Fin de la dérogation d'utilisation d'azote pour la préservation du patrimoine
Publication de la réponse au Journal Officiel du 21 mars 2023, page 2659
Question de :
M. Daniel Labaronne
Indre-et-Loire (2e circonscription) - Renaissance
M. Daniel Labaronne attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur les répercussions de l'interdiction de recourir à l'azote généré in situ sur la préservation du patrimoine culturel. Pour rappel, l'azote généré in situ est utilisé pour créer une atmosphère contrôlée à très faible concentration en oxygène (anoxie) dans des tentes ou chambres de traitement hermétiques servant à lutter contre les organismes nuisibles présents sur des objets appartenant au patrimoine culturel. Cette méthode permet de préserver les collections, les expositions et les sites du patrimoine culturel, sans endommager ces matériaux et pour un prix raisonnable. Néanmoins, l'annexe I du règlement (UE) n° 528/2012 énumérant les substances actives qui présentent des caractéristiques plus favorables pour l'environnement, la santé humaine ou animale et les produits chimiques plus dangereux a récemment interdit d'y recourir. À la suite de la promulgation de ce texte, les acteurs de cette filière se sont conjointement alarmés, conduisant la Commission européenne, par décision du 15 juillet 2020, à édicter une dérogation provisoire, courant jusqu'au 31 décembre 2024. Passée cette date, la réintroduction de l'interdiction pourrait mener à un retour massif du recours à des produits chimiques tels que la fumigation avec gaz mortels. Aussi, il l'interroge sur l'opportunité de solliciter auprès des institutions européennes une pérennisation de cette exemption.
Réponse publiée le 21 mars 2023
Le règlement européen n° UE 528/2012 sur l'utilisation des produits biocides interdit l'usage de l'azote généré in situ. Or, celui-ci est largement utilisé dans le domaine de la protection du patrimoine culturel, lors de traitements par anoxie dynamique. Pour mémoire, l'anoxie dynamique est un procédé de désinsectisation fonctionnant par appauvrissement d'oxygène, remplacé par de l'azote, dans un environnement donné. Privés d'oxygène suffisamment longtemps (au moins 21 jours), les insectes meurent de déshydratation et d'asphyxie. Ce procédé est très fréquemment utilisé par les institutions culturelles car, contrairement à d'autres traitements existants (produits insecticides liquides ou gels, anoxie statique, fumigation, etc.), il permet de traiter de gros volumes de collections, convient à tous types d'objets ou de matériaux, est relativement facile à mettre en œuvre par un personnel formé et reste globalement peu coûteux. C'est pourquoi depuis 2019, l'ICOM (Conseil international des musées) et l'ICOMOS (Conseil international des monuments et des sites) soutiennent la modification de ce règlement, avec l'appui des autorités françaises, notamment du ministère de la culture. À la suite des demandes de dérogation sur son usage pour la protection du patrimoine culturel, portées notamment par l'Autriche, une consultation ouverte a été lancée en décembre 2019 par l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et la Commission européenne, à laquelle les autorités françaises ont contribué. Les résultats de cette consultation ont été extrêmement positifs pour le secteur du patrimoine, si bien qu'en 2020, une dérogation temporaire a été accordée (jusqu'au 31 décembre 2024) en faveur de l'usage de l'azote généré in situ pour la protection du patrimoine culturel dans les États-membres de l'Union européenne, parmi lesquels la France. La seconde étape serait donc de rendre définitive cette dérogation. Pour ce faire, un groupe de travail a été créé dès 2021, soutenu par l'ICOM et piloté par les musées municipaux de Berlin (Pr Dr Stefan SIMON, directeur du Rathgen Forschungslabor et Bill Landsberger, correspondant IPM aux musées de Berlin). À l'issue d'un important travail de collecte sur les pratiques en anoxie dynamique auprès des différents États membres ayant obtenu la dérogation (dont la France), l'Allemagne a engagé courant 2022 une démarche auprès de l'Union européenne pour inclure l'azote généré in situ à l'annexe 1 du RE 528/2012, ce qui permettrait d'employer ce gaz à des fins biocides quels que soient l'équipement et le processus de génération de l'azote utilisé. Parallèlement, une autre demande a été déposée par les musées municipaux de Berlin auprès de l'Office fédéral des produits chimiques en Allemagne pour obtenir une autorisation à l'échelle nationale. D'après les derniers contacts avec les collègues allemands (janvier 2023), les deux demandes sont toujours en cours d'instruction. La réponse pour l'autorisation nationale est attendue pour fin mars 2023 ; aucun délai n'est pour le moment annoncé pour le retour de l'ECHA. Si la demande d'autorisation nationale aboutit pour l'Allemagne, les autres pays concernés par la dérogation pourront à leur tour, grâce au procédé dit « de reconnaissance mutuelle », obtenir une autorisation nationale simplifiée pour l'usage de l'azote généré in situ à des fins biocides.
Auteur : M. Daniel Labaronne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Patrimoine culturel
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 13 février 2023
Dates :
Question publiée le 13 décembre 2022
Réponse publiée le 21 mars 2023