avec un financement de 1,5 million sur deux ans en 2021 et 2022 : quarante-neuf projets ont été financés afin d'améliorer l'information, l'accompagnement et la prise en charge des femmes en difficulté ou des victimes de violences. Soyez assurée, madame la députée, de la détermination du Gouvernement.