16ème législature

Question N° 404
de M. Jean-François Portarrieu (Horizons et apparentés - Haute-Garonne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Intérieur et outre-mer

Rubrique > catastrophes naturelles

Titre > Non reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle

Question publiée au JO le : 21/11/2023
Réponse publiée au JO le : 29/11/2023 page : 10580

Texte de la question

M. Jean-François Portarrieu interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les modalités de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle consécutive à la sécheresse et la réhydratation des sols et notamment en Haute-Garonne. L'amplification des phénomènes de sécheresse liés au dérèglement climatique entraîne, depuis plusieurs années, une forte évolution des territoires impactés et une récurrence réelle de cette problématique dans le Nord toulousain. Afin de répondre aux inquiétudes légitimes des acteurs, le 8 septembre 2023, le Gouvernement a pris un arrêté interministériel relatif à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, notamment pour le phénomène « mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et la réhydratation des sols ». Censé permettre de clarifier la situation, cet arrêté a, en réalité, suscité l'incompréhension des maires et des concitoyens. En effet, le choix des critères de classement suscite de nombreuses interrogations sur le terrain et entraîne des situations étonnantes : à quelques kilomètres près, deux communes bénéficiant d'un climat et d'un sol parfaitement homogènes en viennent à ne pas bénéficier du même traitement de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, condition pourtant nécessaire pour activer le système assurantiel et ainsi obtenir réparation pour les dégâts causés. En plus des difficultés des maires, en première ligne, s'ajoute en effet le désarroi des habitants constatant des dégâts incontestables sur leurs habitations : lézardes profondes, craquelures dans les sols etc. Alors que chaque année, de très nombreux dossiers de demande de reconnaissance sont collectés à l'échelon communal, l'échec régulier des démarches et la lassitude qui en découle pourrait, à terme, avoir de graves conséquences sur la sécurité des habitations. Interpellé par plusieurs maires du Nord toulousain et dans la continuité des recommandations du rapport parlementaire du 12 octobre 2023 de M. Vincent Ledoux, Il souhaiterait, connaissant l'attachement de M. le ministre aux élus de terrain, être informé des dispositifs envisagés pour répondre à ce sentiment d'incompréhension, ainsi que des démarches envisageables pour prendre en compte les sinistres non reconnus, mais bien réels.

Texte de la réponse

SÉCHERESSE ET ÉTAT DE CATASTROPHE NATURELLE


M. le président. La parole est à M. Jean-François Portarrieu, pour exposer sa question, n°  404, relative à la sécheresse et à l'état de catastrophe naturelle.

M. Jean-François Portarrieu. Les modalités de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à la suite de la sécheresse et de la réhydratation des sols soulèvent plusieurs difficultés, notamment en Haute-Garonne – un département que madame la ministre déléguée connaît bien.

Les phénomènes de sécheresse s'amplifient du fait du dérèglement climatique et transforment, depuis de nombreuses années, les espaces concernés ; dans le Sud-Ouest, le Nord toulousain est, comme d'autres territoires de France, régulièrement touché. Afin de répondre aux inquiétudes fort légitimes des habitants, le Gouvernement a pris un arrêté interministériel, publié le 8 septembre, relatif à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Il prend notamment en compte les « mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols ».

Cet arrêté, pourtant censé clarifier la situation, a suscité l'incompréhension de nombreux maires, ainsi que de leurs administrés. En effet, le choix des critères de classement pose des problèmes sur le terrain, entraînant des situations assez étonnantes ; ainsi, deux communes éloignées de seulement quelques kilomètres et jouissant d'un climat et d'un sol identiques en viennent à ne pas bénéficier de la même reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle – condition pourtant indispensable en vue d'obtenir des assurances la réparation des dégâts causés.

À ces difficultés rencontrées, en première ligne, par les maires, s'ajoute le désarroi des habitants, qui constatent des dégâts évidents sur leurs habitations : lézardes profondes, craquelures dans les sols, et ainsi de suite.

Si, chaque année, de très nombreux dossiers de demande de reconnaissance sont déposés à l'échelon communal, l'échec régulier de ces démarches et la lassitude qui en découle pourraient, à terme, avoir de graves conséquences sur la sécurité des habitations.

J'ai été interpellé en ce sens par plusieurs maires du Nord toulousain. Dans son rapport sur le retrait-gonflement des argiles (RGA) intitulé « RGA, n’attendons pas que ce soit la cata ! », qu'il a remis le 9 octobre au ministre de l’intérieur, notre collègue Vincent Ledoux a formulé plusieurs recommandations sur ce point. Aussi souhaiterais-je connaître les dispositions prévues par le Gouvernement pour répondre à ce sentiment d'incompréhension, ainsi que les démarches envisageables pour prendre en compte les sinistres non reconnus, et pourtant bien réels.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. L’épisode de sécheresse et de réhydratation des sols survenu en 2022 a été particulièrement sévère et a donné lieu au dépôt d'un nombre inédit de 8 992 demandes communales de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle – quatre-vingt-quatorze départements sont concernés. Parmi les communes ayant déposé un dossier, 73 % ont été reconnues en état de catastrophe naturelle – il s'agit du taux le plus élevé, pour ce type de phénomène, depuis plus de vingt ans. La Caisse centrale de réassurance évalue à plus de 3 milliards d’euros le montant des indemnisations associées.

Dans le département de la Haute-Garonne, parmi les 384 demandes communales déposées, 174 ont été reconnues par les arrêtés précités. Néanmoins, la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle n'est prononcée que lorsque les épisodes de sécheresse présentent une intensité anormalement avérée, au vu de critères révisés en 2019.

Des documents explicatifs propres à chaque commune leur sont transmis. Par ailleurs, la transparence des motivations des décisions a été renforcée par la loi du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles, permettant un léger progrès.

Tirant les conséquences des limites actuelles de la prise en charge, l'article L. 161 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS – loi que vous avez votée, monsieur le député –, a habilité le Gouvernement à entreprendre, par voie d'ordonnance, une réforme des modalités d'indemnisation de ce phénomène.

Au terme de travaux approfondis, une ordonnance a été présentée le 8 février 2023, relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols. Elle devrait augmenter sensiblement le nombre de communes éligibles, en assouplissant les conditions d'analyse sur trois points : l'aménagement des critères ; la prise en compte des communes ayant subi une succession anormale de sécheresses d'ampleur significative, mais dont l'intensité n'est pas exceptionnelle ; enfin, une meilleure appréciation de la situation des communes adjacentes.

Ces évolutions répondent à une partie des recommandations du rapport de M. Ledoux que vous avez cité. Nous pouvons espérer que quelques communes supplémentaires pourront ainsi être reconnues en état de catastrophe naturelle dans les semaines qui viennent. Je vous invite à écrire en ce sens au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu.