16ème législature

Question N° 406
de M. Emmanuel Fernandes (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Bas-Rhin )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère attributaire > Transition écologique et cohésion des territoires

Rubrique > déchets

Titre > Question sur StocaMine

Question publiée au JO le : 21/11/2023
Réponse publiée au JO le : 29/11/2023 page : 10586

Texte de la question

M. Emmanuel Fernandes interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur StocaMine, la question se déclinant en quatre points. D'abord, sur la question de l'entretien des galeries. Le tribunal administratif de Strasbourg a enjoint au préfet du Haut-Rhin de « prendre les mesures nécessaires afin d'assurer la maintenance du site [de StocaMine] et en particulier celui de l'ensemble des galeries ». M. le ministre considère-t-il que les montants allant de 2 à 10 millions selon les années soient suffisants pour permettre l'intervention lourde d'engins en milieu minier déconsolidé ? Va-t-il réévaluer ces montants suite à l'injonction du tribunal ou considère-t-il que le tribunal se trompe quand il considère qu'il faut l'enjoindre à entretenir les galeries ? Ensuite, sur la question de la réversibilité de l'enfouissement. M. le ministre a introduit un amendement dans le budget de cette année pour prétendre à une réversibilité de l'enfouissement. Aussi, au-delà de la communication, quelle est l'utilité de cet amendement ? M. le ministre considère-t-il qu'une base légale soit nécessaire pour les travaux d'extraction des déchets, le cas échéant pourquoi l'extraction des déchets mercuriels n'a-t-elle pas eu besoin d'une telle base légale ? M. le ministre estime que les travaux d'enfouissement « doivent impérativement être terminés dès 2027 ». Outre la fin d'autorisation d'exploitation du site accordée par l'arrêté préfectoral de 1997, sur quelle étude scientifique se base-t-il pour justifier cette date butoir ? Si elle n'existe pas, pourquoi se précipite-il à enfouir les déchets ? Sur la question de la pollution de l'eau. Le consensus scientifique considère l'ennoiement des galeries inéluctable tout comme l'expulsion de la saumure souillée jusqu'à la nappe phréatique. M. le ministre a-t-il un chiffrage de la quantité de polluants qui remonteront en cumulé et non pas sur une période donnée ? Si tel n'est pas le cas, comment peut-il prétendre que la remontée des déchets toxiques sera sans danger pour le vivant et la biodiversité ? Enfin, sur le volume des déchets polluants. M. le ministre peut-il justifier que des études toxicologiques ont été effectuées sur les 30 000 tonnes de sels contaminés par l'incendie du bloc 15 ? Ni l'enquête pénale sur les causes de l'incendie, ni les 310 études ultérieures menées par la tierce expertise en 2016 n'ont porté sur ces 30 000 tonnes de sels contaminés suites aux inévitables transformations chimiques et effets cocktails dus à la chaleur, l'eau ou tout autre produit pour éteindre l'incendie, qui a duré plus de deux mois et demi. Le cas échéant, cette omission n'entraîne-t-elle pas une erreur fondamentale dans l'évaluation du risque de contamination de la nappe ? Il lui demande des précisions sur ces sujets.

Texte de la réponse

STOCAMINE


M. le président. La parole est à M. Emmanuel Fernandes, pour exposer sa question, n°  406, relative à Stocamine.

M. Emmanuel Fernandes. Ma question porte sur Stocamine et se décline en quatre points.

Premièrement, le tribunal administratif de Strasbourg a enjoint le préfet du Haut-Rhin de « prendre les mesures nécessaires afin d'assurer la maintenance du site de Stocamine et en particulier de l'ensemble des galeries ». Considérez-vous que les budgets alloués chaque année par l'État aux Mines de potasse d’Alsace (MDPA), entre 2 et 11 millions d'euros, soient suffisants pour permettre l'intervention lourde d'engins en milieu minier déconsolidé ? Allez-vous réévaluer ces montants suite à l'injonction du tribunal ou considérez-vous que le tribunal se trompe et que l'entretien des galeries est satisfaisant ?

Deuxièmement, vous avez introduit un amendement dans le projet de loi de finances pour 2024 pour prétendre à une réversibilité de l'enfouissement. Au-delà de la communication, quelle est l'utilité concrète de cet amendement ? Considérez-vous qu'une base légale soit nécessaire pour engager les travaux d'extraction des déchets ? Le cas échéant, pourquoi une telle base légale n'était-elle pas nécessaire pour l'extraction des déchets mercuriels effectuée entre 2014 et 2017 ? Vous estimez que les travaux d'enfouissement « doivent impérativement être terminés dès 2027 », d'après le communiqué du ministère du 20 septembre 2023. Outre la fin d'autorisation d'exploitation du site accordée par l'arrêté préfectoral de 1997 pour une durée de trente ans, sur quelle étude scientifique – j'y insiste : scientifique – vous fondez-vous pour justifier cette date butoir ? Si elle n'existe pas, pourquoi vous précipiter pour enfouir les déchets ?

Troisièmement, en ce qui concerne la pollution de l'eau, il existe un consensus scientifique qui considère l'ennoiement des galeries comme inéluctable, tout comme l'expulsion, par effet de seringue, de la saumure souillée jusqu'à la nappe phréatique. Disposez-vous d'un chiffrage de la quantité cumulée – et non sur une période donnée – de polluants qui remonteront ? Si tel n'est pas le cas, comment pouvez-vous prétendre que la remontée des déchets toxiques sera sans danger pour le vivant et la biodiversité ?

Quatrièmement, je veux vous interroger sur le volume des déchets polluants. Pouvez-vous nous prouver que des études toxicologiques ont été effectuées sur les 30 000 tonnes de sels contaminés par l'incendie en 2002 du bloc de stockage no 15 ? Ni l'enquête pénale sur les causes de l'incendie, ni les 310 études ultérieures menées par la tierce expertise n'ont porté sur ces 30 000 tonnes de sels contaminés suite aux inévitables transformations chimiques et effets cocktails dus à la chaleur, à l'eau ou aux produits introduits pour éteindre l'incendie. Le cas échéant, cette omission n'entraîne-t-elle pas une erreur fondamentale dans l'évaluation du risque de contamination de la nappe ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Comme je l'ai dit en réponse à votre question au Gouvernement le 14 novembre, je rappelle que 134 études, mobilisant 123 experts internationaux, ont été produites sur le sujet et que toutes leurs conclusions convergent. La réponse à vos multiples questions figure dans ces nombreuses études, qui sont toutes publiques.

L’exploitation minière présente des risques mortels, comme l’a montré cette année le décès de plusieurs mineurs dans une mine de potasse en Espagne. Or les experts indiquent qu’une prolongation importante de la durée d’utilisation de la mécanique de l’un des puits au-delà de 2027 présente un risque considérable pour le personnel.

La date de 2027 n’a pas été remise en cause par les parlementaires et les élus locaux du département lors de la concertation menée par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, M. Christophe Béchu, ces derniers mois.

L’urgence, pour protéger la nappe d’Alsace, est de procéder au confinement sûr de ces déchets. Sinon, dans plusieurs centaines d’années, l’ennoiement progressif des anciennes galeries des mines pourrait provoquer une remontée de substances polluantes.

En l’absence de confinement, le débit de remontée de saumure polluée vers la nappe d’Alsace est évalué à 700 mètres cubes par an, contre 0,7 mètre cube par an avec les barrières de confinement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi de finances pour 2024 un dispositif de garantie pour aller chercher ces déchets lorsque des solutions technologiques permettront d’envoyer des robots en toute autonomie. Il crée donc, dès maintenant, les conditions budgétaires et juridiques pour remplir pleinement nos obligations vis-à-vis des générations futures, afin qu’elles puissent vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

Le Gouvernement agit sur cette question avec une volonté indéfectible de protéger la nappe d’Alsace, de préserver la sécurité des mineurs de fond et le droit des générations futures, en y consacrant les moyens financiers nécessaires, y compris pour assurer durablement la maintenance courante des galeries de la mine.

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Fernandes.

M. Emmanuel Fernandes. Je répète que 2027 n'est pas la date à partir de laquelle l'enfouissement ne serait plus possible, mais seulement la date de fin de validité de l'autorisation d'exploitation du site accordée par l'arrêté préfectoral de 1997, qui n'est d'ailleurs fondée sur aucune étude scientifique.

S'agissant des potentiels accidents du travail liés à l'extraction des déchets mercuriels, je rappelle que les manipulations liées à l'extraction du produit le plus toxique, qui étaient les plus complexes et les plus susceptibles de générer des accidents, ne seront désormais plus nécessaires pour atteindre les colis de poisons et extraire les 42 000 tonnes de déchets toxiques toujours présents à quelque 500 mètres de la plus grande nappe phréatique d'Europe. Si elle est amenée à progresser encore, la robotique permet déjà les manœuvres en question : en Allemagne, certaines entreprises possèdent des bras télescopiques de cinquante mètres de long, capables d'aller chercher ces déchets sous terre, et d'autres expériences internationales sont des réussites, à l'image de celles menées par la Suisse à la décharge de Bonfol, dans le Jura, où sont stockés des déchets toxiques industriels, et à la décharge pour déchets spéciaux de Kölliken. Inutile, donc, de tabler sur la progression de la robotique dans le futur.